Notre rubrique « Sois belle et ouvre la » est née est 2002 lorsque des Miss France, dont Elodie Gossuin, avec la participation bienveillante de Sylvie Tellier et de Geneviève de Fontenay, s’étaient engagées, à notre invitation, contre la peine de mort dans le monde à l’occasion de l’élection – finalement annulée – de Miss Monde au Nigéria !
Sois belle et ouvre la ? Là, c’est nous qui l’ouvrons pour défendre une Miss sans voix et dire notre colère contre Twitter et l’incapacité des pouvoirs publics d’empêcher la diffusion de propos haineux.
Tout au long de la soirée de l’élection de Miss France samedi 19 décembre 2020 sur TF1, et le lendemain, de nombreux messages de haine antisémite visant la candidate représentant la Provence, April Benayoum, et qui avait déclaré ses origines notamment israéliennes, ont été diffusés sur la plateforme Twitter.
« Notamment » Israélienne car rappelons que la Première Dauphine de Miss France est aussi Serbo – Croate de mère, et Israélo – Italienne de père, bref un pur produit de la diversité ! Quel comble alors que les auteurs des tweets antisémites sont certainement des Français issus de la diversité…
On est en droit d’attendre une forme d’exemplarité de la part des moralisateurs et donneurs de leçons, qui crient au racisme et ne cessent de se présenter en victime, allant jusqu’à tenter de faire obstacle à l’activité normale de la police. Selon eux, si celle-ci contrôle un dealer arabe, c’est uniquement parce qu’il est arabe et non dealer. C’est évidemment faux dans l’immense majorité des cas.
Les déchaînements de haine contre cette jeune fille au seul motif qu’elle est d’origine israélienne ont malheureusement été un exercice grande nature de preuve que l’antisionisme est de moins en moins le paravent de l’antisémitisme. Le tweet parmi les plus relayés a d’ailleurs été celui qui reprochait à Hitler d’avoir oublié de faire son compte à cette jeune Miss. Quand le ridicule peut tuer…
Est-ce seulement utile de rappeler à tous ces idiots que 20 % de la population israélienne est musulmane et arabe, et que la grande majorité d’entre eux entend garder sa citoyenneté en cas d’échange de territoires dans le cadre d’un accord de paix.
On aimerait que les autorités musulmanes de France, tout comme les vedettes du sport ou du showbiz si sensibles au racisme qui touchent leur communauté, fassent montre de solidarité à son égard. Mais comme toujours, le silence est sélectif et d’autant plus assourdissant. Où sont les genoux à terre face aux cris de haine antisémites dont les auteurs, bien que cachés derrière leur pseudonyme, ne font mystère de leurs origines et de leur religion ?
Pourquoi ce racisme peut-il s’exprimer aussi librement, en l’occurrence sur les réseaux sociaux ? Éric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, a réagi ainsi : « Que ceux qui y voient l’opportunité de déverser leur haine antisémite sachent que la justice leur fera ouvrir grand les yeux ». Ce serait une première ! Sans doute faudrait-il renforcer la loi après l’échec de la « loi Avia » contre les haines sur internet, retoquée par le Conseil constitutionnel. Encore un chantier ouvert par Emmanuel Macron et qui, comme les retraites, n’a pas été jusqu’au bout ! C’est d’ailleurs prévu dans le cadre de la future loi visant à renforcer la République, tout comme c’est souhaité au niveau de l’Union européenne. Mais à y regarder de près, aucun nouveau texte n’est nécessaire pour appréhender les auteurs des attaques antisémites visant April Benayoum.
L’article 24 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne ces pratiques d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ou de l’une de ces deux peines. Et l’article 121-6 du Code pénal punit le complice comme l’auteur de l’infraction.
Cela veut dire que quand Twitter refuse de lever l’anonymat à la demande de la justice, il s’érige en complice de l’infraction. En juger autrement est une interprétation biaisée des textes. Le jour où le responsable de Twitter France sera placé en garde à vue, puis conduit menotté devant un juge d’instruction, il y réfléchira à deux fois avant de jouer les matadors devant la justice. Sauf que ce n’est pas un taureau déchaîné que le matador doit affronter. La justice ne fait plus peur aux délinquants, que la cause en soit la mansuétude des juges ou les difficultés matérielles dans l’exécution des peines (notamment le manque de places en prison et l’absence d’alternatives dissuasives). Il n’y a que les juges qui nient encore cette réalité. Alors oui, il faudrait une législation spécifique à la haine en ligne, mais à bien des égards, elle est superfétatoire.
L’essentiel est enfin, et nous l’avons déjà écrit, que les plateformes Internet sont comme les imprimeurs : pénalement responsables des écrits des éditeurs qui utilisent leurs services pour diffuser leurs propos.
En attendant, les auteurs de la fatwa contre Mila, tout comme les auteurs de tweets antisémites qui vomissent leur haine sur April Benayoum, et les responsables de Twitter, peuvent donc dormir tranquilles. Le garde des Sceaux veut laisser croire le contraire. Il y aura peut-être quelques poursuites, mais certainement pas de sanctions exemplaires.
Michel Taube