Edito
13H13 - vendredi 8 janvier 2021

Stratégie vaccinale : et si la tortue gagnait la course ? L’édito de Michel Taube

 

Virus mutants britannique, sud-africain… Si le cousin anglais est seulement plus contagieux, c’est déjà une très mauvaise nouvelle, car les études ont montré qu’une infime variation du R0 a un impact considérable sur tous les indicateurs sanitaires : nombre de contaminés, de symptomatiques, d’hospitalisés, de patients en réanimation, de décès. Cela peut conduire à plus de restrictions des libertés, de fermetures d’établissements, de faillites, de licenciements, de pauvreté, de misère, lesquels entraînent des dépressions, des suicides, des renoncements à se soigner, un élément que le gouvernement est ses conseillers scientifiques s’obstinent à minimiser voire à ignorer. 

Mais on entend dans la bouche de nos chers scientifiques que les virus mutants toucheraient davantage les jeunes et qu’on ne peut écarter l’hypothèse de futures mutations qui rendraient le Covid plus dangereux et létal. La mutation des virus n’étant pas une nouveauté, elle n’est pas une surprise. Les virus ARN auraient même une fâcheuse tendance à muter plus que les autres. Heureusement, les nouveaux vaccins ARN le sont, en quelque sorte, tout autant. Pfizer vient d’annoncer que son vaccin protégeait contre les variantes britannique et sud-africaine du coronavirus, mais on ne peut garantir que les vaccins d’aujourd’hui nous protégeront des mutants de demain. On ne sait d’ailleurs même pas si le vaccin empêche la transmission du virus, même si les dernières indications sont rassurantes à ce propos.

Il résulte de ces données et de ces variables que notre salut ne peut résider que dans la vaccination massive et rapide d’au moins deux tiers de la population… Mais ceci avant une mutation qui rendrait le vaccin totalement ou partiellement inopérant. 

À la décharge du gouvernement, les conditions de conservation (à -80°) des très couteux vaccins actuellement disponibles posent des problèmes logistiques considérables. Certes, la sixième puissance économique du monde, dotée d’une administration pléthorique qui théoriquement devrait savoir mettre en place cette logistique, a failli là où la quasi-totalité des pays développés ont été bien plus efficaces, face aux mêmes contraintes. Mais on peut espérer que d’ici quelques mois la vaccination massive sera possible, avec un vaccin mis à jour, disponible dans toutes les pharmacies et pouvant être conservé dans un simple réfrigérateur, et injectable par tous les professionnels de santé, en particulier les infirmiers qui sont nécessairement en contact avec les personnes fragiles et donc vulnérables.

Le Président Macron et son gouvernement n’assument plus la lenteur revendiquée dans un premier temps, notamment par Olivier Véran. La volte-face inavouée fut confirmée hier par Jean Castex dans ses annonces, principalement centrées sur la prolongation ou le renforcement des mesures de restriction. Sous la pression de l’opinion publique et des comparaisons internationales, le gouvernement se veut désormais le champion de la vaccination, au risque que l’excès de lenteur devienne précipitation. On rapporte déjà des pertes de vaccins et d’incroyables erreurs dans les instructions de vaccination. Mais l’administration, en l’occurrence celle de la santé, n’est jamais responsable de rien et n’a jamais de comptes à rendre. 

Nous ne deviendrons pas les champions de l’intendance et de la logistique par la grâce des incantations gouvernementales. Ce sont les circonstances et, on l’espère, les quelques leçons tirées des couacs à répétition, qui nous permettront peut-être, d’ici l’été ou l’automne prochain, de gagner la guerre annoncée par le président de la République en mars dernier. En attendant, si nous ne voulons pas que le volet économique et social de ce conflit avec le coronavirus se transforme en désastre, il est plus que jamais indispensable de mettre en place les démarches préventives permettant de préserver l’activité, y compris celles des secteurs mis à l’arrêt. 

La tortue peut, certes, arriver à bon port avant le lièvre. Mais dans quel état ?

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

Directeur de la publication

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