Dans une situation économique précaire, le groupe automobile Renault, avec la nomination à sa tête de Luca De Meo en juillet dernier, réorganise sa section sport mécanique. Un lifting risqué pour Renault F1 Team qui prouve malgré tout sa volonté de s’accrocher à la compétition de haut niveau et de faire de l’Alpine une marque phare du sport mécanique mondial et du groupe français.
Renault disparaîtra des paddocks de Formule 1 la saison prochaine. La nouvelle est tombée le 6 septembre dernier, quelques heures avant le départ du grand-prix de Monza. Que les supporters français se rassurent, l’écurie, elle, existera toujours sous le nom d’Alpine F1. Luca De Meo, le nouveau grand patron de Renault, a impulsé ce changement de stratégie sportive interne à la firme au losange dans le cadre d’un plan de relance économique de 2 milliards d’euros annoncé en janvier dernier. Anciennement à la tête de Seat, l’homme de 52 ans s’est vu confier la lourde tâche de renouer avec la rentabilité de la marque, atteinte par des finances dans le rouge, l’affaire Carlos Ghosn et la crise de la covid-19. Alors qu’à Choisy-le-Roi, les salariés ont déploré la fermeture de leur usine, ceux embauchés sur le site dédié à l’Alpine à Dieppe ont pu souffler.
En effet, la volonté de Luca De Meo de faire du modèle phare des années 70 la marque ambassadrice de Renault dans le sport automobile propulse l’usine au niveau de Viry-Châtillon où se trouve le site de développement des moteurs Renault en Formule 1. Pour lui, les sports mécaniques semblent rester une vitrine de réussite et de prospérité incroyable pour les finances de la marque tricolore. Et pour cause, Alpine placera en 2021 une voiture sur les grilles de la catégorie reine du sport automobile d’endurance, plus de 40 ans après sa dernière victoire aux 24 heures du Mans. « Des synergies potentielles avec l’écurie de F1 sont à l’étude », a-t-il aussi affirmé dans un communiqué, n’assurant pas pour autant si les budgets alloués à l’écurie de F1 seront équivalents à cette saison.
Une stratégie marketing qui a fait ses preuves
La présence de Renault, comme n’importe quelle marque en sport automobile, demeure très onéreuse pour l’entreprise. Sans doute que le patron italien a réfléchi à deux fois avant de continuer l’aventure de Renault en Formule 1, débutée en 2005. D’autant plus que la marque française est l’une des seules à construire son propre moteur et son propre châssis. Dans un souci d’économie mais aussi de capacités techniques, la plupart des écuries sous-traitent à Ferrari, Mercedes ou Renault pour bénéficier de leur moteur – quid de Honda qui ne propose qu’un moteur sans être une écurie. Le développement d’un bloc moteur de plus en plus pointu, mais hybride, coûte très cher et les marques ne s’en cachent pas.
Pour autant, Luca De Meo a sans doute un plan derrière la tête. Un schéma transalpin, inspiré d’un modèle pérenne qu’il connaît bien, celui de Ferrari. Enzo Ferrari donna son nom à la firme de voitures italiennes qu’il créa en 1947 et dont la marque déjà existante sous Alpha Roméo, la Scuderia Ferrari, engagea en compétition les modèles de Ferrari. En bâtissant Ferrari, l’objectif pour l’industriel italien n’était autre que de financer son écurie de sport automobile, la Scuderia, dont les coûts étaient élevés et les rentrées d’argent fluctuantes. Avec la création d’Alpine comme une marque à part entière, Luca De Meo espère sans doute établir le même système.
Tout miser sur Alpine pour sauver l’avenir de l’écurie Renault en Formule 1 après un plan de relance économique pourrait s’avérer risqué. Mais la mayonnaise à la sauce lombarde peut prendre.
Sportivement ambitieux ?
Le développement de la marque Alpine en sport automobile va dépendre des futures ventes de cette voiture au style rétro mais surtout des autres ventes de la marque, notamment de véhicules électriques comme la Zoé. L’équilibre financier potentiel de l’ensemble du groupe française déterminera l’avenir d’Alpine en Formule 1.
Il ne faut toutefois pas négliger le côté sportif. Actuellement, Renault occupe la 5ème place au championnat constructeur, la même position qu’en 2019. L’écurie fait figure d’outsider de seconde zone face au mastodonte Mercedes qui rafle tout sur son passage depuis 2014. Après deux victoires pilotes et constructeurs en 2005 et 2006, Renault n’a plus jamais gagné, alternant avec des périodes où elle n’était que motoristes. Ses deux pilotes, l’australien Daniel Ricciardo et le jeune et prometteur français Esteban Ocon se battent souvent pour les places d’honneur voire les podiums. Avec un règlement technique similaire la saison prochaine, la marque hexagonale ne devrait pas lutter avec le haut du panier. Pour attirer les projecteurs sur sa nouvelle marque, Luca De Meo, sous l’impulsion du patron de Renault F1 Team, Cyril Abiteboul, a fait signer Fernando Alonso pour 2021 à la place de Ricciardo. Le double champion du monde espagnol, titré avec Renault, pilotera la nouvelle monoplace Alpine et y apportera de surcroît toute son expérience et son talent.
Un grand nom qui ne peut que profiter à l’essor d’Alpine et de la France dans la catégorie ultime du sport automobile mondiale. Des bases solides pour inscrire un nouveau nom dans l’histoire de la Formule 1.
Maxence Eloi
Journaliste