Edito
05H56 - samedi 13 juin 2020

Et si Emmanuel Macron démissionnait vraiment ? Ce qu’il dira dimanche si… L’édito de Michel Taube

 

Dans Le Figaro du 11 juin 2020, Carl Meeus, journaliste politique bien informé, surprenait son petit monde en mettant sur la table l’hypothèse d’une démission surprise suivie d’une candidature à sa réélection d’Emmanuel Macron : ce coup de poker politique entraînerait une élection présidentielle anticipée et aurait l’avantage pour la macronie d’éviter la Bérézina annoncée d’une dissolution de l’Assemblée Nationale.

L’objectif du chef de l’État serait de « reprendre politiquement la main dans une période troublée ». En « prenant de court ses adversaires », Emmanuel Macron aurait ajouté lors d’une visioconférence devant ses fameux donateurs historiques de Londres : « Je suis sûr de gagner car il n’y a personne en face. » 

Il est vrai que malgré leurs bons résultats aux municipales, la droite comme la gauche sont encore divisées et peineraient à se doter de candidats rassembleurs dans un délai de 20 à 35 jours, échéance prévue par l’article 7 de la Constitution en cas de vacance du pouvoir pour tenir l’élection présidentielle.

L’Elysée a démenti la tenue d’une telle rencontre (il ne serait pourtant pas absurde que le président se soit adressé à ses soutiens londoniens il y a quelques jours alors qu’il va se rendre à Londres le 18 juin pour rendre hommage au général de Gaulle) mais a reconnu que le moment était venu d’envisager toutes les hypothèses. Nous rejoue-t-on le scénario du 12 mars où le JDD cette fois-ci avait fait état de l’hypothèse folle envisagée par le Palais de recourir à l’article 16 de la Constitution, c’est-à-dire à la suspension de tous les pouvoirs institutionnels dans les mains d’un seul homme ? Nous avions dit à l’époque tout le mal que nous pensions de cette idée pyromane…

Mais, au final, la question mérite d’être posée. Et si Emmanuel Macron démissionnait vraiment ? Cette colère française qui explose comme des bombes à fragmentation depuis novembre 2018 risque fort d’éclater à nouveau dans les prochaines semaines. Déjà un nouveau front s’est ouvert avec le collectif Traoré qui accuse la France d’être raciste et qui conteste jusqu’à la légitimité même des gardiens de la paix que sont les forces de police et de gendarmerie. A 20.000 devant le Palais de Justice il y a une semaine, ils ont bien fait plier la place Beauvau. Qu’en sera-t-il aujourd’hui et demain ?

Et, une fois de plus, le pouvoir politique ne bronche pas, reste muet. Jusqu’à tolérer une manifestation sous ses fenêtres. Du jamais vu sous la Vème République.

Et si donc Le Figaro avait raison ? Demain dimanche, le chef de l’Etat ne va se contenter de s’adresser solennellement à près de 40 millions de téléspectateurs juste pour leur annoncer une anticipation sur la fin du déconfinement (on parle d’une ouverture complète des écoles et des restaurants le 16 juin) ?

Une fois de plus donc, pour la sixième fois [cf. infra], nous avons osé revêtir les habits du chef de l’Etat et écrire le discours qu’il pourrait tenir dimanche si Emmanuel Macron décidait de provoquer un séisme politique à la hauteur de la crise pour tenter de rebattre les cartes.  Un coup de poker ? Un coup de génie ?

Discours fictif, mais discours tout de même…

Michel Taube

Françaises, Français, mes chers compatriotes,

La France va mal. La République est en danger.

Grâce au confinement et à la bravoure de nos soignants, nous avons évité la saturation des hôpitaux durant le pic de la pandémie de Covid-19, mais notre bilan sanitaire n’en demeure pas moins l’un des plus mauvais de la planète. Et je vous mentirais en vous disant que la crise économique dans laquelle nous entrons, si tant est que l’épidémie soit derrière nous, sera moins sévère en France que dans les autres pays développés. Cette crise a fait que, à moins d’un choc salutaire, la France a décroché comme un alpiniste qui amorce une chute. Les plus fragiles des Français, nos premiers de cordée, risquent fort de s’écraser si nous n’y prenons garde au plus vite.

