Tout a été dit sur lui, on n’arrête pas pour autant de parler de Donald Trump. C’est que son personnage fascine autant qu’il inquiète et repousse. Qu’on a besoin de conjurer le mal qu’il semble incarner. Mais aussi de comprendre. Comprendre comment cet homme égocentrique et hargneux s’attire tellement de sympathie. Comment il réussit à convaincre et assujettir. Comment son amoralité, son mépris évident d’autrui ne lui coûtent aucunement en popularité. Et comment ses malhonnêtetés peuvent s’étaler au grand jour, et ce depuis des années, en toute impunité. Car Trump, comme Don Corleone et tant d’autres mafieux dont on a suivi les « exploits » scénarisés au cinéma, abuse de son pouvoir, trafique la vérité, menace ses adversaires et se joue de la loi. Régnant en monarque absolu sur une cour de flatteurs falots, que ce soit à la Maison-Blanche ou dans son « organisation », exigeant de chacun d’eux une loyauté aveugle sous peine d’être liquidé, du moins médiatiquement, et viré sans civilité.
Or, tout cela, bien que notoire avant son élection, ne l’a pas empêchée.
Magnat de l’immobilier, Don Trump était une figure de la scène new-yorkaise avant de devenir une star de télé-réalité. Ses méthodes et malversations étaient connues du grand public quand il a décidé de se lancer en politique. Il avait déjà alors corruptions, fraudes et escroqueries multiples à son actif.
Mais Donald Trump n’a honte de rien. Malgré de nombreuses faillites – le naufrage de ses casinos, Marina, Plaza, Taj Mahal, à Atlantic City, de certains de ses hôtels et de son « université » –, qui ont fait couler beaucoup d’encre, il ose s’autoqualifier de génie des affaires. Quant aux scrupules, il n’en a point et ne le cache pas. Ainsi, alors que les fermetures de ses diverses entreprises ont coûté leur emploi à des milliers de personnes, il se vantait, en 2011, à un journaliste de Newsweek : « Je joue avec le droit des faillites. Ça m’arrange. »
Quel est donc le secret de celui qui, en 2016, lors d’un meeting de sa campagne, déclarait fièrement : « Je pourrais me planter au milieu de la Cinquième avenue et tirer sur quelqu’un, sans perdre un seul électeur » ? Et qui avait raison, puisque, aux dernières élections, après avoir été soupçonné de collusion avec des puissances étrangères, pour ne pas dire de trahison, et malgré sa non-gestion de la Covid-19 qui avait coûté la vie, à la veille du scrutin, à plus de 300 000 citoyens américains – près de 400 000 à ce jour –, il a récolté pas moins de 72 millions de voix. Pire encore, lui qui a incité ses adeptes, le 6 janvier dernier, devant les caméras des chaînes du monde entier, à marcher sur le Capitole et interrompre le processus officiel de confirmation de l’élection de Joe Biden, lui qui a suivi sur écran l’avancée de ses « petits soldats » tentant pour lui un coup d’État, lui enfin qui n’a pas usé de ses pouvoirs pour les stopper pourrait être épargné par le collège des sénateurs, malgré l’acte d’accusation émis par la chambre basse.
Son secret donc ?
De nombreux psychologues, psychiatres se sont penchés sur son cas. Et je ne prétends pas avoir les compétences pour poser un diagnostic. Mais, j’ai une hypothèse sur l’origine de l’alchimie entre son public et lui.
Contrairement à la légende qu’il a lui-même échafaudée, Trump ne s’est pas « fait tout seul ». Pour mettre à son fils, Donald, le pied à l’étrier – doré l’étrier, vous verrez –, Fred Trump lui a offert un million de dollars. Dont le futur ex-président dira qu’il n’était « presque rien ». Ayant baigné dans l’argent depuis son plus jeune âge, Trump irradie l’insouciance des gens nés fortunés. Il a l’aplomb des héritiers qui ne doutent à aucun moment que tout leur est toujours dû.
Face à une telle assurance, le peuple, enfumé, s’incline et se prosterne. Qui sont-ils pour interroger le droit de dieu à son Olympe, ses ors et ses privilèges ? Ils le regardent, l’admirent, sans même oser l’envier. Jusqu’au jour où ?… Peut-être pas !
Catherine Fuhg
Demain :
Joe Biden, une boussole dans un pays qui s’est perdu