Vendredi 30 octobre 2020, 1er jour du 2ème confinement. Un supermarché dans le 10ème arrondissement de Paris : beaucoup de monde, le masque souvent mal porté, aucune obligation de nettoyer les mains à l’entrée (et la plupart des clients ne le font pas), aucun charriot désinfecté entre deux clients, nulle distanciation à la caisse. Si on tente de la respecter, on vous passe devant !
Dans le métro, à 18h, les effets du confinement ne sont pas flagrants. Et le port du masque pas systématique, surtout si l’on inclut ceux qui le portent sous le nez. On imagine qu’en entreprise, certains doivent prendre quelques distances, non pas avec leurs collègues, mais avec l’orthodoxie sanitaire.
À l’inverse, avant qu’ils soient sommés de baisser leur rideau, la plupart des petits commerces respectait les règles de sécurité : nombre limité de personnes dans l’établissement, nettoyage des mains, port du masque…
Il est pourtant possible de faire respecter les gestes barrière, en mêlant information, pédagogie, et coercition. Mais on a préféré fermer tous les petits commerces, condamner à mort la plupart d’entre eux et creuser dangereusement le déficit pour en sauver quelques-uns.
Tout cela a des allures de prosternation du gouvernement devant le lobby de la grande distribution même si Opinion Internationale n’aille goûter à ce genre de soupçons. Avec le colossal cadeau qui lui est fait (ainsi qu’à Amazon et consorts), la moindre des choses eut été de soumettre ce secteur à des protocoles sanitaires draconiens, sous peine de lourdes sanctions immédiates : obligation de désinfecter les rayons, les charriots, de faire respecter les gestes barrières… Compter sur le civisme, quelle (fausse) naïveté pour masquer (décidément) l’impuissance à faire appliquer la loi partout.
« Sur rendez-vous » avec des jauges précises d’affluence pour les personnes habitant à moins d’1 km aurait pu être, pourrait être encore la maxime d’une politique alternative qui aurait permis de procéder autrement qu’avec un confinement partiel et discriminatoire à l’avantage des grandes surfaces : en effet, on doit pouvoir organiser le petit commerce en limitant le nombre de personnes dans l’établissement (file d’attente, prise de rendez-vous, drive’in, « click and collect »…). Pour éviter un trop grand brassage de population et l’afflux dans les transports, l’achat dans les commerces pourrait être limité à un rayon d’un kilomètre, comme en mars dernier.
L’équité commanderait à restreinte l’activité des grandes surfaces aux seuls produits de première nécessité. Tout ce qui est interdit au petit commerce devrait aussi l’être aux super et hyper marchés. La vente en ligne pourrait être la solution, mais le drame est que ce sont des mastodontes, en particulier Amazon, qui écrasent le marché.
Heureusement, et pour la énième fois sous la pression de l’opinion publique, pris de panique, le gouvernement fait marche arrière sur les livres : la FNAC et les grandes surfaces devront fermer leur rayon livres. Comme si cela allait sauver les petits libraires. Amazon se frotte les mains.
Bref, on le comprend en moins de vingt-quatre heures : ce reconfinement, c’est du « en même temps » macronien qui nous emmène droit dans le mur.
Pourtant, les pouvoirs publics nous expliquaient que le confinement, cela ne peut être que tout ou rien, qu’on ne peut accorder de dérogation à certains sans que d’autres ne cherchent à s’engouffrer dans la brèche. Mais voilà qui est fait. Plusieurs corporations s’apprêtent à saisir les tribunaux et plusieurs maires ont déjà annoncé qu’ils autoriseraient les commerces à ouvrir, en violation de la loi. Le gouvernement n’a-t-il pas ce qu’il mérite ? Ce confinement, ce n’est pas tout ou rien. C’est la prime aux grands et aux puissants, c’est quelque part la répétition de l’incompréhension qui avait fait dégénérer le mouvement des gilets jaunes.
Comment peut-on accepter qu’à l’approche de Noël, un magasin de jouets soit contraint à la fermeture alors que les rayons de jouets des hypermarchés n’ont jamais été aussi fournis ? Quelle est la logique sanitaire de cette discrimination commerciale ? Il est vrai que si l’on énumérait tous les exemples d’injustices nées de ce confinement, la conclusion serait qu’il faudrait y mettre fin. Et là, nous aurions vraiment droit au carnage évoqué par Emmanuel Macron, et à des scènes insoutenables.
Si le reconfinement doit permettre de sauver des centaines de milliers de vies, qu’il n’y a pas d’autre solution parce que la politique de dépistage et plus généralement l’absence de politique de prévention sont un échec monumental, la moindre des choses serait qu’il soit équitable et pas aveugle.
Les PME, TPE, artisans, commerçants sont le sang et l’âme d’un pays. Les sacrifier en faisant la fortune des Leclerc, Auchan, Carrefour et autre Amazon ne permettra pas de mieux restreindre la propagation du virus.
Depuis des semaines, nous préconisons une autre politique sanitaire, basée sur le triptyque « prévention hygiène », « protection des personnes à risque », « mobilisation des soignants de famille ». Avec l’obligation et l’urgence absolue de préparer dès maintenant le déconfinement.
C’est une autre voie qui a été choisie : un faux déconfinement qui fait qu’il va nécessairement être endurci d’ici deux à trois semaines et, au final, durer trois mois au lieu d’un.
Nous allons vers un triple désastre : sanitaire, économique et social. Un quadruple désastre même, car l’avenir politique d’Emmanuel Macron se joue surtout avec sa gestion de la crise du Covid. Reprenez-vous, Monsieur le Président. L’union sacrée que vous réclamez, il vous faut la mériter et non la décréter !
Michel Taube