Il y a quelques mois, on s’intéressait aux candidats alternatifs ou marginaux qui pourraient tenter de se présenter à la prochaine élection présidentielle. L’un d’eux, Jean-Marie Bigard, richissime comique qui voulut faire peuple et même le représenter sous la bannière Gilets jaunes, fut éconduit sans aucun ménagement lors d’une manifestation du mouvement, et ramené à sa miséreuse condition de faux pauvre. Exit Bigard, lui qui en juillet se voyait en nouveau Coluche faisant trembler Emmanuel Macron, et qui en septembre rentrait dans le rang, sans gloire ni panache. La place jaune étant libre, c’est un leader de mouvement social devenu anarcho-gauchiste, Éric Drouet, dont on sent qu’entre l’extrême gauche et l’extrême droite, son égo chavire, qui a déclaré vouloir entrer à l’Élysée par les urnes, après avoir espéré faire d’Emmanuel Macron le nouveau Louis XVI, lui valant illico presto l’admiration de Jean-Luc Mélenchon. Peut-être que d’ici 2022 Mélenchon se retirera de la course à la présidentielle et appellera à voter Drouet qu’il encensait il y a deux ans.
Depuis la rentrée, la tonalité a changé : les pros entrent en scène ! Certes, Marine Le Pen avait annoncé sa candidature dès janvier. Mais ces derniers mois, le bal des prétendants commence à ressembler à une rave party. Après la candidate d’extrême droite, c’est l’autre ténor du populisme, le grand admirateur islamogauchiste des dictateurs marxistes, Maximo Mélenchon qui se présente officiellement, en mettant en scène un pseudo plébiscite sur internet. Comme à chaque présidentielle, plusieurs candidats façon “travailleuses, travailleurs, le grand capital vous spolie” crieront au scandale et à la fin du monde (capitaliste), grappillant au leader de la France très soumise de précieuses voix.
La répétition de l’édition 2017 de la présidentielle nous est annoncée par des sondages qui prêtent à des doutes certains, avec la même issue, mais avec un écart moindre. Après le double uppercut Gilets Jaunes – réforme des retraites, et avant même le Covid, on se disait qu’Emmanuel Macron n’était peut-être pas totalement assuré de sortir du chapeau du premier tour, hypothèse qui aiguise évidemment de nombreux appétits. En revanche, Marine Le Pen semblait assurée de jouer une seconde finale consécutive.
Aujourd’hui, la voilà à son tour déstabilisée, critiquée dans ses rangs. La cheffe se rebiffe : Gilbert Collard et Nicolas Bay exclus de la commission d’investiture, Jean Messiha viré… À l’extérieur du parti, Nicolas Dupont-Aignan ou Robert Ménard rêvent d’une grosse part d’un gâteau, dont ils ne peuvent au mieux espérer glaner que quelques miettes, tout comme les inamovibles Jean-Frédéric Poisson ou François Asselineau, le souverainiste qui sait réciter article par article tout le traité de Maastricht.
Plus dangereux pour Marine Le Pen pourrait être le général de Villiers, qui étale sa science du commandement dans des livres qui sont autant de succès de librairie (surtout Amazon en ce moment), et qu’un sondage crédite d’un potentiel de 20 % des voix. Un général contre la chienlit, certains attendent cela depuis longtemps !
À droite, c’est d’abord Xavier Bertrand qui, sans franchir ouvertement le Rubicon, se penche sérieusement au-dessus du fleuve élyséen avec un discours bien huilé qui combine question sociale et exigence sécuritaire, sous l’œil de Valérie Pécresse qui réfléchit tout haut elle aussi. Sur la même rive, mais à bonne distance, Bruno Retailleau, cette fois fort ou faible de son « encartement » LR, plonge plus nettement dans la mare préélectorale. Rachida Dati a déclaré au journal britannique Times qu’elle se verrait bien à l’Élysée en 2022 et parfois elle dit soutenir Xavier Bertrand. Beaucoup plus loin encore, Édouard Philippe observe le manège avec ses jumelles, au cas où tous ceux qui se jettent à l’eau ne sauraient pas nager !
À gauche, la madone de Paris, Anne Hidalgo, qui reconnaît aujourd’hui avoir été élue grâce à l’appui de Verts non républicains, dit vouloir prendre sa part au débat (pour gouverner avec les mêmes non-républicains ?). Arnaud Montebourg, Monsieur bleu blanc rouge de gauche, veut également s’engager en défendant le souverainisme et le rétablissement des frontières. Quelques éléphants du PS, comme Christophe Cambadélis, aimeraient aussi patauger dans la mare, mais pour la première fois, ce parti ne peut qu’espérer être une force d’appoint de l’extrême gauche, ou d’une de ses composantes désormais essentielles, les Verts pastèque (rouges dedans), qui n’ont pas encore choisi leur candidat. Yannick Jadot postule, mais devra se rougir pour séduire un parti EELV, qui, au niveau municipal, brille par son absurdité.
Reste l’hypothèse des sauveurs de l’apocalypse, les deux anciens présidents Sarkozy et Hollande. Le premier est redevenu populaire. Mais on peut compter sur les juges pour lui faire traîner ses boulets judiciaires suffisamment longtemps pour empêcher tout retour, si tant est que l’intéressé l’envisage. Quant à François Hollande, il semble être le seul à rêver d’un retour. Certes, il n’a pas été battu, mais il demeurera le fossoyeur du parti socialiste, quand bien même celui-ci se serait lui-même sabordé sous les coups de ses frondeurs.
Des frondeurs, il y en a désormais partout, y compris au sein de la macronie. Le président sortant sera-t-il candidat à sa propre succession ? Sa récente embellie dans les sondages devra être confirmée. Il s’est choisi un Premier ministre qui, dans la bonne vieille tradition de la Vème république, prend les coups à sa place. Mais trop point n’en faut, sans quoi le premier de cordée pourrait être entraîné dans la chute. Macron ira-t-il ? N’ira-t-il pas ?
Le show ne fait que commencer…
Michel Taube