Dans le prochain Live Opinion Internationale lundi 25 mai à 18h30 (Paris) et 12h30 (Antilles) sur Zoom, Paris time (les inscriptions sont ouvertes), la rubrique « Opinion Outre-Mer » sera lancée et consacrée à la France ultra-marine. Rayonnement de la deuxième puissance maritime au monde grâce aux Outre-Mer, diversité des enjeux de chaque territoire, intérêts stratégiques à Paris et Bruxelles, géopolitique et pouvoirs, droit, tourisme, culture et gastronomie, et surtout les femmes et les hommes des Outre-Mer, seront au coeur de cette nouvelle rubrique. « Opinion Outre-Mer » sera animée par Laurent Mairesse, professionnel du tourisme et conseiller éditorial d’Opinion Internationale, avec Céline Carsalade, avocate, chargée de Saint-Barthélémy, qui nous propose un premier article sur la crise du Covid-19 à Saint-Barth, et très vite de nombreux contributeurs partout dans le monde.
Au moment où tout le monde sort de chez lui et peut se déplacer jusqu’à 100 kms, regardons ce qui se passe un peu plus loin de l’Hexagone et plus particulièrement dans les Outre-Mer qui, rappelons-le, ne font pas partie de l’Espace Schengen. Ce sont des Régions ultra-périphériques (RUP), et donc elles n’ont pas la même gestion en termes de frontières. Ceci mérite d’être relevé car la sortie de crise présente donc des spécificités, surtout sur le plan touristique.
La pandémie du COVID-19 a touché les Outre-Mer mais à des niveaux assez faibles avec 2.359 cas au total à ce jour sur l’ensemble des territoires.
Seule exception : Mayotte, affiché en rouge sur la carte du déconfinement, où la situation sanitaire avant l’arrivée du virus était déjà très préoccupante. Actuellement, l’épidémie continue d’y progresser, comme le déplore le député de Mayotte, Mansour Kamardine. Dans ce département, avec 1.258 cas soit plus de 50% des cas des territoires ultramarins, le virus continue à circuler activement. Ce député s’est opposé récemment sur le sujet à la Directrice de l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui n’est autre que Dominique Voynet, ancienne patronne des Verts et Ministre de l’Environnement du Gouvernement Jospin… Les images récentes rapportées de Mayotte laissent sans voix : misère, insalubrité, chômage… Le département le plus pauvre de France dénombre 84% de ses habitants au-dessous du seuil de pauvreté. Le déconfinement visiblement n’est pas pour demain.
En ce qui concerne la Guyane, même si la carte s’affiche en vert, la prudence reste de mise puisque huit nouveaux cas ont été identifiés. Lorsque l’on connaît la situation de ce département et sa frontière avec le Brésil, la vigilance des autorités doit forcément être maximale.
A La Réunion, le nombre de cas confirmés s’est largement ralenti et ce depuis le début du mois d’avril. Pour ce coin de France paradisiaque, à noter également que comme dans d’autres Outre-Mer, l’épidémie de Dengue reste très active et que c’est donc faire face à deux problématiques pour les autorités respectives. Pour la Nouvelle-Calédonie, tout cela n’est déjà qu’un mauvais souvenir puisque ce fut le premier département déconfiné dès le 20 avril dernier (presque une éternité). Pour rappel, seuls 18 cas de COVID-19 avaient été décelés et tous importés. Il en est de même pour Saint-Pierre et Miquelon où un seul cas était apparu.
