La campagne Ensemble prévention Covid qui démarre aujourd’hui, sous l’égide d’Opinion Internationale et de nombreuses organisations professionnelles de santé et de la société civile, vise à remettre l’église Prévention au milieu du village Santé.
À court terme, pour éviter un troisième, puis un quatrième confinement. À long terme, pour changer radicalement de paradigme sanitaire.
La logique budgétaire, qui a conduit à la fermeture de nombreux lits d’hôpitaux, aurait fait sens si elle avait été accompagnée d’une politique préventive volontariste, comme annoncée par le candidat Macron devenu Président. Nous n’avons plus les lits, mais nous avons toujours les malades, et nous en avons encore plus depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19. Ce bilan est le triste résultat du défaut d’une vraie politique de prévention.
La prévention, ce n’est pas une abstraction théorique. Elle a permis de réduire drastiquement les accidents de la route. « Un petit clic vaut mieux qu’un grand clac », était le slogan de la campagne en faveur de la ceinture de sécurité en 1975. Le temps est venu de multiplier les clics, car rien que ces dix derniers mois, nous avons eu droit à de nombreux et de très graves clacs : des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de chômeurs, des faillites en masse, des secteurs entiers ravagés, et le désespoir qui s’installe, avec son lot de dépressions, de rancœurs, d’exaspérations. On sent le feu qui couve. Il peut déclencher une explosion sociale et peut-être une crise politique. Et après…
La prévention n’est pas, ou si peu, l’affaire de l’hôpital, dont le rôle est de soigner les cas les plus graves. Sa saturation et ses dysfonctionnements sont largement le résultat de l’absence de prévention. Celle-ci repose sur toute la chaine sanitaire, ces innombrables professionnels de santé ignorés, snobés, méprisés depuis le déclenchement de la pandémie.
La prévention, c’est parfois aussi simple que les gestes barrière, comme porter un masque ou se laver les mains. Encore faut-il savoir le porter et les laver comme il faut, ce que seule une éducation à la santé doit permettre de transmettre. C’est aussi simple que l’hygiène de vie, une alimentation saine et un peu d’exercice physique, au bénéfice d’une considérable diminution du risque cardio-vasculaire et celui de contracter un cancer. Ce n’est pas l’hôpital qui va conseiller le bien-portant ou le patient léger, et le guider sur cette voie. C’est le médecin de ville, l’infirmier, le pharmacien, le kinésithérapeute et les autres soignants.
C’est encore plus vrai s’agissant de la prévention immédiate de la Covid-19. Même le vétérinaire, lorsqu’il reçoit un client pour s’occuper de son animal préféré, a fortiori présentant un risque particulier, peut l’informer, le guider. Il devrait aussi pouvoir le tester et l’aider à organiser son isolement temporaire s’il est positif, ou sa prise en charge sanitaire, s’il présente des symptômes. Renoncer à s’appuyer, dès aujourd’hui, sur ces professionnels, c’est sacrifier des vies, des entreprises, des emplois sur l’autel de l’omnipotence de l’hôpital et de ses mandarins, en particulier ceux de la réanimation.
Le 10 décembre, le Premier ministre Jean Castex a annoncé le report de l’ouverture des salles de spectacles et le renforcement du couvre-feu. Comme les rassemblements à l’occasion des réveillons de Noël et du Jour de l’An sont inévitables, et que la situation dans les transports en commun est désastreuse, ce que les pouvoirs publics refusent de voir en s’abritant derrière le fallacieux prétexte de l’absence de preuve de cluster, nous risquons bien de nous acheminer vers un troisième confinement en janvier. Il risque même d’être plus strict, et économiquement, socialement et psychiquement plus dévastateur que les deux précédents.
Jean Castex persiste à appeler à la mobilisation de tous mais dans les faits, par la lenteur et la partialité des moyens déployés, la guerre contre le coronavirus est en train de se faire en laissant trop démunis ses premiers fantassins et ses premiers de cordée.
Quant à la prolongation de la fermeture des établissements accueillant du public, établissement dont le gouvernement refuse d’examiner les protocoles sanitaires qu’ils proposent, lesquels pourraient à l’avenir être co-construits avec les organisations de professionnels de santé, elle apparaît de plus en plus inéquitable et même arbitraire. Une fois encore, nous invitons messieurs Macron, Castex ou Véran à emprunter un métro, un RER ou un bus aux heures de pointe. Mais ils auraient bien trop peur de contracter la Covid-19 ! Avec l’entassement et la saleté croissante qui y règnent, avec tant de personnes sans masque ou en le portant sous le nez ou le menton, les transports publics ne peuvent être que de véritables bouillons de culture, où aucun contrôle n’est jamais effectué par la police ou, à Paris, par la RATP. Dans ces conditions, comment accepter la fermeture des salles de spectacle, des cinémas, des salles de sports ou des restaurants ?
Monsieur le président de la République, le jour est venu de tenir votre promesse de privilégier la prévention, car en vous appuyant sur tous les professionnels de santé, nous pourrons bien mieux endiguer cette seconde vague de Covid-19, et éviter la troisième, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Ensemble contre la Covid-19 : c’est maintenant !
Raymond Taube