Joe Biden a 77 ans, elle en a 56. Depuis le 11 août dernier, date de sa désignation sur le «ticket» démocrate Biden-Harris, Kamala Harris, sénatrice de Californie, pourrait devenir la première femme vice-présidente des Etats-Unis. Fille d’un professeur jamaïquain et d’une chercheuse indienne, après des études en droit, elle devient, en 2010, la procureure générale de l’Etat de Californie. Popularisée et médiatisée grâce à ses auditions incisives au Sénat, notamment sur l’affaire des ingérences russes au titre de la précédente élection présidentielle, Kamala Harris s’est aussi fait connaitre en prenant position sur la question de l’insertion sociale des prisonniers et, surtout, contre la peine de mort. Moins à gauche (aux Etats-Unis, on dit « liberal ») que les autres prétendantes plus proches de Bernie Sanders, elle a fait de la défense des classes moyennes, et en particulier la lutte contre les discriminations raciales, l’un de ses chevaux de bataille. Sur ce dernier sujet, un thème qui n’a pas échappé au candidat démocrate, ayant enchaîné, au début de sa campagne des formules controversées en direction de la communauté afro-américaines[1]. Selon une enquête publiée en juillet dernier par The Conversation, seuls 47% des Noirs américains de moins de 30 ans avaient alors l’intention de voter pour le candidat démocrate[2]. Choisir une femme, si possible issue de l’immigration, constituait une priorité pour le candidat démocrate.
Prête à l’emploi
Joe Biden l’a dit : son choix s’est aussi porté en direction d’une personnalité expérimentée prête à prendre les rênes du pays tout en faisant avancer la cause des femmes, celles de minorités de couleurs en particulier. Femme politique expérimentée et, qui plus est, issue d’une minorité : le portait idéal d’une candidate pour faire bloc contre le candidat républicain. Cela suffira-t-il ? Avec le recul de ces quelques mois de campagne, il n’est pas faux de dire que Kamala Harris a fait une bonne campagne. Il y a d’abord son style, son look décontracté. En politique, lorsque tout est symbole, ses chaussures de sport, des Converse All-Star[3], lui donnent un évident air de décontraction : sérieuse sans se prendre au sérieux. Sur Instagram, 8 millions de vues le 9 septembre pour sa descente d’avion de la «candidate-aux-Converse », comme on la surnomme, lors de son arrivée à Milwaukee (Wisconsin)[4]. Avis des réseaux sociaux ? Cette femme est vraiment cool ! Nous sommes loin des tenues un brin trop sophistiquées de la candidate Hillary Clinton lors de la campagne 2016.
Future VP
A la lecture des propos des commentateurs politiques outre-Atlantique, il revient que Kamala Harris a globalement su trouver sa place auprès du candidat démocrate. Il sera le Président et elle la Vice-Présidente, pourrait être la formule qui résume le mieux ce partage du pouvoir entre les 2 prétendants à la Maison Blanche. En d’autres termes, à chacun sa place sans chercher, pour l’instant, à tirer la couverture à soi. C’est du moins l’impression qui domine en cette fin de campagne. Cible favorite du camp Trump (on se souvient que le candidat républicain faisant mine d’écorcher son nom[5]), elle répond coup pour coup aux attaques qu’elle reçoit, y compris en rappelant qu’elle est née à Oakland, près de San Francisco, façon de dire qu’il est inutile de venir la chercher sur ce terrain de ses origines familiales. D’où elle vient et ce qu’elle a fait, tout le monde le sait désormais alors que d’autres questions, celles-ci plus profondes, émergent : qui est-elle vraiment et où compte-t-elle aller ? Récemment, le San Francisco Chronicle a lancé une série de podcasts censés répondre à ces questions[6]. Si elle est élue, elle aura 4 années pour y répondre et parfaire les traits de sa personnalité politique. En 2024, elle aura 60 ans. L’âge idéal pour alors devenir la première femme Présidente des Etats-Unis. Hillary en avait rêvé, Kamala le fera peut-être.
Philippe Boyer
Philippe Boyer est un bloggeur reconnu en matière de numérique et d’innovation. Ses écrits paraissent régulièrement dans la presse économique et digitale : La Tribune, Les Echos, Forbes France, Opinion Internationale…
Conférencier et écrivain, Philippe Boyer est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les thématiques du numérique : « Ville connectée- vies transformées – Notre prochaine utopie ? » (2015) et « Nos réalités augmentées. Ces 0 et ces 1 qui envahissent nos vies » (2017). Il a publié son premier roman: « God save the tweet », paru aux Editions Kawa (mars 2019). Un roman qui met en scène la Reine Elizabeth II devenue éprise de numérique et tout particulièrement de Twitter.
[1] https://edition.cnn.com/2020/08/06/politics/joe-biden-clarifies-diverse/index.html
[2] https://theconversation.com/young-black-americans-not-sold-on-biden-the-democrats-or-voting-143884
[3] https://www.oprahmag.com/style/a34438196/kamala-harris-converse-sneakers-shoes/
[4] https://www.instagram.com/p/CHBVZ0gDFLm/
[5] https://www.forbes.com/sites/andrewsolender/2020/10/30/trump-repeatedly-claims-kamala-harris-cant-pronounce-her-own-name-correctly/?sh=635804ff3c72
[6] https://www.sfchronicle.com/politics/article/Chronicled-Who-is-Kamala-Harris-New-podcast-by-15664913.php