Ah les couchettes SNCF ! Que de souvenirs, que de nostalgie. Les colos, les premiers émois amoureux, l’aventure…
La magie des trains de nuit peut aussi rimer avec le luxe des trains prestigieux, comme l’Orient-Express, trains dans lesquels nous vous convierons une prochaine fois.
Les voitures-couchettes ne sont pas réservées aux jeunes. D’ailleurs, à leur lancement en 1897, elles ne furent accessibles qu’aux passagers de 1ère classe. Il s’agissait en fait de voitures-lits, offrant un appréciable niveau de confort. Par la suite, les trains de nuit furent empruntés pour des raisons pratiques, car ils évitent la perte de temps d’un long voyage en journée, à une époque dépourvue de TGV.
Si, outre l’aspect pratique, les moins jeunes peuvent se laisser séduire par le doux bercement du train de nuit, il est vrai que le confort assez spartiate des étroites couchettes SNCF, la promiscuité, avec six personnes par compartiment en seconde classe, l’escalade vers les cimes des étages supérieurs (trois couchettes superposées) et les désagréments sonores (certains ronfleurs font trembler les vitres !) et parfois olfactifs qui en découlent, ne contribuent pas à séduire les plus tout à fait jeunes ! Eux préféreraient les voitures-lits, plus confortables, et non modulables (ils ne peuvent se transformer en banquette diurne).
Avec l’avènement du TGV et d’autres trains à grande vitesse en Europe, les voitures-lits et wagons-couchettes sont peu à peu tombés en désuétude, le coup (presque) fatal ayant été donné en France par l’avènement des « cars Macron » en 2015, s’ajoutant au développement du covoiturage et à la compétitivité des offres aériennes.
Pourtant, le train de nuit ne veut pas mourir. En avril 2017, la SNCF organise un voyage nocturne associant notamment des entrepreneurs et des stylistes pour repenser le train de nuit, de la décoration aux services à bord. En juillet le train Paris-Portbou est même remis en service. Mais l’embellie est fragile. En décembre, le nocturne Paris-Nice est arrêté. L’avenir semble s’assombrir irrémédiablement, la rentabilité n’étant pas au rendez-vous.
Alors que le matériel atteint le stade ultime de la vétusté, les funérailles du train de nuit semblent inéluctables… lorsqu’arrive le coronavirus ! Ou plus exactement le plan de relance gouvernemental faisant suite au confinement de la première vague de l’épidémie. Non seulement les deux lignes encore en service, Paris-Briançon et Paris-Rodez, ne seront pas condamnées, mais le train de nuit Paris-Nice sera ressuscité et le Paris-Tarbes-Hendaye inauguré, tous deux d’ici 2022, grâce à une enveloppe budgétaire de 100 millions d’euros pour renouveler le matériel.
Ministre de l’Économie, Emmanuel Macron avait été l’un des fossoyeurs des trains de nuit avec ses fameux cars. Devenu président d’un pays dont l’économie doit être relancée et dont l’écologie est devenue une préoccupation majeure, il annonça le 14 juillet dernier le nouveau départ de ce mode de transport, pour “faire des économies” et réduire nos émissions de CO2.
Malgré la montée en gamme des équipements (qui seraient en partie achetés ou loués aux chemins de fer autrichiens), ce sont évidemment les jeunes qui sont ciblés par le programme de renaissance des trains de nuit, tellement plus glamours et écolo compatibles que les bouffeurs de kérosène volants. Quoi de plus romantique que d’émerger de son sommeil au petit matin, de mettre un nez à la fenêtre pour voir le soleil se lever sur le littoral ou sur les cimes enneigées, et avec la satisfaction d’une empreinte carbone réduite. Et peut-être suivra quelque rencontre autour d’un premier café…
On peut aussi louer tout un compartiment pour un voyage en groupe, ou pour être seul au monde, si on en a les moyens. Une croisière ferroviaire, en quelques sortes, ce qui nous rapproche des trains de légende.
Voyager en train de nuit, c’est aussi aborder différemment le temps qui s’écoule, dans ce monde du rush, de la vitesse et de l’instantanéité. Alors bien sûr, les vagues successives de Covid n’incitent guère à partager un compartiment de train avec d’autres passagers. Par le truchement du plan de relance post Covid 1 (il n’en reste plus que 18 devant nous…), la nuit veut à nouveau laisser les trains s’engouffrer dans ses mystères. Par celui des Covid et suivants, elle pourrait être contrainte de les laisser à nouveau à quai. Mais sans doute pas au rebut ou à la casse.
Entre écologie et glamour, la couchette SNCF, même un peu embourgeoisée, n’a pas dit son dernier mot. Elle nous transportera encore, dans tous les sens (et tous les sens du terme) lorsque le coronavirus nous aura quittés ou aura été terrassé.
Raymond Taube