“Le Tour plus fort que la Covid”, titrait Opinion Internationale le 29 août, jour du départ de l’épreuve reine de la petite reine.
Pourtant, cette édition 2020 était celle de tous les dangers ! D’abord, il y avait bien la Covid, dont la seconde vague s’apprêtait à déferler sur la France. Pour qu’elle épargne le Tour, le quasi-huis clos était imposé au départ, et les coureurs étaient mis sous bulle sanitaire. Le risque que l’épreuve n’aille pas à son terme était calculé mais bien réel : si deux membres d’une équipe, staff compris, étaient positifs au coronavirus, toute l’équipe serait exclue de la compétition.
Résultat trois semaines après : l’application rigoureuse des gestes – barrière et des mesures de protection des coureurs et des organisateurs les a tous protégés du virus et a permis que cet événement planétaire se tienne ! Un exemple à suivre pour « vivre avec le coronavirus » ! Protégez-vous, sur-protégez-vous et vous pourrez vivre pleinement !
Si on ajoute qu’en septembre, la France n’est pas en vacances, on pouvait être pessimiste sur le sort de cette grande fête populaire qu’est normalement le Tour de France, considéré par le maire Vert gris de Lyon, ville étape du Tour cette année, comme une épreuve misogyne et polluante.
La météo était une autre source de péripéties : d’habitude, le Tour se déroule en juillet, au cœur de l’été. Covid oblige, l’édition 2020 repoussée à septembre risquait de souffrir des intempéries, du froid, des premières neiges dans les cols des Alpes. Mais le climat n’est plus ce qu’il était, n’est-ce pas ?!
Côté sportif, on se demandait si le jeune vainqueur de l’an dernier, Egan Bernal, saurait défendre son titre et surtout, on espérait voir enfin un coureur français tirer son épingle du jeu. Le nom revenant le plus souvent pour le classement général était celui de Thibaut Pinot, qui hélas chuta lourdement au début de la course et ne retrouva jamais les moyens de jouer les premiers rôles. Espérons au moins que le prochain Français qui ramènera le maillot jaune sur les Champs-Élysées se trouve tout de même dans l’actuel peloton. Peut-être Guillaume Martin qui finit 11ème la saison 2020.
Avec cette année 2020 si singulière, le Tour de France et le cyclisme deviennent des territoires de conquête géopolitique : cette année le Moyen-Orient a trusté les équipes, avec Bahrein [Mc Laren] qui finit troisième au classement général des équipes, UAE Team Emirates dont le leader est justement le vainqueur du Tour, et Israel Start-up nation, bienvenue (sauf pour des extrémistes d’extrême-gauche heureusement absents du parcours) pour la première fois mais composée, paradoxalement pour vanter les mérites de la High-Tech israélienne, de futurs vétérans du cyclisme.
A star is born !
Car le Tour de France est aussi, et de très loin, la plus grande épreuve cycliste du monde, celle qui fait de son vainqueur une idole dans son pays et une star internationale. On connaissait le football et la diplomatie. Bienvenue dans le monde géopolitique du cyclisme dont le Tour de France fait office de plus en plus d’événement passerelle…
Au final, cette année, nous avons été gâtés par le spectacle : un plateau relevé malgré les désillusions françaises et l’abandon précoce du tenant du titre, de magnifiques étapes dans un parcours auquel on pouvait, jusqu’à l’avant-dernière étape, penser qu’il était trop montagneux. La Vuelta espagnole et le Giro italien ont imposé des pentes de plus en plus raides pour concurrencer le Tour. Pour ne pas être en reste, les organisateurs de la Grande boucle ont répondu avec un profil de plus en plus montagneux, pimenté de dénivelés de plus de 20 %. Aurons-nous droit à une étape de cyclocross en 2021 ?! Le vainqueur du Tour de France doit être le meilleur cycliste du monde, le plus résistant et le plus complet : à la fois grimpeur, rouleur, puncheur, comme le furent les plus grands lauréats de l’épreuve, à commencer par Eddy Merckx, sans doute le plus grand d’entre tous.
Cette année, l’avant-dernière étape du Tour (la dernière véritablement consacrée à la compétition) fut un contre la montre, a priori une épreuve pour rouleurs (enfin !). Sauf qu’elle était relativement vallonnée et qu’elle se terminait à la très pentue Planche des Belles Filles dans les Vosges. Un mini Tour de France à elle seule ! Et c’est la que le miracle se produisit : un jeune prodige de 21 ans réalisa un extraordinaire exploit en étant le plus rapide sur toutes les portions du parcours, écrasant la concurrence, en particulier le maillot jaune Primož Roglic, coureur slovène de la puissante équipe Jumbo Visma qui contrôlait jusqu’alors la course, pour lui ravir la précieuse tunique sur le fil : Tadej Pogacar, lui aussi slovène, devra confirmer son rang de nouvelle étoile du cyclisme, mais la manière dont il a géré toute la compétition, son punch, sa combativité (il gagna trois étapes), ses qualités sur tous les types de terrain, et sa précocité (plus jeune vainqueur du Tour de l’après-guerre) sont extrêmement prometteurs. Le jeune homme est simple et humble, disent tous ceux qui l’ont côtoyé. Il ne cogite pas inutilement, ne se pose pas de questions existentielles sans intérêt.
Alors que le Tour de France s’achevait sur les Champs-Élysées, un drapeau jaune flottait sur la présidence de Slovénie, à Ljubljana, pays de 2,1 millions d’habitants dont les coureurs ont réalisé un extraordinaire doublé dans la reine des compétitions cyclistes.
L’an prochain, Tadej Pogacar sera attendu comme le loup blanc. Fini l’effet surprise. Fini le coup du jeune surdoué surgi de nulle part. Il sera à la tête d’une équipe largement étoffée, entièrement à son service. Si tout va bien, le Tour 2021 partira de Brest, et non de Copenhague comme initialement prévu, le 26 juin prochain.
Si tout va bien…
Dans cette attente, Emmanuel Macron rencontre ce matin M. Borut Pahor, Président de la République de Slovénie, au Palais de l’Élysée… Les deux hommes recevront peut-être la nouvelle star slovène…Le suspense est entier comme le fut ce magnifique Tour de France, définitivement plus fort que la Covid !
Michel Taube