L’ENA a ouvert, en 2019, à titre expérimental et ce, pour cinq ans, un concours externe réservé aux titulaires d’un doctorat spécialisé en « sciences de la matière et de l’ingénieur » et en 2020, en « sciences humaines et sociales ».
Cette première expérimentation est un succès à la lumière du nombre de participants, 170 pour trois places. Il s’agit d’une étape importante même si l’on peut déplorer le faible nombre de docteurs à recruter. Isabel Marey-Semper, dans son rapport remis au Premier Ministre, le 21 janvier 2020, propose 15 postes pour les docteurs afin de diversifier quantitativement les profils de la fonction publique et intégrer les meilleures pratiques internationales dans ce domaine. Notre pays compte très peu de scientifiques parmi ses hauts fonctionnaires, contrairement à ses voisins. Or, « la science se trouve au cœur de la quasi-totalité des politiques publiques du XXIème siècle » comme le souligne le rapport. Pour la haute fonction publique, faire entrer des personnes formées à la science constitue un enjeu majeur.
L’ENA installe donc le doctorat comme une formation d’excellence spécifique. Cela devrait permettre une meilleure reconnaissance des profils de docteurs, en France.
Dans le monde entier, le doctorat est envisagé comme une formation d’élite et, pourtant, les docteurs français peinent à convaincre de leur valeur ajoutée. Pour rappel, le doctorat est le diplôme universitaire le plus élevé. Pour l’obtenir, il faut un master 2 et en moyenne, trois ans et huit mois pour rédiger une thèse de qualité.
La France forme donc deux fois moins de docteurs que l’Allemagne et cinq fois moins que les Etats-Unis. Pour rester au sein de la compétition économique mondiale, il est urgent de valoriser la recherche française et de permettre ainsi à chaque docteur d’avoir des débouchés correspondant à ce haut niveau de qualification. Leurs compétences sont polyvalentes, très techniques. Ils possèdent des savoir-faire et des savoir-être grâce à leurs activités doctorales et extra-doctorales. Ils ont aussi, parce qu’ils se doivent de maîtriser chacun des aspects de leurs recherches, des compétences entrepreneuriales. Ils savent appréhender les difficultés car, souhaitant faire évoluer le savoir, ils travaillent sur des problématiques dont nul ne connaît la solution. Ces différents points sont autant d’appuis puissants pour l’innovation dans les entreprises et les administrations, lesquelles ont besoin d’experts pour mieux appréhender le monde et le construire avec un regard audacieux. Les docteurs sont en capacité d’innover.
L’esprit scientifique qui entoure ce diplôme peu reconnu, en France, se révèle être un esprit d’ouverture et de curiosité maitrisant le questionnement, la formulation d’hypothèses, le maniement de raisonnements. Il est construit autour du doute. Il se nourrit d’échecs, de frustrations et aussi, de grandes réussites.
Les qualités indéniables détenues par les docteurs peuvent donner à l’ENA le souffle pour se réformer en douceur et aider à reformer une France qui en a urgemment besoin.
Lucie Breugghe
Docteur en sciences humaines
La spécialité de l’épreuve d’admissibilité du « concours docteurs » sera précisée courant octobre 2020 pour le concours de 2021 et les docteurs n’ayant pas soutenu leur thèse à la date du 30 avril 2020 sont invités dès que possible à produire leur autorisation et PV de soutenance avant le 23 octobre 2020.
https://www.ena.fr/Concours/Les-concours-de-l-ENA/Concours-externe-special-docteurs
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