Nous évoquions vendredi l’impossible casting que pourrait constituer un gouvernement d’union nationale solide, prêt à affronter la tempête économique et sociale dans laquelle entre la France. Mais démissionner Edouard Philippe pour créer un gouvernement d’unité nationale est mission impossible. Surtout pour Emmanuel Macron. Certes, le meilleur moyen pour l’hôte de l’Elysée de rebondir (et de tenir jusqu’à 2022) serait d’appeler à ce fameux gouvernement de salut public, à la réunion des forces vives de la nation, politiques, économiques et sociales, pour redresser le pays et le réformer à la racine de ses affres, là où justement Emmanuel Macron n’a pas osé aller dans les premières années du quinquennat. Le problème est que personne ne croit plus, sauf les 294 députés de LREM, dont l’avenir législatif est lié au sort de leur star, leurs alliés du Modem et d’Agir, et l’entourage du chef de l’Etat, qu’Emmanuel Macron soit capable de réunir les oppositions pour ne serait-ce qu’un gouvernement de projet. La ficelle serait trop grosse, pensent tous ses opposants : elle offrirait au chef de l’Etat une porte de sortie de crise qui lui permettrait de finir en beauté son quinquennat, paré des oripeaux de la concorde nationale. Non, ce gouvernement national, est impossible pour Emmanuel Macron. Pour deux raisons fondamentales : tout d’abord, quel serait le pacte de direction du pays, la feuille de route de ce super gouvernement ? Ne prenons que l’épineuse question de la réforme de l’Etat. A gauche, ils veulent plus d’Etat, à droite, ils sont censés vouloir dégrossir le mammouth et libéraliser la société. Impossible synthèse. Impossible en même temps, même quand l’intérêt supérieur de l’Etat l’exigerait… Seconde raison, plus profonde : en quelque sorte, la promesse macronienne du départ, combinant son fameux en même temps idéologique et l’éclatement des forces politiciennes de droite et de gauche pour créer un grand centre, a déjà constitué en soi une tentative de réaliser ce gouvernement d’union nationale. Réunir des transfuges de la droite, comme Edouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, et d’anciens socialistes, comme Christophe Castaner et Richard Ferrand, c’était l’esquisse d’une unité nationale avec un grand centre qui n’ait plus à sa gauche que l’extrême-gauche et à sa droite l’extrême-droite. La tentative a échoué et Emmanuel Macron est peut-être le dernier à pouvoir tenter aujourd’hui de réunir (une fois de plus) les forces vives de la nation. Le Grand Débat national, avec des milliers de maires, en a tenu lieu aussi à certains égards. Une cohabitation avec une Assemblée d’union sacrée ? Alors, que seront les deux dernières années du quinquennat Macron ? La seule issue pour le chef de l’Etat serait éventuellement qu’il annonce très prochainement, dans l’intérêt supérieur du pays, qu’il se retirera en 2022, repartant aussi vite qu’il est arrivé en politique, et que, dès maintenant, il dissout l’Assemblée Nationale. Rêvons encore : le président annoncerait qu’il constituera un gouvernement d’union nationale au lendemain des législatives anticipées, tiré des forces politiques qui se disputeront la prochaine Assemblée élue, probablement plurielle dans sa composition. En Marche en sortirait exsangue, mais Emmanuel Macron installerait une forme de cohabitation inédite avec le personnel politique, qui le grandirait et lui permettrait de sortir la tête haute de la scène publique. Peut-être Emmanuel Macron pourrait-il annoncer une telle issue le 18 juin, puisque le président aime à se comparer à de Gaulle… Mais n’est pas de Gaulle qui veut. Et nous craignons qu’Emmanuel Macron préfère lâcher des milliards et des milliards dans les mois qui viennent pour parer à l’urgence sociale, reporter aux calendes grecques toutes les réformes qu’il n’a pu réaliser et préparer tranquillement la présidentielle de 2022, dans l’espoir que ni LR ni la gauche écologiste et sociale n’arrivent à lui opposer des leaders à la hauteur de son talent.Les éditoriaux de Michel Taube, parfois sur la vie politique, parfois sur les enjeux de société, en France ou dans le monde, constituent le regard d’un éditeur indépendant de tout parti et de toute chapelle, solidement arrimé à ses convictions libérales, sociales, humanistes et pluralistes, et plus encore aux valeurs de la République française (liberté, égalité, fraternité… et laïcité) et de l’Union européenne (unis dans la diversité). Nous sommes convaincu que l’Etat, c’est nous, nous les Français, nous chacun des citoyens. Que les élus et les fonctionnaires sont les serviteurs des citoyens, comme aime à nous le rappeler Ghislaine Alajouanine, pionnière de la télémédecine en France. Que la France, grâce aux Français, a des atouts, une histoire, une culture et des talents qui lui permettent de s’ouvrir sur le monde, d’entrer de plain-pied dans la modernité, de voir loin et grand, notamment grâce à ses outre-mer, sa puissance maritime, aux Français de l’étranger et à la francophonie. Et qu’enfin, en France comme en Europe, les institutions doivent être profondément rénovées. Nos éditos naviguent entre critique, parfois colère, et des propositions et des pistes pour esquisser une vision, un chemin, et tenter de bâtir aujourd’hui le monde d’après. Il n’est pas toujours aisé d’être un bâtisseur, mais il un devoir de tenter de l’être ! Michel Taube
Michel Taube
Vous avez dit gouvernement d’union nationale ? 2. Mission impossible… pour Emmanuel Macron. L’édito de Michel Taube
Directeur de la publication