Et si le serment d’Hippocrate du médecin, engagement certes non juridique mais à la puissance morale autrement plus grande, était complété d’une phrase : « je n’étalerai point sur la place publique mes doutes ou mes incertitudes ni ne parlerai de ce qui n’est clairement établi ».
Vous me direz, tous les médecins qui sillonnent les plateaux de TV pourraient déjà relire attentivement leur Serment qui avertit : « Je […] n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. » Et d’ajouter plus loin : « Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. »
Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, de nombreux médecins, souvent professeurs émérites, confondent opinion personnelle et vérité scientifique, avec des effets détestables pour la crédibilité du message scientifique, et parfois dangereux pour les citoyens qui suivent leurs conseils… ou refusent de les entendre.
Untel prône de ne plus se laver les mains, tel autre d’en finir avec le confinement même partiel…
Au moment où nous entrons dans la deuxième vague de la pandémie (a-t-on jamais quitté la première ?), le Conseil National de l’Ordre National des Médecins ne devrait-il point mettre le holà à ce spectacle, que ne donnent fort heureusement pas tous les médecins ?
Après le masque donné comme inutile, notamment par le Directeur de la Santé, Jérôme Salomon, alors qu’il est évident qu’il faut protéger ses voies respiratoires d’un virus qui les emprunte, voici qu’un autre scientifique, le professeur Jean-François Toussaint, remet en cause (ce n’est pas la première fois) l’efficacité du confinement. Répondant sur Cnews aux questions de Gérard Leclerc, le professeur « jugea » que l’efficacité du confinement n’aurait pas été scientifiquement démontrée, concluant à une « utilisation politique qui dépend de l’inquiétude des gouvernants », et remettant par la même en cause la crédibilité de leurs conseillers scientifiques.
Depuis que l’Homme a compris qu’un virus se transmettait d’un individu à l’autre, on sait que la manière la plus évidente d’y remédier est d’empêcher un malade de croiser un individu sain. C’est simple, logique, et ne réclame aucune compétence ni démonstration scientifique pour le comprendre. Faut-il prouver que l’eau mouille et qu’il fait nuit… la nuit ?!
Proposons une autre façon de le dire : les masques, le respect des gestes-barrière, bref une bonne hygiène de vie, et enfin l’isolement des personnes contaminées (quelle que soit la taille des clusters) participent d’une politique sanitaire de PREVENTION ! Ce mot est souvent ignoré en France par des mandarins ou des experts de la médecine, là où en Allemagne les budgets sanitaires de prévention sont nettement plus élevés.
En rejetant les conseils de confinement, le professeur Toussaint voudrait donc nous faire comprendre que la plupart des dirigeants et scientifiques de la planète sont donc des imbéciles, sauf ceux des Pays-Bas ou de Suède, oubliant que cette dernière vient de suspendre les visites en maison de retraite en complément de l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes, déjà en vigueur. Et ce n’est peut-être qu’un début, car les épargnés de mars peuvent être les plus touchés de septembre, et inversement.
Alors que partout en France la situation se dégrade, parfois de façon exponentielle mais sans que, certes, les admissions en réanimation ni les morts n’augmentent au même rythme, Jean-François Toussaint nie aussi cette réalité, prenant comme unique critère le nombre de décès récents. Le 3 mai dernier, lorsque ce même professeur doutait déjà de l’efficacité du confinement, près de 25.000 personnes étaient déjà mortes de la Covid en France, et il était unanimement admis que des dizaines, voire des centaines de milliers de vie ont été épargnées grâce au confinement, certes en situation de pénurie de masques, eu égard au rapport entre les taux de contagiosité et de létalité.
Face à un virus inconnu, le doute du scientifique est salutaire. Ce qui est insupportable et inadmissible, c’est de ne pas douter lorsque l’on assène des théories marginales, en l’espèce contredites par l’évidence, le bon sens et les pratiques universelles et ancestrales.
Et surtout, dans le doute, on se tait : déontologiquement trop de médecins et d’experts parlent et assènent des vérités là où ils avancent en territoire innconnu.
Et maintenant, haros sur le lavage des mains !
Pour ne pas être en reste, voilà que sur le plateau de Morandini Live (encore Cnews), la Docteur Martine Perez nie l’importance de se laver les mains, geste selon elle utile contre la gastroentérite, mais pas essentiel contre la Covid, au motif que celle-ci ne serait qu’un virus respiratoire. Devant le trouble de l’animateur, elle nuance le propos en affirmant que si elle était malade de la Covid, qu’elle se mouchait dans ses doigts avant de lui serrer la main, et que lui se grattait ensuite le nez, il pourrait contracter la sale bête. Donc, hors situation aussi caricaturale, le gel hydroalcoolique n’aurait guère d’intérêt.
Trop point n’en faut ! Un médecin peut exprimer une hypothèse si elle est corroborée par un argumentaire autre que l’absence de preuves, méthodologie des complotistes en tous genres (nous n’accusons pas les médecins d’en être). Mais l’affirmation péremptoire et sciemment décalée relève du coup de com’. Notre connaissance de la Covid évolue, peut-être comme le virus lui-même. Cela appelle à de la modestie et à de l’humilité. Tout le contraire des sorties tonitruantes de certains médecins.
Le masque, la contagiosité (des enfants en particulier), les joggers, les tests, le lavage des mains, le confinement, l’origine du virus, la notion de cas contact, les remèdes efficaces ou non, le vaccin… Chaque thématique est matière à posture pseudo scientifique, avec pour effet de brouiller le message sanitaire, de nourrir le complotisme, de discréditer la science comme la politique et, au final, de nuire au combat contre le coronavirus.
Autre effet désastreux de la broyeuse médiatique, d’éminents spécialistes qui ont exprimé des points de vue dissidents mais argumentés, se sont trouvés rejetés par le corps médical auquel ils appartiennent et sont tentés de voguer désormais vers des contrées complotistes et anti-système qui sont autant de pertes pour la médecine conventionnelle et institutionnelle. Le cas du Professeur Christian Perronne est symptomatique.
On ne peut évidemment reprocher aux médias de donner la parole aux médecins. En revanche, leur Ordre national, au lieu de traîner devant ses tribunaux arbitraux des Didier Raoult, ne pourrait-il pas a minima prendre publiquement position contre la tentation de l’ensemble de la profession des assertions infondées ou marginales, principalement dédiées à l’autopromotion de ceux qui les véhiculent ?
Michel Taube