Edito
06H58 - vendredi 22 mai 2020

Vous avez dit gouvernement d’union nationale ? Faites vos jeux ! 1. Le casting. L’édito de Michel Taube

 

Les éditoriaux de Michel Taube, parfois sur la vie politique, parfois sur les enjeux de société, en France ou dans le monde, constituent le regard d’un éditeur indépendant de tout parti et de toute chapelle, solidement arrimé à ses convictions libérales, sociales, humanistes et pluralistes, et plus encore aux valeurs de la République française (liberté, égalité, fraternité… et laïcité) et de l’Union européenne (unis dans la diversité). Nous sommes convaincu que l’Etat, c’est nous, nous les Français, nous chacun des citoyens. Que les élus et les fonctionnaires sont les serviteurs des citoyens, comme aime à nous le rappeler Ghislaine Alajouanine, pionnière de la télémédecine en France. Que la France, grâce aux Français, a des atouts, une histoire, une culture et des talents qui lui permettent de s’ouvrir sur le monde, d’entrer de plain-pied dans la modernité, de voir loin et grand, notamment grâce à ses outre-mer, sa puissance maritime, aux Français de l’étranger et à la francophonie. Et qu’enfin, en France comme en Europe, les institutions doivent être profondément rénovées. Nos éditos naviguent entre critique, parfois colère, et des propositions et des pistes pour esquisser une vision, un chemin, et tenter de bâtir aujourd’hui le monde d’après. Il n’est pas toujours aisé d’être un bâtisseur, mais il un devoir de tenter de l’être ! Michel Taube

En politique, paraît-il, on définit le projet d’abord et on choisit les femmes et les hommes ensuite. Imaginons que le projet de gouvernement national soit clair : relancer l’économie française frappée de plein fouet par deux mois d’arrêt quasi-total et rénover l’Etat et le système de santé largement dégrossi et affaibli par des décennies de logique administrative et comptable.

Imaginons donc, comme les bruits de palais le laissent entendre avec de plus en plus d’insistance, qu’Emmanuel annonce début juillet la démission d’Edouard Philippe et de son gouvernement et la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Le 14 juillet, sur les Champs-Elysées, devant les soignants et nos premiers de cordée, c’est un nouvel exécutif gouvernemental qui entourerait le chef de l’Etat. 77% des Français y seraient favorables : nous aurions enfin la concorde retrouvée sur la place de la Concorde ! Le rêve !

Oui, mais avec qui ? Qui pour composer ce gouvernement de salut public ou ce Conseil national de la résistance bis ? Faites vos jeux !

Relancer une politique industrielle pour la France ? Un Jean-Pierre Chevènement ou un Arnaud Montebourg (quoi que son expérience des abeilles pourrait l’orienter vers le ministère de l’agriculture…) semblent tout indiqués. La (re)création d’un grand ministère de l’industrie, séparé de celui de l’écologie qui, lui, confié à un écologiste un tantinet libéral (une Corinne Lepage ? Un Yannick Jadot ?), pourrait faire surprise.

Une nouvelle étape de décentralisation des pouvoirs et de réforme de l’Etat et des administrations ? Une présidente de région comme Valérie Pécresse, libérée de LR, serait une belle prise de guerre à droite.

Les affaires sociales, face à la colère française que l’on annonce de retour (on l’a vu hier devant l’hôpital Robert Debré où se mêlaient gilets jaunes et collectif Inter-Urgences) nécessiteraient un grand diplomate. Nicole Notat ? Déjà mobilisée dans l’élaboration du Ségur de la Santé pour une énième grande réforme de l’hôpital, elle pourrait hériter d’un ministère en remerciement de cet engagement et d’une belle carrière entre la CFDT et le bien commun. La grande dépendance (et l’annonce de la création d’une cinquième risque, salué à juste titre par Laurent Berger dans Les Echos), mériterait la création d’un grand ministère et la nomination d’une ou un jeune pour saluer la solidarité inter-générationnelle.

Certains ministres actuels pourraient s’y retrouver : Oliver Véran a bien défendu les choix du pouvoir au cœur de la crise sanitaire et les Français ont découvert en lui un nouveau gendre idéal. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin assureraient la poursuite de la promesse de droite inscrite dans le en-même temps macronien.

A la justice, aux abonnés absents du service public ces deux derniers mois, un grand avocat permettrait de redonner des couleurs à la fonction judiciaire. Bon, on ne va pas flatter ni décevoir leurs egos… Elles et ils s’y retrouveront.

Et puis, ce sursaut national serait l’occasion de rectifier quelques erreurs passées : faire du Secrétariat à l’égalité femmes – hommes un super ministère, numéro 2 dans la pyramide gouvernementale. Confié à Muriel Robin ? Certes, il faut une « emmerdeuse » pour bousculer les traditions et les conservatismes masculins séculaires, mais Marlène Schiappa n’a pas démérité en la matière.

Créer un  super-ministère du logement et de l’immobilier serait utile pour la France car, quand le bâtiment va, tout va… Et rien ne va plus dans le secteur ! Alain Dinin, ancien président de Nexity, homme de gauche et de convictions, qui avait fait travailler de concert l’un des mastodontes de la promotion immobilière avec la Fondation Abbé Pierre, serait l’homme de la situation.

Et pourquoi pas, enfin, un grand ministère de la Mer et des Outre-Mer. La France tourne trop souvent le dos à sa puissance maritime. Des personnalités ultra-marines ne manquent pas pour assumer ce défi. Un marin au long cours ? La France n’en manque pas.

Au sport, Patrick Braouzec, l’ancien maire de Saint-Denis et président de plaine-Commune, au cœur du dispositif des Jeux olympiques de Paris 2024, satisferait l’aile sociale – communiste. 

Mais au final, toutes ces femmes et ces hommes voudront-ils plonger dans l’arène politique, à moins d’un an des élections départementales et régionales (voire municipales si elles sont reportées à 2021), à deux ans de la présidentielle et des législatives ?

Et puis qui pour succéder à Edouard Philippe ? François Bayrou, faiseur de rois ? Edouard Philippe lui-même, que nous pensons toujours aussi proche d’Emmanuel Macron, contrairement à la rumeur politicienne ? Un Xavier Bertrand ou un François Baroin, présidentiables selon eux-mêmes, risqueraient-ils de se lancer dans l’intérêt de la France ? Ou un ancien cacique du parti socialiste déchu en quête de deuxième chance ?

Arrêtons de jouer à présent… Et si l’on demandait sérieusement à chacun d’entre elles et eux, cités dans cet édito ou oubliés (ils nous excuseront) si, entre la proposition d’Emmanuel Macron et la poudrière française dans laquelle ils entreraient, ils prendraient le risque d’une telle aventure ? Inutile d’imaginer leur réponse…

Emmanuel Macron risque fort de se retrouver comme le jour du départ de Gérard Collomb : face à un désert de candidatures crédibles et disponibles. Car tel est le talon d’Achille de la macronie….

 

Demain : 2. Mission impossible

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

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