Alors que le processus de consultation nationale vient de s’achever, le Comité consultatif indépendant (CCI) se félicite de la richesse des échanges intervenus pendant un mois dans le cadre des auditions d’experts représentatifs de tous les secteurs de la société haïtienne. Riche des remarques qui nourriront le projet de nouvelle Constitution, soucieux de prendre en compte les attentes de représentants de la diaspora, du corps enseignant et des multiples représentants institutionnels, le CCI n’a jamais dérogé à sa ligne de conduite : pointer, en toute indépendance, les limites d’une Loi fondamentale caduque, qui paralyse le pays depuis 33 ans.
La charge qui nous a été dévolue est essentielle. Recueillir les attentes, les griefs, recouper les arguments et ainsi poser les jalons de l’avant-projet de Constitution qui sera ensuite soumis aux acteurs institutionnels et aux organisations de la société civile en début d’année pour une dernière appréciation avant la remise au Président de la République du projet final de Constitution, préalable au vote référendaire, lors du premier semestre 2021.
Les enjeux sont majeurs. Il s’agit ni plus ni moins que de remédier aux défaillances du système de gouvernance actuel et de créer des conditions plus propices à la stabilité institutionnelle, la bonne gouvernance et le respect de l’Etat de droit. Voilà trop longtemps que la Constitution s’avère source d’instabilité, de déséquilibre des pouvoirs et de paralysie du Parlement. Au vu de l’évolution du contexte institutionnel, politique, économique, social et culturel de notre pays, il est grand temps de moderniser le cadre de notre vie démocratique.
L’objectif est ambitieux : engager Haïti sur la voie d’une démocratie plus stable, préalable à son développement. Pour ce faire, nous devons donner au pays les moyens de rationaliser l’organisation de l’Etat, de moraliser la vie publique, de lutter contre la corruption, de renforcer les droits et libertés fondamentales, de consacrer l’alternance au pouvoir et l’indépendance de la Justice. Pendant un mois, les échanges ont ainsi porté sur l’articulation des trois pouvoirs, les modalités d’exercice du pouvoir exécutif, la gouvernance administrative, l’indépendance des institutions, les questions relatives à l’exercice des droits fondamentaux, de la souveraineté et de la citoyenneté, les droits politiques de la diaspora mais aussi les causes structurelles de l’insécurité dans le pays.
Parce que la nécessité d’une révision fait consensus de longue date – 87 % des Haïtiens souhaitent changer de Constitution* – nous avons cherché à remonter aux racines du mal qui empêche notre pays d’aller de l’avant. Fiers de la mission qui nous a été confiée, bien conscients de la noblesse de notre tâche, nous nous sommes efforcés de dégager un consensus, qui seul légitimera le vote référendaire, point d’orgue d’un processus inclusif de bout en bout, faute duquel nulle révision constitutionnelle ne peut être vraiment recevable. Car il n’y a pas d’exercice plus démocratique que d’appeler les citoyens à se prononcer sur leurs institutions publiques, sur le régime politique qu’ils veulent pour eux-mêmes et leurs descendants.
*d’après un sondage réalisé par le BRIDES en décembre 2020 sur un échantillon de 14 000 Haïtiens.
Boniface Alexandre, président du CCI et ancien président de la République
Louis-Pierre Naud, membre du CCI et sociologue
Me Mona Jean, membre du CCI et avocate au barreau de Port-au-Prince
Hérard Abraham, membre du CCI, ancien chef des forces armées et président de la République par intérim
Pr. Jean-Emmanuel Eloi, membre du CCI et professeur de Sciences politiques.