Alors que le nouveau premier ministre affiche, avec son nouveau ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, sa fermeté sur le respect de l’autorité et de la laïcité (Jean Castex), une commission d’enquête du Sénat vient de rendre un rapport courageux sur la radicalisation islamique qui formule 44 propositions pour la combattre. Reste à traduire les paroles en actes !
Huit mois de travaux, soixante personnes auditionnées, des ministres, des élus, des responsables d’associations comme Hakim El Karoui, de l’Association musulmane pour un islam de France (AMIF).
Certains ne manqueront pas de pointer l’amitié affichée de la rapporteure, Jacqueline Eustache-Brinio avec la journaliste Zineb El Rhazoui, farouchement opposée au fondamentalisme islamiste. D’autres souligneront que le parti LR est à l’origine de cette commission d’enquête, préférant une fois encore mettre le couvercle sur une vérité, courber l’échine jusqu’à la soumission, voire la complicité avec ceux qui veulent détruire la laïcité, la République et monter les musulmans de France contre les autres Français pour ensuite se plaindre de leur stigmatisation.
Comme le souligne la sénatrice Nathalie Delattre, « Il était nécessaire de ne plus être dans le déni… Un petit groupe d’individus a pour projet d’imposer une norme religieuse au-dessus des lois de la République », avant d’ajouter « qu’il fallait y répondre rapidement et fortement ».
Pourtant, le déni est encore l’attitude qui domine largement, en particulier à gauche, ou l’on préfère accuser de racisme voire de fascisme ceux qui tirent la sonnette d’alarme depuis des décennies. Le chef de l’État a beau évoquer le séparatisme, la scission avec la République, rien n’y fait, d’autant plus qu’au-delà des mots, rares sont les actions concrètes entreprises pour endiguer la montée du fondamentalisme islamique (et non religieux, puisqu’aucune autre religion ne comporte aujourd’hui en Occident – les hindous d’Inde sont engagés dans le même processus – un courant aussi puissant portant un dessein aussi clairement politique et non spirituel).
Le rapport pointe notamment la stratégie d’infiltration des Frères musulmans au sein des institutions pour placer « l’idéologie de l’islamisme au-dessus des valeurs républicaines ». Après avoir gagné le combat pour les mosquées, leur nouvel horizon est celui des écoles, mais aussi des mairies, comme l’illustre l’élection du maire de Goussainville, qui serait même fiché S.
Il faut bien prendre conscience que ce n’est pas tant le terrorisme qui constitue le danger majeur mais l’idéologisation islamiste de la communauté musulmane de France et au-delà de la société dans son ensemble. Frères musulmans, salafistes et autres djihadistes pratiquent tous la taqia, stratégie de dissimulation et d’infiltration qui, à partir des années 1970, leur ont permis d’islamiser de nombreux pays musulmans comme l’Égypte ou l’Iran, qui s’étaient pourtant inscrits dans un processus de sécularisation.
De nombreuses propositions du rapport visent à traquer et empêcher le fondamentalisme islamique, comme le rétablissement de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), ou la plus forte pénalisation de l’atteinte à la liberté de conscience à l’égard conjoint ou d’une personne mineure.
On reste perplexe devant la recommandation de former les élus locaux sur la laïcité, l’islam radical, la gestion du fait religieux, quand on constate le clientélisme de trop de ces mêmes élus, tous bords confondus, EELV n’hésitant pas à faire entrer des femmes voilées au conseil municipal, comme à Strasbourg. Nous fûmes trop peu nombreux à le dénoncer.
Devant la commission d’enquête, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a admis qu’il existait des « angles morts » dans l’enseignement privé et à domicile. Le ministre a été courageux sur le respect de la laïcité à son arrivée Rue de Grenelle. Sa reconduction à la tête du Mammouth français devrait lui permettre de relancer une audacieuse politique laïque dans son ministère. La tâche s’annonce rude…
L’infiltration des institutions publiques (mais aussi des entreprises) n’est pas une nouveauté, et on a parfois l’impression que les sénateurs la découvrent. Cela fait près de vingt ans que le journaliste écrivain Mohamed Sifaoui la dénonce, preuves à l’appui. Aujourd’hui, les sénateurs préconisent de réaliser des enquêtes administratives préalables au recrutement dans divers secteurs, notamment les activités impliquant des mineurs, et d’encadrer très sérieusement les écoles hors contrat.
Autre exemple, le sport est devenu une importante friche du fondamentalisme islamique, dans son volet le plus séparatiste. Pourtant, la ministre de Sport Roxana Maracineanu avait défendu devant la commission sénatoriale le port de signes religieux dans la pratique sportive : « aujourd’hui, inclure cette neutralité dans le monde du sport irait plutôt dans un sens d’exclusion des individus, de notre société… Le sport que je défends est un sport inclusif où tout le monde arrive comme il est. » De tels propos sont inquiétants. Madame la ministre souhaite-t-elle que comme en Iran, les athlètes féminines entrent voilées sur les stades et dans les salles de sport ?
De même, les sénateurs aimeraient que l’interdiction « de toute démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale, telle que prévue par l’article 50 de la charte olympique » figure dans les statuts de chaque fédération, un vœu pieux, alors que se profile déjà la préparation des Jeux Olympiques de 2024.
Jean Castex se dit très attaché à la laïcité. Tant mieux ! Or ce rapport offre au nouveau gouvernement l’opportunité de passer des paroles aux actes. Le pourra-t-il vraiment ? Le voudra-t-il ?
Hugo Camus