Et ça recommence : l’obligation du port du masque dans Paris et petite couronne est d’emblée assortie d’exceptions pour les joggeurs et les cyclistes. Cédant à la pression d’Anne Hidalgo, toujours aux petits soins de son électorat, et alors même que l’édile de Paris avait insisté il y a trois mois sur le danger des postillons et gouttelettes de sueur des sportifs, Jean Castex ne peut résister à son naturel de haut fonctionnaire : poser une règle et l’assortir de multiples conditions, chausse-trappe, dérogations et autres injonctions paradoxales.
Et ça recommence donc ! Les zones rouges réapparaissent sur la carte de France du Covid-19. Au niveau local, à taux équivalent de circulation du virus, de contamination ou d’hospitalisation, certaines villes rendent le port du masque obligatoire alors que d’autres y sont opposées. Pourquoi ne pas d’emblée imposer partout le port du masque obligatoire dans tout département classé rouge ?
Au sein même d’une ville, le masque est obligatoire dans certaines rues ou certains quartiers et non dans d’autres, le découpage étant lui-même fluctuant. À Paris, la décision a enfin été prise de le généraliser partout, depuis ce vendredi à 8 heures. En théorie, comme toujours !
Il n’y a pas que dans ce bal masqué où l’on ne sait plus sur quel pied danser : à Marseille, on peine à comprendre pourquoi les bars et restaurants doivent fermer à 23h. Il circulerait plus à partir de 23h qu’à 22h ? C’est un drame pour les établissements concernés.
En entreprise, il faudra porter le masque à partir du 1er septembre (le Covid attend la rentrée pour frapper ?)… sauf dérogations. Quelles dérogations ? En fonction de quels critères, de quel lobbying, parfois ?
La confusion s’ajoute à la confusion, même si enfin, malgré les avis contradictoires et le déni gouvernemental jusqu’en mai, les Français semblent admettre que le port systématique du masque est, et de très loin, le premier des gestes barrière et non un complément aux autres gestes, en particulier à une impossible distanciation sociale. On peut sans doute y ajouter le lavage (à l’eau chaude si possible) ou la désinfection des mains, raison pour laquelle l’installation d’un distributeur de gel sans contact devrait être imposée à l’entrée de tout bâtiment privé ou public, en particulier à l’entrée des supermarchés.
La politique Castex qui privilégie dans la déconcentration des décisions autour du couple préfet – maire s’applique-t-elle à des mesures d’ordre universel ? Le régionalisme cher à Jean Castex ne peut s’appliquer de façon dogmatique. À Paris comme à Lille, à Marseille comme à Lyon et dans n’importe quel centre-ville voire centre-village, la concentration de population est une réalité, et la règle doit être identique : le port du masque obligatoire. De toute manière, le principe de précaution, dont la pertinence peut parfois faire débat (mais pas après une première vague dévastatrice de Covid), est constitutionnel. Nous n’avons jamais cru à la pertinence des actions judiciaires, notamment pénales, engagées contre les membres du gouvernement. Mais si aujourd’hui, il n’appliquait pas ce principe de précaution, l’analyse pourrait être différente.
Comme en matière de prévention routière, il faut faire confiance aux policiers et gendarmes pour faire montre de discernement. Il y a des lieux ou des moments où la distanciation physique est une évidence. C’est alors que la différenciation peut se justifier. Mais pas d’une ville à l’autre, au nom de la primauté des territoires érigée en méthode de gouvernance.
Monsieur le Premier ministre, au moment de votre prise de fonction, vous vous plaigniez de ce que trop de lois (et que dire des règlements administratifs ?!) ne sont pas appliquées. Mais ce n’est pas avec des protocoles-usines à gaz, comme ceux que vous aviez supervisés quand vous étiez en charge du déconfinement, que vous réussirez ce pari que vous et nous n’avons pas le droit de perdre : éviter, et le désastre sanitaire, et l’effondrement économique. Les Français, malgré quelques réfractaires, peuvent comprendre les termes du marché : porter le masque n’est pas un plaisir, mais ce « sacrifice » est dérisoire au regard de l’enjeu. Le gouvernement a gravement échoué dans sa communication sur le masque et notamment à l’égard des jeunes. Ils n’écoutent pas les « vieux » médecins et politiciens. Ils écoutent d’autres jeunes, comme leurs idoles du sport et de la musique. Il faut parfois séduire pour convaincre, et parfois, il faut contraindre, donc sanctionner.
Et surtout, il faut simplifier, simplifier, simplifier. Les lois, décrets, arrêtés, circulaires, ordonnances… Tous les textes récents, dans tous les domaines, laissent perplexe sur la capacité de nos élus et hauts fonctionnaires de faire simple et efficace. Demandez par exemple aux avocats ce qu’ils pensent de la réforme de la justice, qui entre progressivement en vigueur depuis le début de l’année. C’est un peu comme si chaque fois que l’on supprimait une règle, on créait dix exceptions, comme si la bureaucratie était une pathologie française.
Soignez-vous de cet adage du haut fonctionnaire « pourquoi faire simple quand on peut faire complexe ? », Monsieur le Premier Ministre, pour mieux nous soigner, et guérissez de ce mal toutes les administrations.
Il eut mieux valu généraliser le masque dès la reprise de la courbe épidémique en juillet avec des sanctions exemplaires des contrevenants pour que la communication gouvernementale et médiatique se concentre à la rentrée sur la relance de l’économie et de la société.
Il faut faire vite car le Covid n’attend pas.
Michel Taube