Vivez le monde d’après…
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Bien que nous ne puissions que louer la gestion rigoureuse des autorités, sur les Outre-Mer en général, pour limiter les cas de contaminations, nous ne savons toujours pas si les scientifiques confirmeront un jour que les fortes températures contribuent à ce que le virus ne se développe pas plus. Par ailleurs, des cas ont été constatés sur les bateaux de croisière qui ont été très vite soit déroutés, soit leurs passagers ré-acheminés par voie aérienne. Auraient-ils aussi contaminé les locaux avec un effet à retardement, ce qui oblige à la prudence ? Dans tous les cas, les autorités se veulent confiantes mais la nécessité de poursuivre les gestes barrières et les mesures sanitaires restent d’actualité : n’oublions pas qu’il aurait été catastrophique d’avoir plus de cas pour la simple et bonne raison que le système de santé est en perte de vitesse dans ces territoires éloignés de la métropole avec un manque considérable de moyens, encore plus qu’en métropole.
Dommage pour les enfants qui pensaient retourner à l’école car peu d’écoles, en Guadeloupe et en Martinique au moins, ont rouvert pour le moment sur décision des Maires, prétextant que les mesures sanitaires ne pouvaient pas être mises en place faute de moyens. S’y ajoutent les pénuries d’eau non pas en rapport au manque de ressources en eau, mais à une gestion calamiteuse des différents syndicats d’eau privant de nombreuses familles des journées entières de cette précieuse ressource. Comment demander à un habitant ou à un enfant à l’école de se laver les mains au titre des précautions sanitaires sans eau ? Lors d’un récent déplacement, le Président de la République avait pourtant demandé aux autorités de prendre ce dossier en main, mais il tarde à ce que l’eau coule à nouveau sans coupures intempestives.
L’heure est au déconfinement et de nombreuses questions restent en suspens, aussi bien dans la population que dans les entreprises. Une reprise progressive en demi-teinte car la place des bars et restaurants dans l’économie antillaise est importante. Chacun a dans sa tête un air de musique qui fait penser aux plages et aux saveurs gustatives et tout cela aux Antilles s’apprécie en faisant la fête car il fait bon vivre sur ces territoires trop souvent oubliés par les exécutifs successifs. Et donc comment garder ses distances lorsque le zouk va bon train lors de soirées avec famille et amis ? Par ailleurs, même si les hôtels n’avaient aucune obligation de fermer, la fermeture des frontières a coupé du monde les Outre-Mer, plongeant ses entreprises dans des difficultés sans précédents et sans clients, le chiffre d’affaire perdu ne pouvant être rattrapé. Le sort de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy aux Antilles (l’analyse de Céline Carsalade, avocate à Saint-Barth, en témoigne) dépend largement de la réouverture de l’espace aérien international.
Du côté de la population, les avis sont mitigés car dans des départements où la pandémie a été très maîtrisée et limitée, les habitants ont la crainte, avec les rotations aériennes qui reprendraient à partir du mois de juillet, de voir des cas importés et le virus se développer. Le vrai risque, il est sanitaire car chacun sait que les hôpitaux, en manque de moyens en général et encore plus dans les Outre-Mer, ne pourraient pas gérer une situation. D’où la prudence des Préfets respectifs dans leurs prises de décisions. Des accords ont néanmoins été trouvés pour la réouverture des plages avec les Maires concernés.
Spécificités ultra-marines
La gestion des départements et territoires d’outremer passe déjà par une prise de conscience qu’ils sont spécifiques et que tout ne peut pas être du copier-coller de la métropole. Et pourtant, aussi bien depuis l’ère Macron que sous les présidences précédentes, de nombreux ministres, députés, sénateurs se sont succédés. Ils sont comptables de la politique qui a été menée depuis des années par le gouvernement avec toujours plus d’aides publiques. Mais pour quels résultats pour se retrouver avec des hôpitaux moribonds, un taux de chômage exponentiel, des entreprises qui ont du mal à s’exporter, un manque d’organisation des filières, etc. ? Et pourtant, même s’il y a eu des interventions dans le cadre de cette crise par certains élus, force est de constater que ceux de la majorité présidentielle sont bien absents. Quel plan de relance pour la population et l’économie ont-ils en tête ? Aura-t-il de grandes ambitions ? Que sera le tourisme de demain aux Antilles et dans la Caraïbe car celui du passé privilégiait le tourisme de masse à grands renforts de communication mais avec une qualité et des prestations toutes relatives ?
