Emmanuel Macron va donc prononcer un discours le 4 septembre au Panthéon. Il entend célébrer la proclamation de la 3ème République en 1870, après la chute de Napoléon III il y a 150 ans. Il y rendra hommage à « onze figures représentatives des valeurs de la République, des personnalités emblématiques de la France unie ». Choix des personnes, choix de la République.
On ne peut que se féliciter de cet hommage à la République qui rompt avec les discours contrits de ses prédécesseurs. Rappelons simplement que la République n’est pas un mot fétiche. Peut-on parler de République sans évoquer le contrat social qui doit la fonder, en particulier la laïcité indispensable à l’émancipation des citoyens ? Peut-on s’y référer en utilisant une telle violence contre les gilets jaunes ? Peut-on la magnifier sans donner tous les moyens nécessaires aux services publics de santé, d’éducation,… ?
La République est avant tout la souveraineté du peuple. Emmanuel Macron va-t-il la réaffirmer et s’y soumettre ? Depuis le 29 mai et le non-respect du vote des Français sur le Traité Constitutionnel Européen, on sait que celle-ci est violée. Les proclamations de Macron comme de Hollande sur la « souveraineté européenne » confirment ces craintes.
La « France unie » est toujours un concept ambigu, curieusement calqué sur les slogans électoralistes de François Mitterrand. Qu’elle soit unie dans la recherche démocratique de l’intérêt général, qu’elle soit unie dans le refus du communautarisme, est une conception républicaine. Qu’elle soit unie autour d’une personne ne l’est pas. Ce n’est pas alors la République, mais le bonapartisme.
Certes, Gambetta fut un symbole de l’unité nationale et il était légitime à proclamer la République. Mais rappelons que le 4 septembre 1870 fut aussi la proclamation de la chute de l’Empire, évènement essentiel à rappeler alors que des voix s’élèvent désormais dans certains milieux politiques pour réhabiliter Napoléon III. Il fut suivi par la Commune et par une répression féroce menée par Thiers, puis par quelque années de présidence Mac Mahon, ces deux Présidents n’étant pas particulièrement un symbole d’unité. En fait, la République ne fut vraiment proclamée que par la chute de Mac Mahon en 1879.
Emmanuel macron semble vouloir insister, non sans raison, sur le rôle constructif de la 3ème République. A l’heure où trop de nos concitoyens ignorent l’Histoire de notre pays, la chose est essentielle. Mais pourquoi alors remet-il en cause ses construction essentielles telles que le ministère du travail ou la justice fiscale ?
Il est curieux de voir l’importance accordée au 4 septembre et l’oubli presque total de la proclamation de la première République le 22 septembre 1792. C’est pourtant elle qui abolit la monarchie par une insurrection populaire, c’est elle qui instaura le principe du suffrage universel et posa donc le principe de la souveraineté populaire, c’est elle qui abolit l’esclavage. Elle est un grand projet émancipateur, pas le gadget d’une « startup » nationale.
En fait, c’est un erreur que de ne s’accrocher qu’à un instant républicain. Il serait mieux de se situer dans l’Histoire de la République de façon globale, depuis 1792 jusqu’à nos jours, avec ses forces et ses faiblesses, ses moments glorieux et ses moments d’abaissement. Le plus grand péril qui guette la République est d’être réduite à un slogan par des dirigeants qui la détruisent en fait. Parler, c’est bien. Agir, c’est encore mieux. Car la République est toujours à construire. Elle est toujours à relever car elle est le môle sur lequel se construit le citoyen. La réaffirmation de la citoyenneté dans l’unité nationale passe par la remise en cause d’un système institutionnel bonapartiste qui nie la valeur du citoyen.
André BELLON
Ancien Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Président de l’Association pour une Constituante