Cela fait maintenant deux bonnes semaines que la France se déconfine. Le premier ministre vient d’y donner un coup d’accélérateur qui était attendu. Les réflexions s’accélèrent d’autant sur les meilleures méthodes pour relancer le mieux possible notre économie.
Les acteurs économiques sont un peu comme les survivants du Covid-19. Ils ont été placés très longtemps sous coma artificiel et ventilateur mécanique ; puis, une fois l’infection passée, ils sont progressivement réveillés. On leur réapprend à respirer sans assistance. Ils ont perdu la plupart de leurs muscles, muscles respiratoires inclus ; il faut donc les rééduquer, fortifier leur organisme, leur réenseigner le B-A BA, leur apprendre à ne pas avoir peur de respirer par eux-mêmes, de se lever, de marcher seul. Nos entreprises sont un peu dans le même état. Le vieil Homo Economicus semble presque mort, il nous faut pourtant le relever en le prenant par la main et l’épauler.
Sauf que si le protocole médical est assez clair et précis, il n’en est pas de même en économie après une crise à la violence inédite, touchant à la fois l’offre et la demande. Le choc n’est pas venu de facteurs internes, d’éclatements de bulles financières ou immobilières, ou de prises de risque inconsidérées, mais d’un petit virus microscopique venant de Chine qui a contraint la plupart des secteurs économiques à fermer deux mois dans une grande partie du monde développé.
Le défi, à présent, est de relancer la machine économique, à la fois sur l’offre et sur la demande, en évitant les faillites en cascades et les licenciements en masse. Plus vite on réussira à réanimer notre économie, plus vite on évitera de s’enliser dans une crise de type 1929, avec les conséquences que l’on connaît, la montée du fascisme et du nazisme. Certes, l’histoire ne se répète pas, elle bégaie, mais si nous ne mettons pas en place très vite des mesures d’ampleur, le pire est à venir.
Pour remettre sur pied notre économie, il va nous falloir éviter aussi bien les vieilles recettes éculées de l’ISF/IFI ou les plans de relance qui avantagent l’achat de biens importés au détriment des entreprises françaises ou les aides sectorielles qui ne font qu’augmenter les prix pour le consommateur. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, mais difficile de croire qu’en remettant en place l’ISF, pour gagner au mieux 2 milliards de recettes fiscales et faire partir encore un peu plus d’entrepreneurs, on puisse remettre en route la machine économique… De même, si l’on incite à la consommation sans que les producteurs en France puissent satisfaire la demande, on va aider les producteurs étrangers et non les producteurs français. Il nous faut donc imaginer un électro-choc qui aide les entreprises à redémarrer, à produire, en France si possible, à conserver leurs employés, voire à embaucher, un choc qui donne envie aux créateurs de projets de démarrer, et là encore plutôt en France qu’ailleurs, un choc qui donne envie de travailler au salarié comme envie d’embaucher, et qui par conséquent touche à l’un des freins majeurs de l’emploi en France : le coût du travail. Un choc qui parallèlement augmenterait le pouvoir d’achat de tous les Français et relancerait leur consommation.
Pour remporter ce défi majeur, un défi d’occurrence rare, une fois dans une vie d’homme, je l’espère, je propose de diminuer le coût du travail en même temps sur les charges patronales et salariales. Il nous faut jusqu’au 31 décembre 2022 supprimer la CSG et la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement sur les emplois du secteur privé, le secteur public n’étant pas touché par la crise de l’emploi, sur les retraites et sur les indemnités chômages, soit environ 7,3% (en les laissant toutefois sur les revenus du patrimoine et de placement) et en parallèle diminuer les charges patronales de 7,3%. Cette double diminution des charges sur les salaires augmentera immédiatement et très nettement le pouvoir d’achat des salariés tout en allégeant considérablement la masse salariale des entreprises françaises.
Aujourd’hui, un salarié qui touche 2000 € net coûte environ 3680 € à son entreprise. Demain, avec cette réforme, le salarié touchera 260 € de plus et son coût ne sera plus que de 3420 €. Le salarié pourra dépenser plus, épargner plus, voir sa capacité à emprunter réhaussée pour acheter sa résidence principale, son toit.
