Edito
13H01 - mercredi 25 novembre 2020

Le retour du maître des horloges. L’édito de Michel Taube

 

 

Au début du quinquennat, Emmanuel Macron aimait se considérer comme le maître des horloges, celui qui donne le tempo de l’action publique, le gouvernement devant être au diapason. C’était faire peu de cas de l’administration, électron plus libre qu’il ne devrait dans ce pays sous gouverné et sur-administré, mais aussi de ce corporatisme endémique, de ces syndicats parfois extrémistes (ce qui serait interdit en Allemagne et dans de nombreux pays), plus généralement de ces fameux Gaulois, parfois de jaune vêtus, dont la réputation est d’être d’ingérables râleurs. L’horloge libérale, dont Emmanuel Macron se croyait donc le maître, se déréglait à mesure que l’on changeait d’espace-temps, entrant une dimension plus sociale, plus interventionniste, plus étatique.

Le Covid-19 ne fit qu’accélérer ce dérèglement, tout en obligeant un président (en apparence) ultra libéral, celui d’une France et d’une Europe des start-up, à endosser le costume de chef d’un État protecteur. De quelques milliards débloqués dans la douleur après une insurrection jaune qui fit vaciller la république, Emmanuel Macron passa au « Quoi qu’il en coûte » dès l’annonce du premier confinement. En quelques sortes, il mit les pendules à l’heure, ou du moins se mit à l’heure nouvelle, celle d’une crise sans précédent dont l’enjeu était et est toujours de ne pas provoquer un désastre économique pour éviter une hécatombe sanitaire.

Ce soir du 24 novembre, à un mois jour pour jour du réveillon de Noël, auquel les Français vertueux auront droit (mais pas en vacances, notamment dans les stations de sport d’hiver qui risquent fort d’être fermées), Emmanuel Macron a dévoilé le calendrier de l’avent. L’avent est en l’occurrence l’avant-déconfinement partiel, annoncé pour le 15 décembre, puis total, qui devrait intervenir le 20 janvier… si tout se passe comme espéré. Car même si le président veut donner le sentiment qu’il est à nouveau le maître des horloges en situant son action dans le temps, en communiquant aux Français un calendrier, il n’ignore pas que ce satané virus peut dérégler et même gripper l’horloge. Le virus, mais aussi le comportement des Français, est lui-même grandement influencé par l’action du gouvernement qu’il dirige, même si l’article 20 de la Constitution dispose que telle est la fonction du Premier ministre. L’heure n’est pas au débat juridique, mais il est clair qu’il y a ceux qui proposent et celui qui dispose : le président de la République.

S’acharner sur le gouvernement est devenu l’exercice favori sur la terre entière (à voix basse dans les dictatures). Partout, les incohérences de la gestion de l’épidémie de Covid-19, depuis bientôt un an (déjà), font couler plus d’encre et jaillir de postillons (d’abord sur autrui, puis sur la surface interne des masques !) que n’importe quel autre sujet.

Les annonces du président de la République, et plus encore ce qu’en feront son gouvernement et notre administration malade de sa bureaucratie, susciteront de nombreuses interrogations et critiques. La question centrale, pas seulement en France, est celle de la cohérence du dispositif.  Pourquoi les stations de sports d’hiver ouvrent-elles en Autriche et en Suisse, mais pas en France et en Allemagne ? Pourquoi les bars et restaurants ouvrent au Royaume uni et en Espagne, ferment en Californie et restent clos en France ?

Ici, l’Élysée a dû arbitrer entre deux approches, deux priorités : Olivier Véran, ministre de la Santé, médecin de son état et très à l’écoute du Conseil scientifique, n’a pas la même vision que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, plus sensible au risque d’un désastre économique et social qui serait également lourd de conséquences sur la santé de nombreux Français. Emmanuel Macron ne tranche pas. Ce serait contraire à son principe de gouvernance : “en même temps” ! Les commerces vont donc pouvoir ouvrir, mais en respectant un protocole sanitaire si contraignant sur un point essentiel qu’il augmentera le risque de contamination sans sauver les commerçants : ils devront respecter, si cela est confirmé, une jauge de 8 mètres carrés par client, conduisant à des files d’attente qui pourront se chevaucher dans les rues plus commerçantes. Les commerçants sont vent debout contre cette jauge excessive, à commencer par Francis Palombi, président de la Confédération des Commerçants de France.

Une incohérence en remplace une autre, celle de fermer certains commerces au motif qu’ils ne seraient pas essentiels, tout en laissant les Français s’agglutiner dans les autres, les grandes surfaces en particulier, et les transports en commun.

La simplicité et la cohérence voulues par Emmanuel Macron ne se retrouvent pas dans d’autres mesures restrictives, à l’efficacité plus que douteuse : pour la promenade (comme pour les prisonniers) on passe de 1km/1h à 20km/3h, sauf pour les réveillons de Noël et Nouvel An. Autre singularité française : les attestations, qu’aucun autre pays n’a adoptées.

Comment à chaque intervention, le chef de l’État a promis que cette fois, la méthode « tester-alerter-protéger », à laquelle il a ajouté « traiter » sera efficiente, notamment grâce à l’application TousAntiCovid, au dépistage en moins de 24 heures à partir de janvier, à l’isolement contraint (comment ?) des personnes contaminées, à l’implication des médecins de ville (un progrès, si cela se vérifie, mais quid des pharmaciens et des infirmiers ?). Il n’a même pas prononcé le mot « prévention ».

Il a aussi indiqué que le futur vaccin ne serait pas obligatoire, suivant l’avis dominant dans la classe politique et parmi les scientifiques. N’aurait-il toutefois pas été plus sage de différer cette annonce, eu égard aux nombreux réfractaires à la vaccination qui pourraient compromettre son efficacité globale ?

Emmanuel Macron a totalement occulté une donnée fondamentale de sa politique, qui commence à inquiéter l’OCDE et l’Union européenne : le flot de milliards qu’il s’est encore engagé à déverser sur les entreprises, sans garantir leur survie, et sur des particuliers, de plus en plus nombreux à tomber dans la pauvreté, devra tôt ou tard être payé. Mais par qui et quand ? En plus, cette manne ne suffira pas à sauver des milliers de restaurants, de bars, de salles de spectacles ou de sports. La France n’aura pas le même visage à la fin de la crise sanitaire.

On croirait parfois que le maître des horloges joue au Monopoly.

 

Michel Taube

 

 

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