Après l’indignation nationale et l’émouvant discours prononcé par le président de la République après l’atroce décapitation d’un enseignant accusé d’avoir violé la charia en appliquant simplement le programme scolaire, il était prévu que la rentrée scolaire de la Toussaint serait l’occasion d’une manifestation de soutien aux enseignants et à la laïcité, particulièrement à l’école, à la mesure du discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne. Car cette fois, la goutte d’eau a bien fait déborder le vase, comme s’il n’avait pas déjà été brisé depuis longtemps. Mohamed Merah, Charlie Hebdo, l’Hypercacher, le Bataclan, le prêtre Hamel… Depuis l’assassinat de Samuel Paty, le monde aravo-musulman, excité par l’islamiste turc Erdogan et un ancien premier ministre malaisien qui appelle à assassiner des milliers de Français, crie sa colère contre la France parce qu’elle ose refuser de se soumettre. À Nice il y a quatre jours, la barbarie s’est perpétuée dans toute son horreur. Dans une église, on égorge, on décapite, au nom de l’islam.
Il fallait, comme le souhaitait certainement Jean-Michel Blanquer, meilleur défenseur de la laïcité dans le gouvernement, affirmer haut et fort la liberté d’expression, l’inexistence du blasphème, la primauté des lois républicaines, à l’occasion de cette rentrée des classes. Il fallait frapper fort, non seulement parce que le crime était abject, mais parce que nos ennemis sont, tels des charognards, à l’affût de tout signe de faiblesse. La guerre qui nous est déclarée est totale : infiltration, manipulation, lavage de cerveau, intimidation, terrorisme…
L’hommage à Samuel Paty se limitera donc à une minute de silence et à la lecture de la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs publiée dans La Dépêche du Midi le 15 janvier 1888. Motif de ce rétropédalage : le protocole sanitaire dans une France confinée. La laïcité serait donc victime du Covid ? À moins qu’il y ait eu, en provenance de l’Élysée, quelques consignes de ne pas mettre d’huile sur le feu ? Au lieu d’affirmer la laïcité avec force, au cœur de l’école, on aura droit à un service minimum dont on sait que de nombreux élèves ne le respecteront pas.
Entre Covid-19 et islamisme, le sentiment d’une débandade gouvernementale gagne du terrain. Comme s’il y avait une guerre de trop, alors qu’on ne sait pas même défendre nos lignes sur un seul front. Sur le confinement, le Premier ministre fut pathétique, lors de son intervention télévisée du 1er novembre 2020 (vue par 10 millions de Français, un record pour l’émission de Anne-Claire Coudray, mais loin des 32 millions de Français qui ont suivi le chef de l’Etat jeudi dernier annoncer le reconfinement du pays) : comme les commerçants ont, à juste titre, crié à l’injustice, la réponse du Premier ministre est de fermer les rayons des produits non indispensables (selon les critères gouvernementaux) dans les grandes surfaces. Outre le fait que ça ne fera pas entrer un kopeck de plus dans la caisse des commerçants, cela compliquera singulièrement la vie des consommateurs, que nous sommes tous, tous les jours. Où acheter des vêtements (et sous-vêtements) où remplacer sa cafetière si elle tombe en carafe ? Où ? Sur internet, bien sûr ! Mais surtout pas sur Amazon, laisse entendre Jean Castex. Ne consommons donc pas du tout, c’est bon pour la croissance !
Que ce soit le Covid ou l’islamisme, les tergiversations, les choix mal expliqués, les volte-faces ne contribuent pas à assoir la crédibilité des pouvoirs publics. Sur les deux fronts, la progression de l’ennemi est brutale et exponentielle. Et la vérité peine à sortir de la bouche de nos dirigeants. On veut toujours nous faire croire que l’immense majorité des musulmans de France sont viscéralement attachés à la République et à la laïcité, malgré les enquêtes convergentes qui tendent à démontrer que cette majorité s’est déjà beaucoup émoussée, en tout les cas chez les jeunes. Il est temps que les modernes prennent le pouvoir à la tête de l’Islam de France.
On veut nous faire croire qu’on sortira du confinement début décembre, alors que tout porte à croire que c’est à ce moment qu’on y entrera réellement, quand les hôpitaux seront submergés, qu’il n’y aura plus de lit, plus de respirateur, pour des malades en état de suffocation.
À quoi ressemble Paris, ce lundi 2 novembre ? Embouteillages presque habituels, métros bondés (situation aggravée par l’absurde réduction du nombre de rames en circulation), cohue attendue dans les grandes surfaces, confinement qui ne tuera que le petit commerce sans arrêter la propagation du virus…
À tous points de vue, et en particulier dans les deux challenges majeurs auxquels la France doit faire face (en attendant l’effondrement économique), le sentiment d’un décalage entre le pouvoir et le terrain, entre des hauts fonctionnaires et l’humain qu’ils traitent comme des dossiers, va grandissant. On voudrait tant positiver, et du moins excuser les défaillances gouvernementales par la gravité de la crise. Mais certaines décisions, certaines attitudes mettent la capacité de compréhension et de tolérance des Français à rude épreuve.
Michel Taube