Edito
12H06 - mardi 17 novembre 2020

Jean Castex ou le fusible qui ne peut sauter. L’édito de Michel Taube

 

C’est une éternelle histoire sous la Vème République… Le premier ministre est tantôt le fusible tantôt le premier collaborateur chef de l’Etat… Jean Castex n’y échappe pas, bien malgré lui…

Conseil de défense, conseil des ministres, conseillers spéciaux, présidents des assemblées parlementaires, députés et sénateurs, dirigeants du parti majoritaire… Un président de la République reçoit avis et conseils à longueur de journée, auxquels il faut ajouter ceux de ses proches, amis, familles et évidemment conjointe… En plus de tout ce beau monde, les médias et les sondages, les partenaires sociaux, les lobbies divers, parfois la rue ou les événements extérieurs guident les choix de celui, qui sous la cinquième République, est aussi seul que puissant au moment crucial, celui de la décision. Nul besoin, comme la Chancelière allemande, de solliciter l’accord du Parlement avant d’agir, pour le meilleur ou le pire. Comme le disait Nicolas Sarkozy à BFMTV la semaine dernière, « les conseillers ne sont pas les payeurs » et s’il avait écouté ceux qui l’entourent, il n’aurait jamais rien décidé.

On dit que pour Donald Trump, hors son clan de fidèles, c’est le dernier qui parle qui a le plus de chance de se faire entendre. Et pour Emmanuel Macron ? Nous n’avons pas mentionné le Conseil scientifique, si influent en ces temps de pandémie que certains évoquent de façon excessive la dictature sanitaire, celle des pontes hospitaliers, que serait devenue la France.

Le président de la République a donc décidé de sacrifier de nombreux commerçants, petits et moyens de taille, sur l’autel sanitaire, envoyant son Premier ministre, notamment flanqué du ministre de la Santé, expliquer la stratégie gouvernementale (en réalité, présidentielle) à l’opinion. Sauf que Jean Castex, personnage pagnolesque proche du peuple il y a quatre mois apparaît aujourd’hui comme grand maître de la bureaucratie sans âme à une opinion publique (et à des médias) que son accent du sud-ouest a déjà lassé. Il n’y a pas que les journalistes qui « lèchent, lâchent puis lynchent », selon la célèbre formule. Les idoles sont une espèce hautement inflammable, et Jean Castex, qui n’en fut pas vraiment une, a vu sa popularité dégringoler à une vitesse vertigineuse, alors que celle d’Emmanuel Macron retrouvait quelque emphase si, et seulement si, on en croit les sondages. Ce n’est pas très juste pour notre Premier ministre, car chacune de ses décisions a nécessairement reçu l’aval de Jupiter. Lorsque Édouard Philippe était à Matignon, il donnait moins l’impression d’être un simple exécutant, surtout quand sa popularité était au zénith, au grand dam d’Emmanuel Macron aussi au zénith, mais de l’impopularité.

Traditionnellement, sous la Vème République, le Premier ministre a vocation à protéger le président, à lui servir de fusible dans les temps les plus difficiles. Durant les deux terribles crises qui ont précédé la pandémie, les Gilets jaunes et leurs blackblocks, puis les mouvements sociaux contre la réforme des retraites, le fusible n’a pas sauté, malgré la surchauffe électrique. Le débarquer en pleine première vague de Covid eut été délicat, mais le fiasco macronesque des élections municipales donna au chef de l’État une occasion de bidouiller son tableau électrique. Exit Édouard Philippe. Jean Castex ne lui fera pas d’ombre. Sans expérience politique nationale, peu connu du microcosme et inconnu du grand public, il prendra tous les coups. Mais il en prend tellement que le bouclier du président, qu’il est censé incarner, risque de se fissurer.

Lundi matin, le ministre de l’Économie Bruno Lemaire est venu faire l’article sur un plateau de télévision où le gouvernement se fait étriller tous les jours : « L’heure des pros », émission quotidienne de Cnews animée par un Pascal Praud, qui n’a pas l’habitude de faire des cadeaux à ses invités. Au bénéfice d’une fragile stabilisation de l’épidémie, et sans doute conscient que le respect d’un protocole sanitaire adapté permettrait la réouverture des commerces en risque de faillite, ce poids lourd du gouvernement (trop lourd et ambitieux pour être nommé à Matignon) nous a indiqué que cette réouverture était probablement une question de jours et non de semaines. À Castex les mauvaises nouvelles et le costume de père Fouettard. À Macron celui du père Noël, qui avec ses assistants ministériels va distribuer les cadeaux. Or selon France Info les restaurants ne rouvriront pas avant le 15 janvier 2021. Encore et toujours le « en même temps » macronien et les injections paradoxales incessantes.

Jean Castex devait être le Grand Intendant de la République : à nouveau les modalités d’application des mesures prises au château ont pêché !

De toutes manières, à moins d’un an et demi de la prochaine présidentielle, on n’imagine pas un nouveau changement de Premier ministre. Emmanuel Macron devrait peut-être éviter un excès de surtension sur le fusible Castex, sans quoi c’est toute l’installation électrique qui pourrait flamber. L’heure n’étant plus au changement de casting, sauf si le dernier choix s’avérait une immense erreur et un boulet en vue de la prochaine échéance de 2022, le maître de cérémonie devra soigner et orchestrer parfaitement le ballet des interventions ministérielles, à commencer par celles du premier d’entre eux. Car fusible certes, mais pas mèche qui allumerait le pétard d’une déflagration politique au plus grand bénéfice des extrêmes.

 

Michel Taube

 

 

 

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