L’entreprise verra s’améliorer sa marge, sa capacité à embaucher, à investir, à innover, à rembourser ses dettes, à augmenter ses fonds propres, à trouver de nouveaux investisseurs, à remercier les investisseurs qui lui font confiance.
Un New Deal gagnant-gagnant où salariés et entreprises sont main dans la main. Bien sûr, cette réforme a un coût colossal, dont peut évaluer le coût brut (hors retour par tva et impots) autour de 90 milliards par année pleine, mais ne vaut-il pas mieux que ce coût se situe sur cette hausse du pouvoir d’achat et baisse du coût du travail plutôt que sur la hausse des demandeurs d’emploi et la mise en place d’un hypothétique revenu universel ? L’Etat retrouvera également une partie du manque à gagner par l’impôt sur les revenus, par la TVA, par l’impôt sur les sociétés. A un moment où l’Etat peut s’endetter à zéro sur le long terme, un tel coup de booster sur notre économie aura bien plus d’effets bénéfiques que négatifs sur notre pays.
Cette suppression de la CSG bénéficiera aussi aux retraités, dont la baisse du pouvoir d’achat ces dernières années était un sujet important de grogne sociale pas véritablement traité. Chômeurs comme retraités paient CSG et CRDS, et eux aussi bénéficieront de ce choc fiscal. Eux aussi verront leur vie s’améliorer par cette hausse des revenus, et pourront dépenser ou épargner plus. Les retraités, grande victime du Covid-19, auront un bol d’oxygène pour améliorer leur quotidien, et respirer économiquement et socialement.
Enfin, cette réforme doit permettre d’accélérer la réflexion sur la dépense publique, mère des réformes en 2017, et pourtant pas encore commencée. L’impôt, les prélèvements ne sont pas là pour punir mais pour payer les dépenses publiques, nos armées, notre police, notre justice, notre système de santé, notre système éducatif, etc… En faisant cet effort budgétaire important, l’Etat se doit de parallèlement repenser nos services publics. Tous nos politiques, dirigeants ou prétendants, nous disent à longueur d’interview qu’il faut dépenser mieux. Il est temps de réfléchir au comment, comment améliorer l’efficacité des services publics, quelles sont les missions qui relèvent du service public, comment améliorer ces services. La pandémie a mis en lumière les dysfonctionnements de nombreux services, des ARS, des hôpitaux. Il nous faut repenser l’hôpital, est-il normal que la part de l’administration dans le budget d’un hôpital soit si élevée par rapport aux soins et au personnel soignant ? Dans la plupart des domaines, la part du traitement administratif est-elle située au bon niveau ? Ne peut on gagner en efficacité en modifiant le parcours administratif ? Cela concerne tous les domaines, de l’obtention d’un permis de construire au coût d’un lit dans un service de réanimation, en passant par l’amélioration du parcours judiciaire comme par la simplification des procédures.
Si la pandémie nous oblige à penser le « Jour d’Après », c’est peut-être sur ce sujet brûlant que doit porter le débat : sur le service public et la dépense publique au sens large, en repartant de la page blanche pour améliorer son efficacité, diminuer son coût, donc son besoin de financement et au final l’impôt pour le financer.
En réanimant notre économie par cet électro-choc sur le coût du travail, on remet de facto la mairie au milieu du village, on remet le travail à sa juste place, et on lance, enfin, la réflexion sur la dépense publique. David Ricardo nous apprenait déjà, il y a deux siècles, que c’est le travail qui donne sa valeur aux choses. Il en est de même en 2020 qu’en 1817. Il est grand temps à présent d’appuyer sur le bouton et faire revivre notre économie !
Patrick Pilcer
Conseil et Expert sur les Marchés Financiers
Patrick Pilcer est l’invité du prochain Live Opinion Internationale lundi 1er juin 2020 à 19h sur Zoom. Avec les interventions également de Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, Charles Znaty, entrepreneur et nouveau Président du Medef Paris, et David Butet, président du Medef Côte d’Or et chef d’entreprise.
JE M’INSCRIS dès maintenant au Live Opinion Internationale du 1er juin à 19h sur Zoom
Vivez le monde d’après…
Je m’inscris le 1er juin au Live Opinion Internationale – spéciale Relance de la France |
Notre indépendance, c’est vous ! Parrainez, exprimez-vous, faites un don défiscalisé |