Opinion Internationale développe la rubrique « A votre santé » avec des analyses et des propositions pour une nouvelle gouvernance de la santé, pour la prévention, pour libéraliser la i-santé et la télémédecine, pour partager le meilleur de toutes les médecines, pour vivre une santé du bien-être. De même, le @Live du lundi 11 mai à 18h sur Zoom proposera un Focus santé avec Philippe Douste-Blazy, ancien maire de Toulouse, ancien ministre et secrétaire général adjoint de l’ONU, Rémi Bouvier, DG Eovi Mcd Santé et Services, futur Aesio, du Professeur Enrique Casalino, Directeur Médical au Groupe Hospitalier Universitaire Paris Nord-Université de Paris-Assistance Publique Hôpitaux de Paris, responsable des urgences de l’hôpital Bichat à Paris, Gilles Lunzenfichter, CEO et Co-fondateur de Medisanté, et Raymond Taube, rédacteur en chef d’Opinion Internationale, chef de rubrique « A votre santé » et directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique.
Opinion internationale n’a pas attendu le coronavirus pour créer la rubrique « À votre santé », dans laquelle la eSanté tient une place centrale. eSanté, cela signifie littéralement santé électronique ou numérique, terme générique, mais aussi réducteur. Il serait plus juste d’évoquer la iSanté. « i » comme innovations, au pluriel, tant elles sont nombreuses : téléconsultation, télésurveillance, téléchirurgie et même robots chirurgiens, organes artificiels, recherche génétique, ordinateurs biologiques, intelligence artificielle au service du diagnostic, de la préconisation thérapeutique et du big data…. Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle, fascinante, et sous certains aspects inquiétante voire effrayante, quand on songe aux dérives de l’homme augmenté, voire à la quête de l’immortalité, et plus prosaïquement, à la collecte et au traitement des données de santé qui pourrait porter atteinte à notre vie privée. Mais qu’a-t-on faut de la recherche sur le nucléaire ? Des armes, certes, mais aussi, entre autres, de l’électricité plus écologique que d’autres sources d’énergie.
La iSanté donc : nouvelles techniques, nouvelles pratiques, nouveaux défis, nouvelles opportunités. Opportunités pour les entreprises de ce secteur, mais aussi pour les financeurs de la santé, l’assurance maladie et les assurances et mutuelles privées, et aussi l’État, qui est notamment confronté au problème des déserts médicaux.
La iSanté permet d’abord de répondre à la volonté du chef de l’État français exprimé alors qu’il était encore candidat à la présidence de la République : mettre l’accent sur la prévention. Elle est la clé d’une diminution significative des dépenses de santé parce qu’elle permet d’agir en amont, avant qu’une pathologie se déclare et, si elle s’est déclarée, avant qu’elle ne dégénère. Vivre plus longtemps et en meilleure santé pour un moindre coût. Tel est le pari de la iSanté. Et c’est loin d’être un pari fou…
En amont, toutes les techniques relevant du bien-être, du fitness, de l’activité sportive, de l’hygiène de vie peuvent s’appuyer sur des objets connectés grand public, souvent via des applications pour smartphone, à condition qu’ils offrent toutes les garanties de confidentialité des données, afin qu’elles ne soient pas transmises à des « partenaires » qui les exploiteraient à des fins commerciales, a fortiori s’il s’agit de banques ou de compagnies d’assurances dont les prestations seraient proposées en fonction des données de santé collectées. Force est de constater que la législation et le RGPD ne sont pas toujours suffisants à assurer cette protection, puisque l’utilisateur est souvent obligé de consentir au traitement de ses données s’il veut utiliser l’application et les services qui y sont attachés.
Si l’on passe du fitness à la prise en charge médicale, il est indispensable que le médecin en prenne le contrôle et soit le vrai pilote de la iSanté. Les outils ne sont alors plus des gadgets connectés, mais des applications médicales de l’internet des objets, permettant notamment la télésurveillance des patients chroniques. C’est un volet fondamental de la télémédecine, car les maladies chroniques, qui affectent très majoritairement des seniors, sont la plus lourde charge qu’ait à supporter l’assurance maladie, donc le contribuable social, les salariés et les entreprises.
Plus encore que pour les capteurs de données grand public pilotés par des applications pour smartphone, il est indispensable que leur utilisation par des médecins hospitaliers ou de spécialités lourdes, offre la double garantie de simplicité et de la confidentialité, a fortiori si le patient est âgé et peu au fait des gadgets électroniques et du paramétrique d’applications. En témoigne l’un des acteurs de la télésurveillance, la société MediSanté. Son CEO et Co-fondateur Gilles Lunzenfichter nous a expliqué comment les infrastructures que développe sa société concilient ces deux impératifs de simplicité et de la confidentialité, tout en mettant le praticien au cœur du dispositif.
Le défaut de surveillance du malade chronique, qui devient encore plus problématique et dans des déserts médicaux et dans une phase épidémique qui implique des mesures telles que le confinement, a des conséquences sanitaires souvent dramatiques. Là aussi, l’intérêt budgétaire rejoint l’intérêt sanitaire : un remboursement de la télésurveillance médicale comme premier choix pour les personnes de plus de 65 ans, au lieu de la traiter comme une option exceptionnelle dans le cadre du programme ETAPES permettrait des économies considérables et une réorganisation subséquente en profondeur des parcours de soin ville-hôpital. Cela montre qu’il y a encore du chemin à parcourir pour que les pouvoirs publics s’engagent pleinement dans la télésurveillance.
Début mars, Olivier Véran, nouveau ministre de la Santé et des solidarités, a subitement permis que la France entre de plain-pied dans la téléconsultation à l’occasion de la crise du Covid-19. C’est d’ailleurs sur cet enjeu que nous l’avions rencontré en Chine et qu’il était intervenu dans plusieurs Hebdos d’Opinion Internationale en 2018.
Ainsi, le 10 mars, le ministre de la Santé autorisa les médecins à consulter via FaceTime et WhatsApp, précisant qu’ils seraient rémunérés comme pour une consultation classique. Après avoir assoupli la téléconsultation vidéo, dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, Olivier Véran autorisa même début avril de façon exceptionnelle les téléconsultations par téléphone.
Révolution sanitaire en vue… Car pour « permettre en toutes circonstances la détection de cas suspects ou le suivi de personnes particulièrement fragiles » la iSanté offre des perspectives nouvelles considérables. Il était temps que l’Etat français s’y convertisse, réjouissant au passage des acteurs historiques du combat pour la télémédecine, comme l’Académie Francophone de Télémédecine et de eSanté, présidée par Madame Ghislaine Alajouanine.
Il est évident que si la France avait été à la pointe de ces technologies et d’une politique de santé publique faisant de la prévention une priorité, l’adaptation de la France à la crise subite du coronavirus aurait été plus rapide. Surtout pour le suivi des personnes âgées présentant des pathologies chroniques, confinées à domicile, et que l’hôpital n’a pas pu suivre pendant ces 55 jours d’isolement.
Plus encore que dans le passé, Opinion Internationale donnera la parole aux acteurs de ce monde fascinant de la santé, de la iSanté en particulier, comme nous nous plaisons à la dénommer, celle de l’innovation, de l’inventivité.