Mes chers compatriotes, je vous avais dit le 16 mars que, le moment venu, je tirerais toutes les conséquences de la crise du coronavirus. Je le reconnais humblement : l’Etat a failli à réagir dans les temps lorsque les premiers signaux auraient dû nous alerter. Dès le 23 janvier, lorsque les deux capitales internationales que sont Pékin et Shanghaï ont été totalement confinées et ne ressemblaient plus qu’à des déserts urbains, nous aurions dû déclencher la mobilisation générale pour nous doter des masques et des tests et adopter des gestes-barrière salvateurs. Malheureusement, nous avons sans cesse couru un sprint pour tenter de rattraper un retard insurmontable dès le départ. C’est mon échec, c’est celui de l’Etat.

Ceci dit, l’avenir est devant nous. Je vous annonce donc, sur la base des recommandations du Comité scientifique et du Conseil de défense qui se sont réunis vendredi, la fin de l’état d’urgence sanitaire au 1er juillet. Dès demain le 15 juin, les frontières internes de l’Union Européenne seront rouvertes, à l’exception de la Grande-Bretagne et de l’Espagne qui continuent d’imposer, et donc nous aussi, une quarantaine à leurs visiteurs. Dès ce mardi 16 juin, la France sera totalement déconfinée : partout en France, sauf en Guyane et à Mayotte, les écoles, les restaurants, les cinémas, les piscines rouvriront. La société et l’économie pourront reprendre leur cours normal, avec l’obligation, bien entendu, de respecter les gestes-barrières, la distanciation physique et de porter un masque dans tout lieu public fermé.

Ceci dit, je me présente à vous ce soir non pour vous parler seulement de cette crise sanitaire et de ses conséquences économiques et sociales. Le mal qui ronge la France est plus profond. Il est politique, il est moral.

Comme vous, je vois le délitement de notre société, l’essor du chacun pour soi, du corporatisme qui empêche de faire adopter des lois indispensables, du communautarisme qui détruit le vivre-ensemble. Je vois progresser les ressentiments, les haines, le racisme, l’antisémitisme, l’anarchie, la déprime, la peur. Je vois les policiers jeter leurs menottes à terre et manifester devant l’Elysée, les avocats jeter leur robe, les personnels soignants jeter leur blouse, la justice pénale incapable d’assumer sa mission première de prévention et de dissuasion.

Je vois la peur changer de camp. Je vois les honnêtes gens détourner le regard face aux bandes menaçantes, les policiers pris pour cibles et empêchés de nous protéger. Je vois les délinquants, les casseurs, les fondamentalistes, les racialistes réécrire l’histoire et imposer leur dictat jusqu’au centre de Paris. Je vois des syndicats marxistes et révolutionnaires bloquer et affaiblir le pays alors qu’ils ne sont que d’une représentativité marginale. Je vois la multiplication des droits de retrait dans les administrations et maintenant dans le privé, signes d’une sorte de m’enfoutisme vis-à-vis de l’intérêt général. Je vois l’islamogauchisme considérer que la seule violence légitime n’est pas celle de la police, mais celle des insurgés contre la démocratie, l’État de droit, la laïcité. Je vois enfin l’extrême gauche et l’extrême droite se ressembler de plus en plus : à quand leur alliance, active ou passive, pour faire tomber les forces démocrates de la République ?

En tant que Président de la République élu au suffrage universel, en tant que chef de l’État, je suis garant des institutions et de la nation, de la bonne marche de la France, de la sécurité, de la liberté, de la prospérité, de la santé des Français.

Mes chers compatriotes, depuis que j’ai pris mes fonctions, je me bats pour réformer la France en profondeur.

Mais comme je l’avais déjà dit, la France n’est pas réformable.

Oui, nous avons échoué à réformer la France. Nous avons posé la vision, montré le chemin, affirmé haut et fort cet esprit français de résistance et de combat qui rend possible le changement.

Mais le changement n’est pas encore au rendez-vous.

LA réforme conditionne pourtant notre survie comme puissance capable de protéger ses citoyens, d’assurer votre prospérité tout en réduisant les inégalités, de vous armer face au défi climatique et environnemental, bref pour faire entrer la France de plain-pied dans le monde d’après.

Une colère française a explosé. Fin 2018 et début 2019 avec les gilets jaunes. Fin 2019 et début 2020 avec la contestation de la réforme des retraites. Aujourd’hui avec une minorité de nos concitoyens qui se sentent opprimés et discriminés.

Face à vous, mes chers compatriotes, je vous dis ce soir solennellement : non, je ne céderai pas à la tentation du départ ou de l’exil.

Je n’assisterai pas les bras ballants au naufrage de notre pays. Je ne vous abandonnerai pas aux extrêmes, je ne baisserai pas les bras face à l’adversité, aux terribles difficultés de notre époque.

