Vert comme la santé, vert comme un feu vert. Vert comme un passeport pour la sortie de crise…
Quel dirigeant politique aura-t-il le courage et le sens des responsabilités de défendre la vaccination obligatoire contre la Covid-19 si dans six mois, seuls 15 millions de Français se sont vaccinés ou ont développé les anticorps suite à leur contamination, et que donc l’immunité collective ne sera pas atteinte, triste situation prévisible garantissant la poursuite de la pandémie dans notre pays.
Olivier Véran a déjà baissé les bras en reculant, dans les pas de l’annonce d’Emmanuel Macron le 24 novembre, sur toute obligation vaccinale.
La vaccination devait pourtant permettre de retourner à une vie normale, et de préserver une économie en risque de rupture, avec toutes les conséquences sociales et sanitaires qui en découlent, notamment psychologiques ou psychiatriques. En France, on attendait le vaccin comme un sauveur et voici qu’on le rejette à son arrivée.
La France va timidement débuter la vaccination contre la Covid, en proposant (si vous voulez bien) le vaccin aux pensionnaires des Ehpad (la moitié devraient refuser) et à leurs soignants (les ¾ y sont hostiles, alors que cela devrait être une condition du maintien de leur emploi).
Ailleurs, le vaccin est accueilli avec enthousiasme, certains chefs d’État et de gouvernement donnant même l’exemple en se faisant vacciner en public. L’extrême droite en particulier, jamais très éloignée des thèses complotistes, s’évertue à récupérer cette moitié de Français méfiants à l’égard du vaccin. Cette irresponsabilité politique la disqualifie, tant à l’égard des dizaines de milliers de personnes auxquelles la vaccination éviterait un sort funeste, qu’à l’égard de tous les Français, qui veulent enfin revivre. Vraiment ? Parfois on s’interroge…
Le président de la République avait déjà cédé à la pensée unique ambiante : il avait d’emblée annoncé que le vaccin contre la Covid ne serait pas obligatoire. « Ce serait la pire des choses pour nourrir la méfiance et le complotisme, et braquer les Français » avaient chanté en cœur de nombreux commentateurs, qu’ils soient politiques, scientifiques ou chroniqueurs. On avait entendu le même genre de (mauvaise) musique avant d’autres obligations : ceinture de sécurité, limitation de vitesse ou, bien sûr, vaccination obligatoire. 11 vaccins sont obligatoires chez les nourrissons, dont celui contre l’Hæmophilus influenzæ de type B, première cause de méningite grave chez le tout petit. Ce vaccin, comme aucun autre d’ailleurs, n’est pas sans danger. Il l’est probablement plus que le nouveau vaccin contre le Covid, qui pour l’extrême droite a peut-être le tort de ne pas être français.
Nous en sommes déjà à 60.000 morts et nous traverserons une récession économique longue dont les conséquences sociales seront graves, le « quoi qu’il en coûte » présidentiel étant un leurre, car il faudra bien payer la facture. Combien de morts, de chômeurs, de miséreux faudrait-il pour convaincre les sceptiques ?
Conscient de sa précipitation et prenant exemple sur d’autres pays, le Président et son gouvernement envisagaient de contourner la liberté de ne pas se vacciner en instaurant une sorte de passeport sanitaire. Le projet de loi instituant un régime pérenne des urgences sanitaires autoriserait le Premier ministre à « subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transport ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. »
L’idée du passeport sanitaire (il est question d’un vaccin OU d’un traitement, et non que d’un vaccin) est fortement critiquée, surtout à l’extrême droite. Marine Le Pen dénonce « une dérive insensée », et Marion Maréchal, l’icône des Identitaires, fustige un scandale qui générerait deux catégories de Français. Ça, des catégories, on n’en manque pas : les malades et les personnes saines, les vivants et les morts (du Covid notamment), les travailleurs et les chômeurs (ceux qui ont perdu ou perdront leur travail à cause des restrictions)…
D’autres font remarquer que certaines personnes ne peuvent être vaccinées, pour des raisons médicales. Dont acte. Soit il sera possible de prévoir des gestes barrières renforcés, soit elles seront effectivement écartées de certaines activités, du moins jusqu’à la fin de la pandémie ou jusqu’à leur guérison. Cela fait longtemps qu’il est impossible de se rendre dans certains pays si l’on n’est pas vacciné contre certaines maladies. C’est dommage, c’est discriminatoire, mais plus personne ne s’y oppose. Aujourd’hui, il faut savoir ce que l’on veut : sortir de ce terrible tunnel du Covid ou satisfaire toutes les exigences individuelles.
Il est dommage que la droite républicaine adopte une posture d’opposition de principe. Sur Twitter, Guillaume Peltier, vice-président délégué des Républicains, crie à l’atteinte aux libertés. Celles de contaminer, d’être malade, de ruiner le pays et de mettre d’innombrables Français au chômage par des confinements, de couvre-feux, des protocoles sanitaires contraignants, des mesures de restriction de plus en plus insupportables ? C’est ce que veut Monsieur Peltier ?
À gauche, on hésite encore. La maire de Paris, Anne Hidalgo, avait suggéré un mécanisme de même type au début de l’épidémie, en faveur de ceux dont on pensait alors qu’ils étaient immunisés à la suite d’une contamination.
Les commentateurs hostiles à la vaccination obligatoire font leur cette indignation politique. La petite musique dominante est celle de l’obligation déguisée en passeport vaccinal. Même le Conseil d’État se dit préoccupé. De toute manière, le gouvernement, dont la crédibilité est, il est vrai, très émoussée, devra faire montre de pédagogie, ce qui devrait commencer par une vaccination publique du Président (dès que sa santé le permettra) et des membres du gouvernement, Jean Castex en tête. Et si les Français rechignent toujours, on peut espérer qu’ils changent d’avis… après le troisième confinement ! Sans quoi, au nom de la santé publique, la question de l’obligation de se vacciner ou du passeport vaccinal reviendra avec une acuité aiguë.
Si la sortie de crise et les joies d’une vie normale passent par une obligation de vacciner plus de 60% de la population, alors, adoptons cette obligation vaccinale ou un passeport vert !
Michel Taube