La chronique de Patrick Pilcer
09H08 - mardi 1 septembre 2020

Renaissance du Commissariat Général au Plan : de la fausse bonne idée à l’erreur de casting. La chronique de Patrick Pilcer

 

Sauf nouvelle modification de son plan de communication, le gouvernement devrait annoncer Jeudi 3 septembre son nouveau plan de relance mais aussi la nomination du nouveau Commissaire Général au Plan.

La crise de la Covid-19 aura démontré par A+B le besoin de remettre sur de bons rails les choix économiques de la France : souveraineté économique basée sur nos avantages compétitifs actuels, dans ce nouveau siècle, politique de ré-industrialisation, remise en valeur de la notion de Travail, baisse des impôts dits de production, baisse des charges sociales, hausse des heures effectivement travaillées… Pour orienter ces choix cruciaux et permettre à la France de figurer parmi les meilleurs compétiteurs de la guerre économique actuelle, il paraît approprié au gouvernement de faire renaître le Commissariat Général au Plan.

A la sortie de la guerre, en 1946, la création de cette institution a permis de réfléchir sur l’avenir économique, de prévoir et de permettre la concertation et l’élaboration de propositions afin que le Politique fasse des choix éclairés. François Mitterrand, en 1988, vantait les mérites du Commissariat en disant que les pays qui réfléchissent sur leur avenir étaient en avance sur les autres. Il souhaitait redonner du souffle au Commissariat, surtout sur son rôle de planification. Il pensait que la planification serait un instrument efficace pour positionner le mieux possible la France pour la fin du XXème siècle, comme cela fut le cas au sortir de la guerre pour reconstruire le pays, puis dans les années cinquante et soixante pour mettre en place l’un des joyaux de notre économie, la filière nucléaire.

En 2006, Dominique de Villepin supprime le Commissariat et le remplace par le Centre d’Analyse Stratégique, lui-même remplacé par France Stratégie. La planification ne fut plus l’apanage que de Cuba et de la Corée du Nord, et les missions de cette institution furent recentrées sur la stratégie et la prospective.  

Réfléchir sur la stratégie et la prospective est assurément une bonne idée. François Mitterrand avait raison, les pays qui réfléchissent sur leur avenir ont effectivement plus de chance d’être en avance sur les autres que ceux qui subissent les évolutions économiques. Mais cette institution, France Stratégie, avait ou a bien cette tâche. Nous avons déjà avec France Stratégie un outil de réflexion, de prospective, de concertation. Si les dirigeants de France Stratégie n’ont pas bien rempli leur mission, changeons-les. Pas besoin de changer le nom de l’institution. Sauf si on remet en place le Plan, l’outil de planification de l’économie du pays.

Mais est-ce vraiment ce dont l’économie de notre pays a besoin, en 2020 ? La structure de l’économie mondiale, comme française, a largement évolué. En 1946, l’industrie et l’agriculture étaient les deux piliers de l’économie française. Aujourd’hui, l’industrie pèse pour 10% environ, et les services sont le pilier fort du monde actuel. Va-t-on tenter de planifier l’économie des services ? Pour être en tête demain, il nous faut innover toujours plus. Va-t-on planifier la Recherche ? Va-t-on faire un plan quinquennal dans une économie où les cycles sont plus courts qu’il y a un siècle ?

Changer le nom de France Stratégie ressemble alors à une simple opération de communication, du cosmétique. Changeons plutôt le patron de France Stratégie et mettons à sa tête une personne connue pour ses succès en matière de prospective et de stratégie. Un grand patron aux brillants résultats par exemple, ou un chercheur reconnu. Les noms ne manquent pas, Xavier Niel, Patrick Drahi, Bernard Arnault, Jean Charles Naouri, Jean Paul Agon, Serge Weinberg, voire parmi les chercheurs Cédric Villani, et tant d’autres. La France ne manque pas de talent. Ce n’est pas exactement le profil de François Bayrou, qui ne s’est pas vraiment illustré dans des succès en matière de stratégie et de prospective économique. Doit-on rappeler non pas qu’il est mis en examen, il y a présomption d’innocence, même si Sylvie Goulard, candidate au poste de commissaire européenne, dont les capacités étaient connues et reconnues, a été retoquée par le Parlement Européen pour une mise en examen identique ? Non, faut-il rappeler que sa réelle expérience de gouvernant, en tant que ministre de l’éducation nationale, de 1993 à 1997, ne s’est pas traduite par des mesures ou des réformes importantes, par des choix forts, par des idées révolutionnaires ? Nous payons peut-être aussi ce manque de prospective et de stratégie de ce ministre de l’éducation d’alors, aujourd’hui dans notre économie et dans le manque de liant, de vivre-ensemble de notre pays. Force est de constater que notre système éducatif a pris du retard ces 25 dernières années, par manque de planification, de prospective et de stratégie dans les choix faits au milieu des années 1990…

Alors, Monsieur le Président, ne rajoutez pas une erreur de casting à ce qui ne pourrait se révéler qu’une simple opération de communication. Trouvez plutôt le bon profil pour réfléchir sur notre avenir et nous permettre d’être en avance sur nos concurrents !

 

Patrick Pilcer

Conseil et Expert sur les Marchés Financiers

 

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