Au lendemain de notre Live éco avec Jean-Hervé Lorenzi, Charles Znaty, David Butet et Patrick Pilcer, au moment où Emmanuel Macron confie à 26 économistes, sous la houlette de Jean Tirole, prix Nobel, et Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, le soin de plancher d’ici la fin de l’année sur les enjeux du climat, des inégalités et de démographie, François Langlet, notre nouveau Monsieur météo (économique), journaliste économique attitré de TF1, analysait la situation de la France dans les colonnes du JDD du 31 mai, énumérant ses atouts et ses faiblesses dans la perspective du plan de relance préparé par le gouvernement.
Certes, la France a des atouts : la centralité géographique de l’Hexagone attire les investisseurs. Certes, les Français se convertissent un peu plus au numérique. Sur ce point, soyons tout de même tempéré (comme notre climat qui l’est de moins en moins), car au pays qui généralisa le Minitel avant que les Américains puis la planète passent à internet, c’est surtout sur Amazon que l’on achète en ligne. Les plateformes de e-commerce des géants français de la distribution ont du mal à s’imposer. C’est vrai également dans des domaines plus pointus comme la télémédecine. Certes, la téléconsultation s’est développée à la faveur de la pandémie de Covid-19 et du confinement, mais la France est encore en retard en matière de télésurveillance, alors qu’elle est une source d’économies considérables pour l’assurance-maladie, et de confort pour le patient.
On pourrait également ajouter qu’après avoir confié la gestion centralisée de nombreuses données des forces armées à Microsoft, l’État récidive avec les données de santé, toujours au bénéfice de l’inventeur de Windows. On s’égosille sur les éventuels dangers de l’application StopCovid pour notre vie privée, mais l’on s’en remet à une entreprise américaine pour traiter des données stratégiques, sachant que le droit américain, comme le droit chinois, permet à l’État d’exiger de « ses » entreprises la transmission de toutes leurs données. Plus que de se féliciter de la conversion des Français au numérique, c’est surtout le volontariat des pouvoirs publics pour développer l’économie du numérique qui participera à la relance.
Principale force potentielle de la France : la réserve de productivité résultant notamment du télétravail. Elle permet de réduire significativement les coûts et les frais accessoires, sans trop complexifier le fonctionnement de l’entreprise, comme on s’en est aperçu durant le confinement. Sauf que dans le Code du travail et dans l’esprit de bon nombre de syndicalistes qui ont su bloquer un pays, du moins une région, en décembre dernier, le télétravail est une exception et non une modalité d’organisation du travail à part entière. Il est soumis à des contraintes et des conditions, et est présenté par certains syndicats comme une véritable punition pour les salariés (la CGT souhaite que les entreprises payent un siège pour les heures assises à la maison en télétravail), alors que nombreux sont ceux qui l’ont vécu comme une chance : moins de perte de temps et d’énergie dans les transports, plus de disponibilité pour ses enfants. Il peut exister un relatif risque d’isolement, mais on ne peut réduire le lien social au seul lieu de travail. Il ne s’agit pas d’imposer le télétravail partout et tout le temps, mais d’en faire une méthode ordinaire et non exceptionnelle, libérée d’un carcan légal et règlementaire pénalisant.
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Plus d’Etat, vraiment ?
François Langlet suggère à Emmanuel Macron de changer de politique, en faisant le contraire de ce que fit François Mitterrand en 1983. Selon le journaliste économique, il faut aujourd’hui revenir sur la primauté libérale et faire plus d’État. Il a beau ajouter qu’il faut aussi réformer l’État, on ne peut qu’être dubitatif et inquiet devant une telle perspective, dans un pays qui consacre déjà environ 56 % de sa richesse nationale au secteur public (Etat, sécurité sociale, collectivités locales). Certes, ce chiffre inclut les dépenses sociales et toutes les aides que l’État fournit au secteur privé, y compris au secteur associatif. Mais en prenant en considération les mêmes critères, le niveau global de la dépense publique est particulièrement élevé en France, sans que le citoyen en ait véritablement pour son argent, comme en témoignent l’état de nos écoles, de nos hôpitaux ou de notre justice, et plus particulièrement les bas salaires des enseignants et des soignants. On ne peut pas relancer l’économie par une fuite en avant, par un gonflement sans fin de la dépense publique.
En revanche, François Langlet a raison de prôner de flexibiliser le temps de travail. Mais l’objectif est fort modeste, car c’est toute l’organisation du travail qui gagnerait à être assouplie. Cela pose aussi la question de la crédibilité, de la représentativité et in fine de la légitimité de syndicats qui ont substitué la lutte des classes au dialogue social. Mais un pareil challenge ne peut être envisagé qu’à l’occasion d’élections présidentielles. Pour relancer l’économie française, il faudra faire avec ces syndicats.
Risques pour l’avenir :
Mais l’essentiel est ailleurs. François Langlet feint de sous-estimer les vrais obstacles qui risquent de s’opposer à une vraie reprise économique. Il se contente de pointer l’envolée des déficits et de la dette, et des divergences au sein de la zone euro. Certes, sur le premier point, le danger viendrait davantage d’un risque d’augmentation importante des taux d’intérêt que de la dette elle-même, simplement parce que les États ne remboursent jamais le principal. Mais on ne peut en déduire que la dette publique est effacée de fait, et que l’on peut creuser indéfiniment le déficit, car les États (donc les contribuables) payent les intérêts de la dette. Tant que les taux sont très bas, voire négatifs, on peut se satisfaire de cette situation. Mais nous sommes à la merci d’une donnée que nous ne maîtrisons pas.
Quant aux divergences au sein de la zone euro, leurs limites sont déterminées par la pérennité de notre monnaie commune. Sauf à la compromettre, l’entente est obligatoire.
Non, le principal obstacle à la relance de l’économie est culturel : nous disions tous, pendant cette crise du coronavirus, que le monde d’après serait différent du monde d’avant. Or la France a un problème culturel, quasi idéologique, avec la valeur travail. Et celui qui en tient lieu de symbole : le chef d’entreprise.
La seule solution serait de relancer l’économie en libéralisant les énergies créatrices de valeur, en incitant à la consommation, en soutenant les efforts de production, en levant tous les obstacles au travail. Imaginons que pour rattraper une partie des 58 jours de confinement pour les uns, 79 jours pour les autres, les entreprises et les commerces s’organisent pour rester ouverts 7 jours sur 7, et jusqu’à minuit le soir. Les syndicats crieraient au loup. La France accepterait-elle cet effort ?
Ce n’est pas de l’Etat seul que viendra la relance mais des initiatives et des efforts de nos concitoyens. A l’Etat de leur faciliter la tâche !
En attendant, évoquer les risques pour l’avenir laisse entrevoir tant de scénarios catastrophes qui, hélas, ne relèvent pas de la fiction : éclatement de l’Union Européenne, crise sociale plus grave que celle des gilets jaunes, pouvoir conquis par les populistes, catastrophe climatique, guerre au Moyen-Orient, nouveau virus… Stop ! On arrête-là. A chaque jour suffit sa peine.
L’heure est à la relance ? A une révolution culturelle aussi.
Michel Taube
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