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12H00 - jeudi 3 décembre 2020

Mai 1981 : quand la jeunesse oublia que Giscard lui donna le droit de voter pour Mitterrand

 

Mai 1981.  A l’Institut d’études politiques (Sciences Po.) de Strasbourg, durant une « conférence de méthode » (terme pompeux pour désigner les TD), un prof de droit constitutionnel organise un vote à main levée peu avant le second tour de l’élection présidentielle. Une voix pour Giscard, celle d’un encarté « Jeunes Giscardiens » ! La jeunesse, la modernité, c’était Mitterrand. Le soir du 10 mai, après le triomphe de « tonton Mitterrand » (peut-être le plus monarchique des présidents de la Vème République), la jeunesse, et pas seulement elle, faisait la fête. On retrouva même notre professeur d’économie, ancien réfugié politique chilien, à la Mairie de Schiltigheim, alors fief du PS, allongé à même le sol, ivre (et pas seulement de joie), chantant avec l’accent de son pays « c’est la revolutzion ! ».

Cette jeunesse avait oublié que sans VGE, qui avait instauré la majorité à 18 ans, elle n’aurait pas pu voter aussi massivement (pour Mitterrand). Oubliés la dépénalisation de l’avortement, le remboursement de la pilule, le divorce à l’amiable, les mesures contre la discrimination professionnelle des femmes (notamment pour accéder à la fonction publique). Oubliés aussi l’avancée de la construction européenne (alors un grand dessein), les lois en faveur des handicapés, le droit des parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel, la refonte totale de l’audiovisuel. Oublié son positionnement centriste qui lui valut, comme un lointain successeur, d’être la cible de presque toutes les droites et toutes les gauches au moment où le vent commença à tourner.

Le président le plus réformateur, le plus moderne et peut-être le plus brillant de la Vème République, hors l’intouchable général de Gaulle, était devenu l’aristo ringard et corrompu (l’affaire des diamants de Bokassa) totalement éloigné du peuple, et qui tentait par des gadgets (visites impromptues de Français, ski, accordéon…) à « faire peuple ».

Nous voulions la modernité. Nous avons eu les communistes au gouvernement, puis Bernard Tapie (le fric, c’est chic). Tant de déçus du socialisme, tant de gueules de bois lorsque le réel reprit le dessus.

Giscard, on l’oublia. On était passé à autre chose. Il eut une seconde vie politique, très européenne, mais il ne conquit plus les cœurs. On pardonne tout, ou presque, aux morts. Giscard n’a finalement pas grand-chose à se faire pardonner. Pas même le regroupement familial, car s’il s’avérait nuisible ou inopportun, il appartenait à ses successeurs de l’abroger. Finalement, c’est la forme qui coûta à Giscard sa réélection en 1981. La com’ et la forme qui priment le fond. N’est-ce pas l’ultime marque de modernité ?

 

Raymond Taube

Directeur de l'IDP - Institut de Droit Pratique

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