D’aucuns prétendent que la France n’est plus la puissance mondiale qu’elle a pu être : la crise du coronavirus a été à la fois un révélateur autant qu’un accélérateur de cette perte de vitesse.
Dans son discours de dimanche 14 juin, Emmanuel Macron, en esquissant le chemin qu’il compte proposer aux Français dès le lendemain des municipales, a eu ces mots : ce chemin « passera aussi par l’accélération de notre stratégie maritime, nous qui sommes la deuxième puissance océanique mondiale. »
En effet, si la France a un atout qu’elle n’a pas encore vraiment joué et qui, tout en lui assurant déjà un rayonnement mondial, renforcerait ses positions, c’est sa puissance maritime. « La mer est l’avenir de la France », pour reprendre le titre d’un des livres, visionnaire, de Jean-Marie Biette. D’autant que cet atout n’est pas qu’économique. Il est sociétal, il est culturel. C’est pourquoi il est possible de « réinventer la société par la mer », cette belle idée que porte notamment le Commissaire Général Vincent Campredon, Directeur du Musée national de la marine, navire muséal en complète rénovation actuellement.
La mer est surtout une chance pour la France d’entrer de plain-pied dans le monde d’après. Le rapport « Happy Blue Days » de Sophie Panonacle, Députée de la Gironde, Présidente de la Team Maritime à l’Assemblée Nationale, et ses 150 propositions de mesures pour une économie maritime compétitive et décarbonée, a le mérite de tirer une vision d’avenir de l’audition même, ces dernières semaines, de centaines de professionnels de la mer, durement frappés par la crise du coronavirus. Sortir par le haut, tel est l’esprit de ce rapport qui sera remis à la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, et au président de la République cette semaine. Opinion Internationale publie la Lettre ouverte de Sophie Panonacle à Emmanuel Macron et l’ensemble de ce rapport stratégique qui jette les bases d’un véritable plan de gouvernement maritime.
Car c’est le moment de saisir cette chance bleue. C’est le moment pour Emmanuel Macron de passer à l’acte dans le prolongement de son grand discours aux Assises de l’économie de la mer, organisées à Montpellier les 1et 2 décembre 2019 par nos amis du Cluster maritime français et d’Infomer, le pôle mer d’Ouest France – Le marin.
L’économie bleue doit être dans les toutes premières priorités des plans d’investissement que la France – et l’Europe ! – vont devoir déployer dans le cadre des centaines de milliards d’euros mobilisés et des plans de relance post-Covid19 en cours de préparation : relancer les outre-mer (97% de nos façades maritimes), redonner au pavillon français les couleurs qu’il n’aurait jamais dû perdre alors que nos armateurs sont en permanence classés dans les deux ou trois plus fiables du monde, déployer une nouvelle logistique de nos ports, créer avec des partenaires européens un Airbus maritime des chantiers navals de défense, booster les entreprises marines qui sont des fleurons du savoir-faire français, soutenir les filières de pêche, ces agriculteurs de la mer, relancer le tourisme marin et fluvial, assumer le vrai leadership d’un développement maritime respectueux de la mer, autant de défis que la France maritime, avec ses atouts, son dynamisme, et son cluster, doit enfin relever.
Pour s’assurer que l’Etat français va mobiliser toutes ses ressources, toutes ses énergies, toutes ses administrations, bref pour relever au mieux ce nouveau défi, nous faudrait-il un grand ministère de la mer, des outre-mer et de l’économie bleue dans le possible prochain gouvernement de la République ? Ou une nouvelle entité gouvernementale puissante placée directement sous l’autorité du Premier Ministre (surtout si Edouard Philippe reste à cette fonction après avoir été réélu à la tête de l’une des capitales maritimes la France) ? La nouvelle grande ambition maritime de la France requiert de toutes façons un département ministériel fort et clairement identifié, travaillant en liaison constante avec le chef du gouvernement et susceptible d’être par délégation l’interlocuteur politique privilégié de la dynamique administration qu’est le Secrétariat Général de la Mer.
Une chose est sûre, la relance de l’économie et de la société française passent par les mers. Evitons les coups d’épée dans l’eau et créons de nouveaux fleuves pour notre avenir.
Michel Taube, Fondateur d’Opinion Internationale et de la Rubrique bleue
Francis Vallat, fondateur du Cluster maritime français et du Cluster maritime européen, président d’honneur de SOS Méditerranée, ancien armateur, président du comité stratégique et d’édition du magazine Marine & Océans.