Il est un lit que le partenaire de cette Saga du lit, Maison de la literie, ne vendra sans doute jamais dans ses magasins : le lit de fakir ! Encore que… Peut-être cet article convaincra-t-il son fondateur, Pierre Elmalek, des vertus de ce matelas qui a tant de piquant (au propre comme au figuré, et donc au singulier comme au pluriel).
Après tout, pourquoi le lit à clous, en réalité une planche traversée de clous, serait-il réservé aux fakirs ?
Évidemment, c’est la partie pointue des clous sur laquelle repose le corps. Pourtant, le dormeur n’est pas instantanément transpercé en s’allongeant sur ce qui pourrait faire penser à un instrument de torture barbare. Il peut même y passer la nuit et se réveiller en pleine forme. Est-ce de la magie (noire, puisque de nuit) ? Les fakirs, puisque ce sont tout de même eux qui ont promu, sans grand succès il est vrai, ce lit si singulier, ne ressentiraient-ils pas la douleur ? C’est en tout cas une qualité qui leur est prêtée, du moins lorsqu’ils entrent en méditation (ou en lévitation, ce qui expliquerait que les clous ne les démangent pas).
L’explication est moins… méditative ou mystique. C’est une simple question de pression, et donc de ratio entre le nombre de clous et le poids de celui qui s’y repose. Si le « lit » ne comptait que quelques clous, il pourrait être l’instrument d’une version hindoue de la crucifixion ! Mais grâce au grand nombre de clous sur lesquels le fakir pose son séant ou tout son corps, la pression de chacun d’eux sur la peau est parfaitement supportable. Il va de soi qu’il faut un apprentissage pour s’y poser et s’en retirer, et qu’au stade de la fabrication, il faut savoir choisir les bons clous.
La question est : est-ce confortable ? Pour l’âme surement, dira le fakir. Mais il est établi que ces gentilles petites piques de métal (non rouillées, de préférence) stimulent la circulation sanguine. Plus scientifique encore, la relaxation si prisée des fakirs serait le résultat d’une sécrétion d’endorphines provoquée par ces doucettes piqures. La défonce à la morphine autoproduite, finalement. Les fakirs seraient donc de grands toxicos !
Plus sérieusement, il apparaît que cette planche de torture peut aussi être un instrument thérapeutique, et peut-être un antistress efficace bio (et sans colorant). Le nirvana nocturne n’est peut-être pas niché dans les matelas faits de ressorts ensachés, de mousse à mémoire de forme ou de latex naturel, et dans de douces couettes en plume, mais dans une planche traversée de clous qui stimulent nos sens les plus… Bon… Évitez peut-être de dormir sur le ventre !
Chiche Monsieur Pierre Elmalek, vous mettez un lit de fakir à votre prochain catalogue ?
Raymond Taube