A peine nommée, Emmanuelle Wargon, la nouvelle Ministre déléguée au logement a du pain sur la planche. Relancer la construction et la rénovation va certainement faire partie intégrante du plan de relance post-covid, et cela d’autant que la Politique du Logement a fait figure de parent pauvre des trois premières années du Président Macron.
Le Pinel, un dispositif à bout de souffle
L’ancien dispositif Pinel, encore en vigueur, s’il a eu ses mérites les premières années, a atteint ses limites. Il ne procure plus vraiment d’avantages aux épargnants, si on le regarde sur la durée, et ne permet pas le développement des logements que l’Etat comme les collectivités territoriales sont en droit d’attendre aujourd’hui.
Le Pinel n’est plus vraiment rentable pour l’épargnant, surtout si on tient compte du prix de revente escompté pour un logement qui, au bout de la période longue de détention, après ponction de l’impôt sur la plus-value immobilière, lorsqu’il y en a, n’est par définition plus un logement neuf et donc décote de 20 à 30% une fois devenu logement ancien.
Le Pinel crée des effets d’éviction et ne permet pas la construction de suffisamment de logements là où il en manque. Pour schématiser, il manque des logements dans Paris quand le dispositif Pinel en crée à 30 km. Compte tenu des plafonds de réduction d’impôt, ces logements Pinel sont souvent des studios et deux pièces là où il faudrait produire des trois ou quatre pièces.
La nomination d’Emmanuelle Wargon est une fenêtre d’opportunité pour créer un nouveau dispositif plus adapté aux besoins du pays, plus adapté aux attentes de l’Etat, des collectivités territoriales, des demandeurs de logement et des épargnants.
Quel est le besoin ?
Que souhaite-t-on ? Des logements neufs aux meilleures normes énergétiques. Des logements anciens, améliorés et rénovés énergétiquement. Des logements adaptés aux normes PMR, Personnes à Mobilité Réduite. Des logements adaptés à l’évolution vers la dépendance et la perte d’autonomie de nos citoyens âgés. Des logements accessibles pour les étudiants, les jeunes travailleurs ou les retraités, trois populations qui peinent le plus souvent pour louer leur logement. Des logements où les propriétaires, qu’ils soient institutionnels ou particuliers, trouvent leur intérêt à détenir ces biens. Des logements visant la mixité sociale comme le lien inter-générationel. Tout un programme.
Les Français adorent l’investissement immobilier. C’est logique ; l’absence de fonds de pension depuis des décennies a poussé les Français à épargner pour leur retraite, pour leur complément de retraite. Les crises successives en Bourse de 1987, 2001, 2008 et 2020 ont démontré aux épargnants, s’il en était besoin, qu’investir dans la Pierre était une gestion « bon père de famille », bien plus que dans les actions. Et heureusement pour l’épargne des Français que l’instauration de l’IFI, l’impôt sur la Fortune Immobilière, ne les a pas poussés à sortir de l’immobilier pour aller en Bourse. Nous aurions eu après le désarroi des Gilets Jaunes celui des petits épargnants. C’en eût été fini des chances d’Emmanuel Macron en 2022…
Il faut que la Ministre Wargon imprime son nom dans un nouveau dispositif qui prenne en compte les besoins énoncés, et s’affranchisse des freins que sont le zonage et le plafond de loyer. Bien sûr, il faudrait supprimer cet impôt absurde qu’est l’IFI, comme on a supprimé l’ISF. Détenir des studios et des logements, procurer un toit, a plus de vertus pour l’économie du pays et pour la société au sens large que de détenir de l’or ou des tableaux. Cela devrait être du bon sens, mais le Café du Commerce, qu’a été la Convention Citoyenne, avec son tirage au sort, n’a pas retenu cette proposition parmi ses 150…
Un plan Wargon où offres et demandes se rencontrent réellement
Il faudrait que, par exemple ce Dispositif Wargon procure une réduction d’impôt pendant une durée donnée si le logement est neuf ou rénové, aux normes énergétiques comme PMR, si pour le logement neuf, au minimum 25% de l’immeuble est dans le domaine social ou intermédiaire et pas plus de 50%, si pour le logement rénové et pour les 50-75% de l’immeuble neuf hors champ social, le locataire, ou un des conjoints locataires, lors de la signature du bail a moins de 30 ans ou plus de 70 ans, ou est à mobilité réduite, ou en perte d’autonomie.
De la sorte, l’Etat oriente l’investissement locatif et permet aux populations qui trouvent difficilement une location de trouver un bon logement adapté. Le zonage disparaît ; les promoteurs construiront là où il y a une réelle demande solvable et on évite les effets d’éviction dont se plaignent trop souvent les élus locaux. On crée ainsi des logements en fonction de la demande des locataires qui peinent à se loger. Le zonage pousse les promoteurs à créer des logements standards (qui vont vite décoter) en fonction du prix du foncier et des plafonds de loyer. On inverse le raisonnement du promoteur ; il partait du prix du foncier et des contraintes de l’investisseur ; là il raisonnera en fonction du point de rencontre entre la demande locataire et la demande investisseur, ce qui est bien plus sain et pertinent. On diminue en passant considérablement les difficultés de gestion des copropriétés où 40%, voire plus, des logements sont en Pinel. Les plafonds de loyer disparaissent de la loi, mais ils sont toujours présents en filigrane, car les locataires visés ont le plus souvent des ressources qui ne leur permettent pas des loyers élevés. On encadre implicitement. Orientation et encadrement tout en permettant le libre marché, la main visible de l’Etat… Ce pourrait être le « En même temps » du logement.
En créant ce nouveau dispositif, Mme le Ministre Wargon relancera utilement la construction et la rénovation de logements tout en laissant son nom dans l’histoire du logement en France.
Patrick Pilcer
Conseil et Expert sur les Marchés Financiers