« Sauve une vie, tue un flic » fut tagué sur des murs de banlieue parisienne au lendemain des manifestations censées rendre hommage à Georges Floyd ou prenant prétexte de sa mémoire pour « demander justice » pour Adama Traoré.
Le combat de la famille et du collectif Traoré n’est plus un combat pour la seule vérité et la justice. Il est devenu un combat politique et identitaire dont le but n’est plus seulement la vérité judiciaire, car seul leur verdict sera le juste verdict. À ce jour, la justice ne s’est pas prononcée sur les causes de la mort d’Adama Traoré, mais trois expertises exonèrent les forces de l’ordre de toute responsabilité. Quant au crime raciste, il n’existe que dans l’esprit de ceux qui professent cette accusation grotesque.
Adama Traoré a pris la fuite lors d’un contrôle de police. Si dans cette affaire, un fait est établi, c’est bien celui-ci. Une interpellation ne doit pas mettre en danger la santé ni encore moins la vie d’un délinquant, quels que soient les faits qui lui sont reprochés ou dont il est soupçonné. Mais on ne peut interdire à la police de faire son travail, sauf à mettre en péril la démocratie et l’État de droit, et à laisser le pouvoir à la rue, aux gangs, aux mafias, au crime, à installer l’anarchie qui, comme l’Histoire l’a démontré à de multiples reprises, débouche sur la dictature.
Ceux qui placent les violences policières sur le même plan d’illégitimité que la violence délinquante veulent désarmer l’Etat et affaiblir l’ordre public qui fonde avec la liberté l’Etat de droit. À force de répéter que la police est violente, nombreux sont ceux qui finissent par le croire, par être trompés.
Sans doute faut-il parfaire la formation des forces de l’ordre, notamment en matière d’immobilisation en cas de rébellion. Les arts martiaux, adaptés à la technicité opérationnelle de la gendarmerie et de la police, offrent de nombreuses techniques à cet effet. Encore faut-il que la formation continue puisse être dispensée régulièrement, aux vues des contraintes de missions de plus en plus exigeantes en temps et en complexité. Un policier ou un gendarme n’a pas à étouffer ou étrangler un individu qui se débat et se rebelle. D’ailleurs ces méthodes ne leur sont pas enseignées et sont contraires à leur déontologie. Mais il est un fait qu’un suspect ou un délinquant qui prend la fuite ou se rebelle prend nécessairement le risque de contraindre les forces de l’ordre à faire usage de méthodes coercitives, au même titre que le manifestant qui n’obéit pas aux ordres de dispersion.
Violence individuelle et violence collective
Lorsque le taser a été introduit, les bien-pensants ont crié au loup et plus personne n’a ensuite contesté l’utilité de ce moyen, employé évidemment dans un usage proportionné.
Les gilets jaunes, leurs leaders et soutiens d’extrême gauche dénonçaient les tirs de LBD qui les auraient visés lors qu’ils manifestaient « pacifiquement ». C’est un mensonge : en refusant d’évacuer les lieux malgré les sommations répétées de la police, les gentils manifestants ne pouvaient ignorer qu’ils servaient de boucliers aux casseurs et criminels potentiels (viser un policier avec un pavé de sept kilos est une tentative de meurtre, un incendie volontaire d’un commerce, d’une banque ou d’un kiosk à journaux est un délit passible de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende et aucun émeutier n’a fait un seul jour de prison). On peut se demander pourquoi ces blacks-blocs n’ont pas tous été appréhendés, jugés et condamnés à de la prison ferme, mais c’est au pouvoir exécutif, à Emmanuel Macron au premier chef, peut-être aussi à la justice qui ne remplit plus sa mission préventive, qu’il faut poser la question, et non à la police.
Au Mali, dont Adama Traoré est originaire et où il est inhumé, tout comme aux États-Unis, la police a la gâchette bien plus facile lorsqu’un suspect prend la fuite. En France, il est fait une interprétation extrêmement restrictive des dispositions de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure autorisant l’usage des armes par les forces de l’ordre.
Même face à des blacks-blocs déchainés, même face à un truand d’un autre calibre qu’Adama Traoré, la police hésite beaucoup avant de tirer. Avant les attentats islamistes de 2015, elle hésitait même à faire usage d’armes contre un terroriste. Outre cette dernière hypothèse, il n’y a guère que la légitime défense ou l’arrestation d’un meurtrier susceptible de réitérer son crime qui conduisent les forces de l’ordre à faire usage de leurs armes.
L’étau semble dangereusement se resserrer sur la police, même s’il est légitime d’exiger son exemplarité. On veut lui interdire l’usage des balles en caoutchouc (et pourquoi pas celui du gaz lacrymogène, du taser et de la matraque) et l’obliger à faire montre de délicatesse en interpellation. Certains veulent aller plus loin, en instaurant un égalitarisme éthique dans les contrôles d’identité ou une attestation de contrôle (pratique pour le dealer qui remplit ses poches de came et porte une arme après avoir été contrôlé).
A-t-on conscience que certains leaders de la mobilisation actuelle soi-disant antiraciste fragilisent notre démocratie en s’attaquant à la police où aux valeurs de la République ? Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de ne pas laisser se développer la convergence des haines et des ressentiments, exaltée par Jean-Luc Mélenchon, l’extrême gauche et les mouvements identitaires racialistes.
Michel Taube