Le 10 mars dernier, le ministre de la Santé autorisa les médecins à consulter via FaceTime et WhatsApp, précisant qu’ils seraient rémunérés comme pour une consultation classique. Après avoir assoupli la téléconsultation vidéo, dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, Olivier Véran autorisa même début avril de façon exceptionnelle les téléconsultations par téléphone.
Alors que le Covid déferle à nouveau sur la France et le monde (deuxième vague ou suite de la première, quelle importance en définitive ?), l’heure est venue de donner un considérable coup d’accélérateur à la télémédecine, bien au-delà de la téléconsultation embryonnaire que nous connaissons actuellement. Il est d’ailleurs étonnant que les pouvoirs publics peinent encore à comprendre qu’il y a dans ce développement la source de considérables économies pour le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, un outil politique d’aménagement du territoire pour refleurir les déserts médicaux, et une opportunité pour les entreprises françaises de prendre des positions déterminantes sur un marché dont la croissance est, hélas dira-t-on à certains égards, promis à une infinie croissance.
Politiquement et juridiquement, cela commence par une prise en charge entière de la télésurveillance, en particulier au bénéfice de patients atteints de maladies chroniques. Tantôt, elle est une alternative à l’hospitalisation, tantôt le meilleur outil de prévention et de surveillance de la maladie. Pour le confort du patient comme pour les finances publiques, ce serait un considérable progrès, a fortiori dans un contexte de pandémie quasi chronique.
Parallèlement, les mesures doivent être prises pour développer significativement la coopération entre la recherche et l’entreprise, sans avoir peur de s’inspirer de pays qui ont su le faire mieux que nous, comme le suggère d’ailleurs le député Philippe Latombe, rapporteur de la mission parlementaire sur la souveraineté numérique française et européenne, dans un entretien accordé à Opinion Internationale. Les jeunes chercheurs doivent aussi apprendre l’économie, la finance, la gestion et le marketing, pour que leur envie d’inventer se transforme en envie d’innover, de créer leur entreprise, de faire de la France ce pays de start ’up dans ce que cette notion a de plus positif et même d’exaltant, dans les domaines les plus porteurs. Telle était l’ambition initiale du président de la République. Initiale…
La télésurveillance médicale trace la voie de la téléconsultation de demain : elle s’appuie sur l’internet des objets, connectés non pas à son smartphone sans véritable garantie de confidentialité, mais à son ou ses médecins, le cas échéant à d’autres acteurs de santé ou du secteur médicosocial identifiés et soumis au secret professionnel, aujourd’hui regroupés dans la loi sous la bannière « équipe de soins ». En mai dernier, Gilles Lunzenfichter, patron de la société Medisanté, expliquait lors d’un @live d’Opinion Internationale et dans un article dédié comment cette télésurveillance peut concrètement se déployer.
Il existe des cabines de téléconsultation, des chariots connectés qu’on peut amener au chevet du patient, mais les objets connectés sont encore cantonnés à quelques domaines comme le diabète, l’hypertension. Demain, le stéthoscope connecté sera aussi accessible qu’en tensiomètre, les fibres textiles, voire les médicaments eux-mêmes, seront des capteurs et transmetteurs.
Si le bien-portant peut se débrouiller seul avec ces outils de prévention, comme il le fait déjà en matière de fitness avec les applications pour smartphone, la personne malade, a fortiori âgée ou handicapée, doit être assistée. Les infirmiers et, où plutôt les infirmières bien plus nombreuses que leurs collègues masculins, sont le trait d’union parfait entre le patient et la chaine médicale. Cette profession doit être revalorisée tant en termes de considération que de rémunération. Dans une position plus médicosociale que sanitaire, les infirmières garantissent le lien social malgré le développement de la télémédecine.
Cette révolution technologique sera l’occasion de repenser la “politique managériale” qui entoure le patient. La médecine de demain, ce sera l’intelligence artificielle à domicile et connectée aux professionnels de soins au service du médecin de famille, de la pharmacie aux compétences élargies et des infirmiers de famille plus proches du patient et de ses enjeux médico-sociaux.
Raymond Taube
Retrouvez-nous dans le prochain Live Opinion Internationale jeudi 12 novembre 2020 de 19h à 20h30 sur Zoom. Programme et inscription ici.