Article paru le 7 novembre 2020 à 12h30.
Il faudra sans doute compter et recompter les bulletins de vote, et même aller au bout du parcours judiciaire initié par Donald Trump avant que la victoire de Joe Biden soit confirmée, mais les lois de l’arithmétique sont implacables, et ne laissent qu’un infime doute quant à l’issue du scrutin.
Sauf énorme surprise et non moins énorme triche, ce sera donc… Barack Obama, pardon, Joe Biden, qui s’installera à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain. A bien des égards, cette élection marquerait alors le grand retour d’Obama dans le jeu politique national et international d’une Amérique certes très divisée, mais pas nécessairement plus que dans les années 50 et 60, où le pays se disloquait entre émeutes raciales et révoltes contre la guerre du Vietnam.
Barack Obama, au bilan pourtant aussi mitigé que celui de Donald Trump, conserve une aura quasi mystique dans une grande partie de l’Amérique et du monde. Le passé ne peut être réécrit, mais il est raisonnablement permis de penser que Joe Biden se serait tranquillement dirigé vers une retraite politique bien méritée si Barack Obama n’avait fait de lui son vice-président durant les huit années de son double mandat. Politiquement et idéologiquement, les deux hommes ont toujours été proches, ce qui laisse augurer d’une continuité politique, interrompue par la parenthèse Trump.
Tout chef d’État est soumis à d’innombrables influences. Les conseillers du prince pullulent toujours dans les allées du pouvoir. Donald Trump écoutait son clan et, nous dit-on, ceux qui savaient attendre la fin d’une réunion pour avoir le dernier mot. Mais surtout, il s’écoutait lui-même.
Avec Joe Biden, Barack Obama n’aura pas à être présent, ni même à s’exprimer. Son ombre planera perpétuellement sur la Maison-Blanche. Biden pourrait être le père d’Obama, mais politiquement, ce serait plutôt l’inverse, du moins en termes de réussite au sommet de l’Etat. Biden doit sa renaissance à Obama. Il lui doit finalement son accession à la présidence, pour laquelle huit années de vice-présidence se seront révélées, contre toute attente et toute logique, être un tremplin. Sans ce passé, et donc sans Obama, jamais les démocrates n’auraient choisi un tel candidat et les Américains un président dont on suppose qu’il n’effectuera qu’un seul mandat.
Bien sûr, Joe Biden consultera parfois directement Barack Obama. Mais il ne pourra faire comme si quatre années ne s’étaient écoulées, et que l’Amérique n’avait pas été remodelée par Donald Trump. Cette parenthèse, si courte fût-elle, laissera des traces. Le parti démocrate est aujourd’hui plus à gauche qu’à l’époque où Obama dirigeait l’administration. Mais ce n’est pas pour autant que Biden pourra réinstaurer une assurance santé de type « Obama care », ou que les États-Unis resigneront demain matin un accord de pseudo-dénucléarisation avec l’Iran.
Conseiller de l’ombre ou tuteur idéologique, Barack Obama sera plus que jamais un influenceur de l’ère Biden qui s’ouvrira vraisemblablement le 20 janvier 2021, à la fois ère de transition et ultime chapitre de son propre récit politique.
Michel Taube