La notion de territoire, la notion de pays, est très éloignée des décisions qui sont prises actuellement. La vraie question est : l’histoire, la vie, le futur des ultramarins sont-ils les préoccupations des gouvernements successifs et de l’actuel ? Beaucoup d’effets d’annonces mais dans la réalité on avance au ralenti. Juste un exemple : la Cité des Outre-Mer qui devait voir le jour sur le parc de La Villette depuis 2019, projet défendu et porté par la députée de Paris, George Pau-Langevin, n’a toujours pas avancé. L’actuelle Ministre Annick Girardin l’a balayé d’un revers de la main reportant son ouverture de 2018 à 2019, de 2019 à 2020 … Il s’agit pourtant bien là de Français à part entière, dont certains illustres compatriotes ont fait la France, et qui apportent au pays tout entier leur culture, leur savoir-faire. Ils méritent mieux qu’un simple projet numérique.
L’ancien Ministre des Outre-Mer, Yves Jégo, a dû d’ailleurs oublier une partie de son parcours car dans une interview récente https://www.publicsenat.fr/article/politique/yves-jego-il-faut-reconstruire-une-france-des-usines-et-des-ateliers-182570 où il parle de futures usines et ateliers, de relocalisation, à aucun moment les départements et territoires de son ancien Ministère ne sont cités. Et pourtant, ces lieux sont tout à fait propices au développement de ces petites usines ou ateliers, aux circuits courts qu’il se plaît à mettre en avant. Certaines existent déjà mais peinent à se développer car elles ont des difficultés à trouver les circuits de commercialisation à l’extérieur et également à convaincre les investisseurs qui hésitent à engager leurs finances. Pourquoi lorsqu’il était « aux affaires » s’est-il limité à fournir un rapport au Président Sarkozy. Et parlant de « Schengen économique » exclut-il désormais les Outre-Mer de son projet de « Grenelle de l’économie productive » ? Il n’est pas le seul à commettre cet oubli.
Des voix commencent à s’élever aussi bien dans les rangs du patronat que des syndicats, faisant planer un 2009 bis qui ferait revenir une crise sociale dont les Outre-Mer n’ont pas besoin. Il est en effet à déplorer que les annonces gouvernementales semblent insuffisantes pour les uns et les autres. Beaucoup plus d’aides sont demandées car les mois d’été approchent et pour le moment des rotations aériennes sont annoncées entre la métropole et ces départements. Néanmoins, si la quatorzaine actuellement en vigueur se prolonge, les touristes ne viendront pas dans ces conditions. Les opérateurs doivent repenser leurs offres à orienter sur la clientèle locale et régionale, mais cela ne suffira pas à faire remonter les chiffres d’affaires.
Les personnalités et les associations se mobilisent
Ces jours derniers, de nombreuses personnalités sont montées au créneau en interpellant le Président de la République dont, entre autres, les biens connus et appréciés Jocelyne Beroard, Pascal Légitimus, Firmine Ricard ou Christine Kelly. Patrick Karam, l’ancien délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’Outre-Mer, à l’origine de cet appel, a répondu à Opinion Internationale dans un entretien à paraître demain.
Cette prise de positions montre bien que cette crise profonde révèle aussi des oublis de l’Etat et qu’il doit être mis face à ses responsabilités.
Lors de sa prochaine allocution le 25 mai qui fixera la date de réouverture des bars et restaurants, le premier ministre Edouard Philippe reprendra-t-il son expression de 2017 où il incitait à avoir le « Réflexe Outre-mer » pour soutenir les différentes filières de ces départements et territoires qui sont et font la France ?
Il y a urgence : sauvons les Outre-Mer du syndrome coronavirus qui est en train de s’installer.
Michel Taube
Laurent Mairesse, conseiller éditorial d’Opinion Internationale et chef de rubrique « Opinion Outre-Mer »