Edito
11H18 - mercredi 18 novembre 2020

« Faut-il massacrer un pays pour sauver 30.000 vies ? » L’édito de Michel Taube

 

 En 2020, les arrêts maladie longue durée ont été bien plus nombreux qu’en 2019. E les problèmes de santé psychologiques ou musculo-squelettiques ont particulièrement augmenté. C’est ce que révèle une étude menée par Malakoff Humanis.

En Belgique, une enquête menée auprès des 12-18 ans pendant la pandémie révèle aussi qu’un jeune sur cinq a présenté une symptomatologie de dépression pendant le confinement. 

Bref, on serait en train de « massacrer un pays pour sauver 10, ou 20, ou 30.000 vies » ? Telle est l’affirmation, et non la question, du professeur Michaël Peyromaure, chef du service d’urologie de l’hôpital Cochin à Paris, invité de la matinale de Cnews mardi 17 novembre 2020.

La question peut choquer, dans un monde occidental, surprotégé et aseptisé, où la vie est sacralisée (sauf pour les islamistes qui sacralisent la mort suivie de luxure). Même la guerre doit se mener sans morts, sauf bien sûr chez l’ennemi ! Nous sommes heureusement loin des batailles du passé, des boucheries de la Première Guerre mondiale, où l’on pouvait sacrifier des dizaines, voire des centaines de milliers de jeunes pour conquérir une colline.

Face au coronavirus, nous sommes en guerre, disait notre président. Lorsque la grippe de Hong Kong tua 31.000 personnes en France, en deux ans (dont 17.000 entre décembre 1969 et janvier 1970), sur une population totale d’environ 50 millions de personnes, ni les pouvoirs publics ni les médias n’évoquèrent une quelconque guerre, et il ne fut question d’aucun confinement ou autres restrictions.

Aujourd’hui, qu’il s’agisse de guerre au sens militaire ou d’épidémie, chaque mort est insupportable, du moins tant qu’on ne dépasse pas un seuil au-delà duquel l’arithmétique mortuaire ne choquerait plus : « La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique », avait dit Joseph Staline. Une affirmation aussi monstrueuse que son auteur, mais qui manifestement a donné des idées à certains…

La question posée par Michaël Peyromaure est-elle un affront à nos valeurs civilisationnelles ? Si l’on poussait le raisonnement à l’extrême (certains le font à voix basse), on basculerait dans une approche darwinienne : seuls survivront les plus forts, ou ceux qui possèdent les meilleures facultés d’adaptation à l’évolution. Certains sont plus cyniques encore : une société débarrassée de ses vieux et malades qui ne produisent rien et qui coûtent chers aux contribuables, ne serait-elle pas plus saine, plus dynamique ? Ce raisonnement digne du IIIème Reich, procède de l’eugénisme, si ce n’est que c’est le coronavirus et non le généticien qui se chargerait de l’ignoble sélection. Les complotistes du non-documentaire « Hold-up » pensent que les grands de ce monde veulent même éliminer 3,5 milliards de pauvres… Où va-t-on ?

Le professeur Peyromaure n’est pas plus eugéniste ou nazi qu’est complotiste celui qui affirme que malheur est toujours bon pour quelqu’un, qu’il soit marchand d’armes, vendeur de parapluies ou de médicaments. L’échec de notre gouvernement et de quelques autres à travers le monde réside notamment dans l’incapacité à protéger les plus fragiles, ce qui implique toutefois une restriction de leurs libertés que lesdits fragiles ne semblent pas disposés à accepter. L’opposition entre sécurité et liberté n’est pas nouvelle, et la meilleure manière de protéger ceux qui doivent l’être prioritairement est de les associer à cette mission dans leur propre intérêt et dans l’intérêt commun. Ceci exige une décentralisation, non seulement territoriale, mais également sanitaire, car la médecine, en particulier préventive, ne peut reposer sur le seul hôpital sanctifié par l’exécutif, tout particulièrement depuis le début de l’épidémie.

Il est parfaitement légitime de s’interroger sur les conséquences multiples des mesures de confinement, même dans une approche exclusivement sanitaire, comme c’est hélas souvent le cas des mandarins hospitaliers qui ne semblent avoir en ligne de mire que les capacités de réanimation.

Le nombre de dépressions, « le mal du siècle », a donc explosé ces derniers mois. Car le chômage et la misère sont des maladies qui peuvent également tuer ou gravement porter atteinte à la santé. Les malades qui ne se soignent plus, les femmes et les enfants battus, parfois à mort, les suicides de commerçants ruinés, les dépressions qui déjà se multiplient… Comment sont-ils comptabilisés, et pourquoi sont-ils ignorés par les grands sages hospitaliers, comme les membres du Conseil scientifique ?

Hier, débloquer quelques milliards d’euros pour répondre aux demandes des gillet jaunes était un extraordinaire tour de force, à tort ou à raison. Les centaines de milliards que coûtera au final la crise du Covid-21 devront être payés tôt ou tard, et cela ne se fera pas sans douleur.

« Quoi qu’il en coûte » avait affirmé solennellement Emmanuel Macron. Quoi qu’il en coûte au contribuable, aurait-il dû préciser.

Et quoiqu’il en coûte aux Français, y compris en termes de santé globale.

Toute vie est sacrée et mérite de tout faire pour être sauvée. C’est le sens de l’acte médical. Mais une politique de santé publique qui n’appréhende que les maux et les pathologies échouera nécessairement. Prévenir vaut toujours mieux que guérir !

 

Michel Taube

 

 

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