Deux rentrées scolaires en une année ! On aura tout vu avec le coronavirus.
La réussite du plan de déconfinement du couple exécutif va largement se jouer dans les écoles, collèges et lycées de France. C’est pour tenter de dégonfler la polémique sur l’impréparation du dispositif scolaire et les angoisses des Français qu’Emmanuel Macron s’est rendu hier dans une école de Poissy dans les Yvelines. Le chef de l’Etat, habillé d’un masque grand public bleu marine Made in France, a été reçu par l’efficace Karl Olive, réélu Maire de Poissy le 15 mars avec un score de maréchal et 75% des suffrages exprimés.
En vingt minutes et face aux rédactions de BFMTV et France Télévision, le président de la République a tenté de rassurer les Français : la communauté pédiatrique est convaincue que les enfants transmettent très peu le Covid-19, la rentrée scolaire sera progressive et concertée, les enseignants seront en sécurité pour travailler et personne (élus, parents, personnels) ne sera contraint à rien.
Vivez le monde d’après…
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Il n’empêche : l’annonce surprise le 13 avril que le déconfinement commencerait le 11 mai par nos enfants, à un moment où aucun plan n’avait été concerté ni même envisagé avec les acteurs concernés, a ouvert la boîte de Pandorre de nos angoisses collectives et d’une machine administrativo-technique qui gouverne mal les pouvoirs et les services publics.
Les maires, qui craignent que leur responsabilité pénale puisse être engagée si des enfants venaient à contaminer leurs proches en mai ou juin, accepteront-ils une seconde fois d’être les cautions locales des affres de l’exécutif comme ils l’ont été lors du Grand Débat national qui a permis, certes, de sortir de la colère des gilets jaunes ? Des centaines d’élus locaux, notamment en Ile-de-France, demandent explicitement le report de la rentrée scolaire.
On apprend au passage de cet entretien express d’Emmanuel Macron à l’école quelques données clé : seuls 30.000 enfants de personnels soignants ont été reçus dans les établissements scolaires pendant la période de confinement. Le chiffre est faible au regard des centaines de milliers de professionnels des soins. Et ce chiffre permet de déduire ce que tout le monde sent au fond : très peu d’élèves au final reprendront le chemin de l’école en mai voire en juin. C’est l’inconvénient majeur des gestes-barrière et des mètres de distanciation sociale : le nombre d’enfants laissés de côté restera malheureusement considérable.
Autre remarque du président : la fameuse carte de France des zones vertes, jaunes et rouges, qui tient en haleine tout le pays, n’a que peu d’intérêt puisque Emmanuel Macron a explicitement reconnu qu’il y aurait peu de différences entre les deux zones. A quoi bon cette carte du coup ? Sinon pour communiquer ?
Emmanuel Macron a refusé hier de rentrer dans les détails du déconfinement et a strictement respecté le périmètre d’action du premier ministre et du gouvernement (l’article 20 de la Constitution n’aurait-il jamais autant inspiré nos dirigeants ?) : c’est Edouard Philippe et son équipe qui seront chargés de dévoiler jeudi 7 mai les derniers détails du plan de déconfinement de la France à valoir à partir du 11 mai. Le rôle du président ? Rassurer, donner de l’espoir, calmer le jeu. Et conceptualiser à l’envi quand il le peut : « on a inventé une nouvelle façon d’enseigner », nous sommes une « nation apprenante tout au long de l’année ».
Pendant ce temps-là, les Français sortent de plus en plus de chez eux, sans attendre le 11 mai, et l’on voit de plus en plus de masques grand public, de toutes les couleurs et de tous les formats. Comme si les Français avaient décidé de se prendre en main eux-mêmes. Le système D, et le bon sens des Français, invoqué à plusieurs reprises hier par Emmanuel Macron comme pour mieux s’en approprier la paternité (« mon rôle est de rappeler une forme de bon sens dans cette période »), aura sauvé la France là où souvent l’Etat aura été en retard.
Michel Taube