Je vois l’état de nos forces politiques et je sais que si je vous abandonnais, les extrêmes se disputeraient ma succession, avant peut-être de s’allier pour notre malheur. Alors la France sombrerait, comme partout dans le monde où de telles idées ont triomphé.

J’ai donc décidé de me donner les moyens, de nous donner les moyens de surmonter les obstacles innombrables qui se sont dressés depuis trois ans pour m’empêcher de conduire la réforme profonde que portait mon élection en 2017.

Je vous annonce donc que, après avoir consulté mes trois prédécesseurs Valéry Giscard d’Estaing, Nicolas Sarkozy et François Hollande, après en avoir informé le premier ministre Edouard Philippe, et le président du Sénat Gérard Larcher qui en assurera l’intérim, je démissionne de la présidence de la République. Dans un délai de 20 à 35 jours, une nouvelle élection présidentielle sera organisée.

Mais je ne vous quitterai pas dans la tempête.

Je me représenterai donc à votre suffrage. Je serai à nouveau candidat à la présidence de la République lors de ce scrutin anticipé.

Je vous proposerai un nouveau contrat politique et social pour rendre à la France sa grandeur et aux Français leur joie, leur optimisme, leur fierté. Je veux que nous nous dotions de tous les outils pour mener à bien le défi de faire entrer la France dans le monde d’après.

Cette fois-ci, si vous me faites confiance, c’est en cent jours, au moyen de projets de loi qui seront préparés pendant la campagne et prêts à être votés dès le lendemain de mon élection, fort de la majorité parlementaire solide dont je dispose déjà, que nous débloquerons enfin les clés de notre avenir commun.

Si je suis réélu, et pour aller au fond des choses et surmonter tous les conservatismes, j’organiserai un référendum instaurant une sixième République.

Mon ambition ne sera pas seulement de vous proposer des institutions plus démocratiques et plus efficaces, mais de réformer en profondeur notre administration, toute l’organisation de nos services publics et celle des partenaires sociaux. La réforme de l’Etat et des institutions, la libération des forces vives de la nation, contre tous les corporatismes qui l’étouffent, seront les deux révolutions de ce nouveau contrat français.

Je souhaite associer le plus de forces politiques et citoyennes non extrémistes à ce grand dessein. C’est pourquoi un Haut Comité pour la Refondation de la République, dirigé par Messieurs Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, et Didier Maus, grand constitutionnaliste, qui ont bien voulu en accepter la mission, et comme je l’avais suggéré dans l’un de mes précédents discours, sera mis en place pour jeter les bases de cet avenir.

Françaises, Français, mes chers compatriotes, nous allons refonder la France ensemble si vous me renouvelez votre confiance.

Avant la fin de l’année, la France sera sur les rails du succès, et avant la fin de mon nouveau mandat, si vous m’accordez votre confiance, elle sera la première puissance européenne et la première puissance écologique, pour le plus grand bien de chacun d’entre vous.

Depuis mon entrée dans la vie politique, le général de Gaulle, à qui je rendrai hommage le 18 juin prochain à Londres, inspire mon dessein politique. Que sa force, sa grandeur, son idée de la France guident nos pas dans les prochaines semaines, décisives pour l’avenir de notre pays. Une fois de plus, la France a rendez-vous avec son histoire !

Je ne vous dis pas AU REVOIR mais à très bientôt !

Vive la République, vive la France.

 

Emmanuel Macron

 

Vous venez de lire la sixième livraison de notre série de politique fiction : « les grands discours – fiction d’Emmanuel Macron ». Ces textes sont commis par Michel Taube et Raymond Taube lorsque la situation de la France se crispe trop…

–       le 3 décembre 2018 : « Mes chers compatriotes… Ma réponse aux gilets jaunes » par Emmanuel Macron.

–       Le 15 mars 2019 (jour de la clôture du Grand Débat national consécutif au mouvement des gilets jaunes) : « Mes chers compatriotes…  Je vous ai entendus : je crée un Haut Comité pour la refondation de la République »

–       Le 20 décembre 2019, Emmanuel Macron : « Mes chers compatriotes… Pourquoi je ne céderai pas sur la réforme des retraites. »

– le 17 février 2020, Emmanuel Macron : « Mes chers compatriotes, voici enfin mes choix pour la laïcité et l’islam de France »Les engagements de la France contre le coronavirus : le discours (fictif) d’Emmanuel Macron

– le 13 avril 2020 : les engagements de la France pour sortir du confinement.

 

Directeur de la publication