Des échanges de coups de feu ont eu lieu le dimanche 3 mai au niveau de la Zone Démilitarisée (DMZ), frontière qui sépare les deux Corées. Initiés par la Corée du Nord, les coups de feu ont été suivis d’une réplique sud-coréenne. Qu’il s’agisse d’un accident ou d’un débordement, cet incident soulève plusieurs questions, d’autant plus qu’il survient au lendemain du retour dans l’espace public du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, porté disparu pendant trois semaines environ.
Pour citer le chef de l’Etat français qui redéfinit le concept de guerre dans son discours du 16 mars, « Nous sommes en guerre, une guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre nation. Mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. »
A l’heure où la communauté internationale confinée s’est affairée à mener un combat contre un virus, le Covid-19, on pourrait considérer la situation dans la péninsule coréenne comme une grande oubliée de cette nouvelle « guerre mondiale ». En effet, entre une Corée du Sud qui a su gérer avec, semble-t-il une grande efficacité, cette pandémie en mettant en œuvre une stratégie que beaucoup considèrent comme exemplaire, et une Corée du Nord qui préserve un mystère autour de sa politique de gestion de cette crise, cet incident militaire du 3 mai rappelle que les conflits armés sont toujours présents aujourd’hui.
Mais revenons sur l’histoire du conflit coréen. Bien avant que le monde n’entre en « guerre » contre le Covid-19, les deux Corées ont connu en juin 1950 des accrochages aux abords du 38ème parallèle, ligne de démarcation qui sépare la péninsule en deux. A la date du 25 juin 1950, les troupes nord-coréennes ont franchi le 38ème parallèle entrant ainsi en Corée du Sud. Au départ, cet évènement est considéré comme un incident de frontière mais le Sud s’est très vite rendu compte qu’il s’agissait d’une invasion, en raison de l’ampleur des forces armées mobilisées. Très vite dans ce contexte de guerre froide, ces accrochages ont dégénéré en une guerre impliquant par l’intermédiaire des deux grandes puissances de cette époque (les Etats-Unis et l’Union soviétique), les blocs capitaliste (Ouest) et socialiste (Est).
Avec près de quatre millions de victimes dont la moitié de civils, ces heurts fratricides prirent fin en juillet 1953 date à laquelle un accord d’armistice fut signé. Mais qui dit « armistice » dit accord provisoire. La signature d’un traité de paix qui viendrait mettre fin à l’état de guerre dans la péninsule demeure un sujet qui fait toujours débat. Plusieurs tentatives ont eu lieu dans le but de trouver une solution, sans succès, à l’instar des sommets de 2018 en Donald Trump et les dirigeants coréens, dont l’issue se trouve encore au point mort. Alors que les Etats se lient contre l’ennemi mondial numéro un actuel, la situation coréenne demeure bien de nos jours « une guerre dans la guerre ».
Si tout comme la guerre contre le terrorisme, la guerre contre le Covid-19 rassemble les Etats sur la scène internationale, peut-on craindre un revirement de situation négatif suite à cet incident du 3 mai dans la péninsule ? Si Washington parle de « tirs accidentels », il faut rappeler que l’apaisement des tensions militaires à la frontière fait partie intégrante des accords de septembre 2018. C’est pour cette raison que le commandement des Nations unies en Corée qui est sous intendance américaine, a entamé une procédure pour « déterminer s’il y a eu violation de l’accord d’armistice ». Si la situation venait à dégénérer entre les deux parties de la péninsule, cela ne serait pas qu’une affaire coréenne mais bien une affaire mondiale notamment à cause du développement de l’arsenal nucléaire nord-coréen.
Même si le monde se trouve dans une période délicate de lutte contre le Covid-19, des incidents comme celui de la Corée ou encore du Mali où deux légionnaires français sont récemment morts au combat, témoignent de la réalité toujours actuelle des conflits armés dans le monde. Comme le disait Emile de Girardin, « La guerre est plus facile à déclarer que la paix n’est facile à organiser ».
Akofa Hukportie
Doctorante en Science politique à l’Université Sorbonne Paris Nord, spécialiste du confit coréen