Edito
12H04 - mercredi 13 janvier 2021

L’après-crise en séminaire gouvernemental : Emmanuel Macron en campagne (pré-électorale) pour préparer le monde d’après ? L’édito de Michel Taube

 

[Kamil Zihnioglu / POOL / AFP]

Mieux vaut tard que jamais ! Emmanuel Macron en a visiblement assez des coups de retard, et cette fois, il veut se projeter dans l’avenir, le sien en particulier. Pour le maître des horloges, l’échéance fatidique approche. Si diriger c’est (notamment) prévoir, l’essentiel est d’être dans le bon timing. Après le premier confinement, le discours était au plan de relance, alors qu’il aurait fallu mettre l’accent sur la prévention à court terme, celle qui avec le concours de tous les professionnels de santé, aurait pu éviter ou modérer la seconde, puis la troisième vague de l’épidémie, sans sacrifier des secteurs entiers de notre pays… Cela a déjà été dit. Mais il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut entendre, dit la maxime.

Ce 13 janvier, Emmanuel Macron reprend le rôle de chef de l’exécutif qu’est tout président de la Vème République, hors cohabitation (ça, ce sera peut-être pour l’an prochain !). Il veut fixer le cap pour les six premiers mois de 2021, « année de combat, de relance, d’ambition ». Alors que le discours ambiant est celui d’un quinquennat déjà achevé en matière de réformes, Emmanuel Macron ne l’entend pas de cette oreille. 

Son objectif est de (tenter de) s’extirper de la crise du Covid-19, source d’incessantes critiques et polémiques. La méthode Coué, en somme, alors qu’on s’approche d’un couvre-feu généralisé à 18h, et que les estimations de l’impact du variant anglais laissent craindre un prochain confinement total. 

Quant à la campagne vaccinale, l’implacable comparaison internationale contredit toujours le discours éternellement autosatisfait des membres du gouvernement.

Ambiance… « Je ne comprends pas pourquoi on impose une consultation médicale avant, faites-moi sauter ça ! ». « C’est quoi ce truc… Les Français nous prennent pour des fous ! » aurait même ajouté le chef de l’Etat, selon le Point, dans un échange avec ses ministres en agitant devant eux le protocole vaccinal de 45 pages.

Peut-être a-t-il vu les images de la méthode israélienne… On fait pour les vaccins comme pour les tests : en voiture, sans quitter son volant. « Pas d’allergie ? Soulevez votre manche et attendez quelques minutes avant de repartir ! ». 

Pourquoi donc cette lenteur française ? Il est vrai que, fort de son immunité présidentielle, le président ne craint pas les foudres de la justice, contrairement à ses ministres, peut-être un peu froussards et du coup hyper tatillons sur les procédures et les protocoles. Néanmoins, il est inacceptable que le risque de poursuites puisse influencer la politique vaccinale. Le législateur devrait d’urgence vacciner l’exécutif contre certains virus judiciaires !

Emmanuel Macron ne veut pas s’arrêter à la crise sanitaire : outre le plan de relance, il veut remettre sur les rails deux réformes majeures de son quinquennat : les retraites et l’assurance-chômage. L’une comme l’autre seraient conditionnées par le retour à la croissance. Reste à déterminer ce que l’on entend par là : si 2021 est ponctuée de moins de périodes de restrictions et de confinements que 2020, la France sera forcément en croissance, et même en forte croissance. Mais que représenteraient 3 % ou 4 % après 9 à 11 % de récession en 2020, selon les estimations ? En outre, lorsque le « quoi qu’il en coûte » aura atteint ses limites, les secteurs les plus touchés comme le tourisme, les loisirs ou la culture charrieront d’innombrables cadavres économiques. En France, on estime qu’un tiers des cafés et restaurants disparaitront. En Suisse, pays au niveau de vie pourtant bien plus élevé, cette estimation atteint 50 %. 

Si le retour de la croissance, même en chiffres bruts, dépend encore largement du traitement de la crise du Covid, traitement critiqué par le Chef de l’État qui faisait peut-être des mots croisés pendant les séances du Conseil de défense, le rattrapage de la chute de 2020 prendra des années, et peut-être même plus qu’un nouveau quinquennat. Ce serait donc bien cette année que l’on ressortirait des cartons les réformes des retraites et de l’assurance-chômage, au risque de provoquer une nouvelle fronde sociale ? Philippe Martinez, patron de la CGT, commençait à s’ennuyer, et les roulants de la RATP à se languir. Il est vrai qu’ils n’ont plus bloqué l’Île-de-France depuis si longtemps pour défendre leurs privilèges et le droit de les transmettre à leurs enfants.

Les syndicats, même ceux qui comme la CFDT ne sont pas hostiles à toute réforme par idéologie, demandent au gouvernement de revoir entièrement ses copies (retraites et assurance-chômage) et ainsi de partir d’une feuille blanche. Emmanuel Macron ne peut qu’être conscient du risque social de ses initiatives. Dans le contexte sanitaire actuel, leur évocation a quelque chose de surréaliste, d’autant plus que l’objectif de ces réformes est principalement de faire des économies budgétaires, du mois de financer des dispositifs très coûteux. Si une suite leur est donnée, nul doute que ces « réformes » marqueront une inflexion plus protectrice, plus à gauche, diraient les analystes politiques. Les Français ont plus que jamais besoin de se sentir protégés. Avec la valse des milliards que dansent tous les gouvernants de la planète depuis le début de la crise sanitaire (elle a coûté 186 milliards d’euros à la France en 2020), la tentation pourrait être d’en rajouter une louche très sociale avant les présidentielles de 2022. Pour le paiement, on verra plus tard !

Mais pour l’heure, plutôt que de préparer l’après-crise dans un séminaire gouvernemental (le Commissariat au Plan de François Bayrou pourrait s’y consacrer), la priorité est de réussir à en sortir au plus vite. Et c’est à cela que l’exécutif devrait consacrer tout son temps et toute son énergie.

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

Directeur de la publication