Décembre 2020 : Je déconfine, tu confines, il (elle) confine, nous déconfinons, vous confinez, ils (elles) confinent.
Janvier 2021 : Je confine, tu déconfines, il (elle) déconfine, nous confinons, vous déconfinez, ils (elles) déconfinent.
La France est à contre-courant de tous les pays européens. Même ceux qui, comme les Hollandais, roulaient les mécaniques face au coronavirus se planquent dans leur tanière. En Allemagne, on entend la petite musique du modèle français qui a su sauvegarder les fêtes de fin d’année.
L’épidémie nous atteint par vagues successives. Mais telle une marée, le flux et le reflux ne se produisent pas au même endroit ni au même moment. Les digues que l’on érige face à la montée des eaux ne sont pas identiques d’un pays à l’autre, même si globalement, elles ont de nombreux points communs.
La France a confiné plus tôt que d’autres pays européens, ce qui permit de lâcher du lest à deux semaines avant Noël, pour le plus grand plaisir des consommateurs et l’intérêt vital des commerçants. Pour permettre à tous de respirer, aussi, car ce stop-and-go du confinement/déconfinement est psychologiquement, nerveusement, très pesant. Respirer, certes, mais aussi inspirer du coronavirus à pleins poumons. Alors que le gouvernement s’arc-boute sur la fermeture totale des établissements culturels, des salles de spectacles, des restaurants ou des remontées mécaniques alpines, rejetant tous les protocoles sanitaires qui lui sont proposés, la cohue dans les transports, les grands magasins et dans les rues des centres-villes est d’autant plus inquiétante que les gestes barrières sont de moins en moins respectés, jusqu’au masque souvent négligé ou porté sous le nez ou le menton. Et là, force est de déplorer l’absence de contrôle et de sanction, pas davantage que ne sont mises en place de mesures permettant l’isolement des positifs au Covid.
Le couperet a déjà commencé à tomber : les chiffres de la contamination remontent brutalement. Les projections, qui s’affinent depuis le début de la pandémie, laissent craindre des milliers de personnes supplémentaires en réanimation à la fin de la première semaine de janvier. Celle publiée par le CHRU de Nancy conclut à 3500 à 5000 lits occupés dans les hypothèses les plus optimistes. Et cela pourrait être pire : pour célébrer la nouvelle année, de nombreux jeunes semblent déterminés à faire la fête sans tenir le moindre compte des recommandations gouvernementales, en faisant fi de tout geste barrière. Est-ce la faute au gouvernement ? On a souvent évoqué ses erreurs de communication à l’égard de la jeunesse. Mais lorsque l’on sait qu’on ne risque pas grand-chose, et qu’en tant que porteur sain, on peut contaminer des personnes moins jeunes, en particulier dans son propre cercle familial, l’excuse de la jeunesse ou celle d’inconscience ne semble guère pertinente. On a vraiment le sentiment qu’on leur demande un horrible sacrifice qui va bouleverser leur vie à tout jamais. Certains d’entre eux porteront à tout jamais la culpabilité de leur égoïsme. La mort d’un proche comme prix d’une fête…
Alors que la vaccination a débuté dans d’autres pays, nous sommes une nouvelle fois en retard, et préférons discuter de la dangerosité du vaccin, parfois avec quelques relents complotistes, alors que le ratio bénéfice/risque devrait couper court à toute polémique. Même les soignants des Ehpad ne veulent majoritairement pas se faire vacciner !
En janvier, quand ailleurs on aura déjà bien avancé avec la vaccination des plus fragiles et de leurs soignants, et que l’on déconfinera progressivement, il est à craindre que nous soyons contraints à un troisième confinement. En France, cette « grippette » a déjà fait 60.000 morts, malgré toutes les mesures qui ont permis de ralentir considérablement la diffusion du virus (le R0 est légèrement au-dessus de 1, alors qu’il était à 3 au moment du premier confinement). La guerre annoncée par le président de la République, lui-même blessé de guerre, va être longue, surtout s’il se confirme qu’une nouvelle souche du coronavirus détectée dans le sud de l’Angleterre est si contagieuse qu’elle échappe à tout contrôle (dixit le gouvernement de sa gracieuse Majesté), conduisant la plupart des pays européens, dont la France, à fermer leurs frontières avec le Royaume-Uni.
« The Long and Winding Road » (la route longue et sinueuse) chantait Paul McCartney avec les Beatles en 1970, lui qui, à l’âge de 78 ans, vient de publier un nouvel album, rayon de soleil dans cette nuit interminable, enregistré durant un confinement et dans lequel il joue de tous instruments… La route qui nous conduira à la normalité est encore bien longue et sinueuse…
Pendant ce temps, notre président, reclus à La Lanterne dans le Parc du Château de Versailles, nous annonçait vendredi qu’il nous donnerait de ses nouvelles « chaque jour ». Depuis trois jours, c’était silence radio… Pardon, silence twitter… Mais heureusement le Conseil des ministres nous a rassuré ce matin sur son état de santé. Il y a donc bien un capitaine à la tête du navire France…
Michel Taube