Le 20 août dernier, un coup d’état mené par cinq colonels de l’armée malienne renversait le Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK), réélu quelques mois avant.
Triste épilogue d’une crise politique, morale et religieuse qui avait embrasé le pays depuis des semaines.
L’enlèvement du principal opposant pendant la campagne présidentielle (dont, heureusement, des lettres sont parvenues récemment à sa famille), la mauvaise gouvernance, la corruption généralisée, les assauts répétés et meurtriers des djihadistes avaient amplifié la vague de mécontentement qui animait les rues maliennes. Et dont la première revendication était le départ du chef de l’Etat.
Les médiations de la CEDEAO*, « hors sol » car, trop souvent marquées au sceau du « syndicat des présidents sortants », uniquement préoccupé de limiter la contagion des « juntes militaires », la montée en puissance de l’imam salafiste Mahmoud Dicko (qui a pourtant annoncé qu’il retournait dans sa mosquée), les purges dans l’armée ordonnées par IBK, les accusations de trafic de drogue visant le chef d’état-major de l’armée ainsi que l’aide de camp du Président, ont accéléré la décision des « colonels » de passer à l’action.
Si un coup d’état n’est jamais une bonne nouvelle pour la démocratie, la chute d’un président impopulaire, incompétent et corrompu est toujours une bonne nouvelle pour son peuple !
Soulignons que ce coup d’état s’est déroulé sans effusion de sang et dans la liesse populaire…
Rappelons qu’en mars 2012, lors du renversement d’Amadou Toumani Touré, les militaires donnèrent le pouvoir à IBK qui ne représentait, alors, que la quatrième formation politique du pays. Rappelons aussi qu’au début de sa présidence, la rébellion islamiste ne tenait que 20% du territoire malien alors qu’aujourd’hui, elle est présente dans 80% du pays. C’est dire l’immensité de l’échec de celui qui créa le premier « ministère des cultes » du Mali…
Le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) créé par les « colonels » a annoncé une transition de trois ans avec la mise en place d’un » collège des forces vives de la Nation » comprenant la nomination d’un premier ministre et d’un Président de transition, cela jusqu’à l’organisation de nouvelles élections.
Parmi les hommes forts de ce coup de force, préparé de longue date, on trouve le général Cheick Fanta Mady DEMBELE- saint Cyr et Ecole de Guerre- proche de l’état-major de Barkhane.
Il semble très peu probable que les autorités françaises et américaines aient ignoré la préparation de ce coup d’Etat.
Lequel ne peut, à terme que favoriser, la lutte contre le terrorisme.
En effet, le problème principal de la France au Sahel, réside dans le fait que dans les trois pays- Mali, Niger, Burkina-Faso- elle s’appuie sur des gouvernances impopulaires, une déliquescence des structures étatiques et administratives et une pauvreté galopante. Que dire du Président du Niger, Mamadou Issoufou, par ailleurs, président de la CEDEAO, dont les ministres ont détourné une grande partie des fonds attribués pour l’équipement de son armée, au profit de leur enrichissement personnel ?
Or, la pauvreté est le terreau principal du recrutement des jeunes par les groupes islamistes radicaux.
La France ne peut gagner la guerre contre le terrorisme dans cette partie de l’Afrique qu’en s’appuyant sur des Etats forts, stables et menant de réelles politiques de développement et en obtenant l’adhésion des différentes populations qui les composent. Sans soutien des peuples, aucune victoire n’est possible.
La CEDEAO serait bien inspirée de mettre dans son actuelle médiation des personnalités maliennes telles que les anciens présidents Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, afin de participer à des solutions pacifiques et durables pour résoudre la crise malienne.
Michel Scarbonchi