« Nous sommes devenus une nation de 66 millions de procureurs » a lancé Emmanuel Macron ce jeudi 21 janvier à la fin d’un discours consacré à la recherche quantique lors d’un déplacement à l’université de Paris-Saclay.
67,064 millions d’habitants au 1er janvier 2020, Monsieur le président ! Les nouveau-nés sont aussi des procureurs. Ils ne font d’ailleurs que râler !
Emmanuel Macron aurait pu dire cela des 7,8 milliards de terriens. Personne n’est content du travail de ses gouvernants, même pas les Nord-Coréens, obligés de scander à chaque instant : « Gloire au Grand Président Kim Jong-un ». Même les Chinois râlent, mais préfèrent orienter leurs piques vers les autorités locales.
Incroyable : les Suisses aussi fulminent. En cause : le manque de centralisation dans la gestion de la crise sanitaire ! Dans ce pays fédéral, nombreux sont ceux qui regrettent que le gouvernement de Berne ne puisse pas, parfois, taper du poing sur la table et imposer des mesures nationales.
Il n’y a finalement que les Américains qui soient heureux, alors que la Covid y fait des ravages : heureux comme un Joe Biden dans l’eau. Regardez CNN : c’est le grand ébahissement devant Papy qui part en guerre contre le virus. Il faut dire qu’il était temps.
Emmanuel Macron, lui, est parti à temps en guerre, il y a presque un an. Mais avec quelle armée ? Deux Premiers ministres qui ont raté quelques coches, et une administration qui ne gagnera pas le Championnat du monde de la logistique. Les Agences régionales de santé (ARS) ne devraient par survivre à cette crise, tant elles ont failli. Mais dans notre culture administrative, on ne change pas une équipe qui perd. On lui en adjoint une seconde. L’électeur changera peut-être l’équipe politique en place (mais pas l’administration) l’an prochain. Pourvu qu’il ait une autre alternative que les extrêmes.
Donald Trump avait pris le virus de haut. Emmanuel Macron prend les Français de haut. Critiquer pour critiquer, comme le font trop souvent les oppositions politiques, est critiquable. Mais d’une part, la critique a conduit les pouvoirs publics à des réajustements majeurs, notamment sur la stratégie vaccinale. Quelques coups de pied au derrière n’est donc pas toujours inutile. Oups, la petite fessée est désormais interdite dans notre bon droit !
Non, Messieurs, la critique fut, a été, est et sera toujours salutaire. Surtout en état d’urgence sanitaire où, avec des décisions prises en Conseil de défense, sans aucun contrôle parlementaire, la démocratie est en souffrance.
D’autre part, les Français sont souvent davantage avocats de la défense, la leur en l’occurrence, que procureurs. Ils proposent. Nous proposons. Nous ne cessons de le faire. Nous avançons, certes, sur une corde raide, mêlant critiques et propositions ! C’est le sens même du combat politique.
La campagne Ensemble Prévention Covid, initiée par Opinion Internationale avec le concours des infirmiers, des pharmaciens, des kinésithérapeutes, des médecins généralistes, des vétérinaires, d’autres professionnels de santé, mais aussi de représentants de l’entreprise, de la restauration, du spectacle…, est et sera un concentré de propositions concrètes et applicables. Comme toutes les autres, le sentiment domine dans l’opinion qu’elles ne sont ni entendues, ni écoutées. Emmanuel Macron et son staff ne jurent que par leurs conseilleurs habituels, les scientifiques de salon et de statistiques de diverses commissions et autorités très supérieures, qui savent tout.
L’exemple du sacrifice du monde du spectacle et de la culture, des activités pourtant si importantes, voire psychiquement essentielles en cette difficile période, est édifiant. L’Espagne a scientifiquement démontré que l’on pouvait faire autrement. Sommes-nous des procureurs en dénonçant l’absolue incurie, la totale inutilité de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui ferait mieux de rejoindre l’équipe de la triviale émission Les Grosses Têtes. Mais la soupe monarcho-républicaine est sans doute trop bonne…
Emmanuel Macron, avec son assurance jupitérienne, distribue les mauvais points. Cette fois, il y en a donc pour tout le monde. Il évoque le droit à l’erreur. Avec son armée de conseillers et son administration pléthorique, a-t-il vraiment droit à l’erreur ? Une peut-être, mais là, nous avons droit à l’enfilement des perles. Pire, le mensonge sur les masques, l’échec de la stratégie « tester, alerter, protéger », le poussif lancement de la vaccination relèvent plus de la faute que de l’erreur.
Après avoir muselé le Parlement, le Président demande aux Français de la boucler. Quand bien-même y aurait-il une part de légitimité dans sa plainte, elle est particulièrement mal formulée, surtout à l’égard de ceux qui souffrent de la crise et des erreurs dans sa gestion. Erreurs ou fautes, là est bien la question. Les accusations présidentielles en sont-elles une nouvelle ? Une nouvelle erreur ou une nouvelle faute ?
Michel Taube