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10H18 - lundi 25 janvier 2021

Passeport vaccinal ou vaccination obligatoire : l’absurde argument de la rupture d’égalité ou de l’atteinte à nos libertés.

 

Le débat sur le bien-fondé d’un passeport vaccinal est évidemment prématuré. Pour trop de bonnes et mauvaises raisons, ce n’est pas demain que tous ceux qui veulent se faire vacciner le pourront. Ultérieurement, la mise en place du passeport vaccinal facultatif poserait d’insolubles problèmes pratiques : va-t-on l’exiger pour aller faire ses courses au supermarché ou prendre le bus ou le métro ? Cela semble matériellement impossible. La seule solution est de rendre le vaccin et son justificatif obligatoires, sous peine de sanctions véritablement dissuasives.  « Atteinte aux droits de l’homme », crient déjà les extrémistes et complotistes de tous bords ! Pour quelques antivax dogmatiques, nous devrions tous être obligés à vivre masqués. Et autant condamner définitivement les activités aujourd’hui mises à l’arrêt. Un monde sans cafés ni restaurants, sans cinémas, sans salles de sport, sans musées… Et ailleurs, des distances de sécurité, des contraintes, des restrictions. L’État de droit obligerait l’immense majorité à se plier au dictat d’irréductibles pseudo-droits-de-l’hommistes autoproclamés, faisant sévir, avec la complicité des juges (ou du législateur) la tyrannie d’une minorité. Si notre salut est dans la vaccination massive, elle devra être obligatoire. Si telle est la condition d’un retour à la vie normale pour tous, un droit qui l’interdirait n’aurait aucune légitimité. Il devrait être abrogé, quitte à en passer par le peuple.

L’argument de la rupture d’égalité est d’une médiocrité affligeante. Pour les politiques qui l’invoquent, c’est du racolage, du populisme dans le sens le plus péjoratif du terme. Mais peut-on s’attendre à autre chose de la part des extrêmes, qui se ressemblent chaque jour un peu plus ? Quant aux juristes qui s’en prévaudraient, ils doivent être considérés comme ces scientifiques qui affirmaient que porter un masque est inutile sinon dangereux. La première des inégalités est celle qu’impose la Covid : il y a ceux qui souffrent, qui meurent, qui perdent leur travail, qui sombrent dans la pauvreté, la dépression… Il y a ceux qui sont en bonne santé, qui ne risquent pas de perdre leur travail, qui sont éternellement protégés et qui ne prennent jamais le moindre risque. 

Hélas, nos hautes juridictions sont parfaitement capables de considérer qu’un passeport vaccinal induirait une rupture d’égalité, ou qu’une vaccination obligatoire serait une atteinte à la liberté. Elles peuvent œuvrer à l’effondrement de l’économie et à l’impossibilité d’un retour à une vie normale, au nom de principes dévoyés. L’État de droit devenu ennemi du citoyen, de l’État, de la Nation. Qui peut l’accepter ?

Le même raisonnement vaut pour le confinement obligatoire des vulnérables, envisagé parce qu’ils constituent le gros bataillon des patients en réanimation, alors que toute la population, les jeunes en particulier, accepte à juste titre de se sacrifier pour les sauver. On peut discuter de l’efficacité de la mesure et, si elle était envisagée, exiger des solutions concrètes pour faciliter la vie des confinés. On peut considérer qu’elle offre plus d’inconvénients que d’avantages, mais l’écarter d’emblée pour des motifs juridiques, seraient-ils constitutionnels, reviendrait, une fois de plus, à oublier que le droit émane de la politique, et non l’inverse.

On a vu le Conseil constitutionnel retoquer des lois permettant de lutter contre la haine en ligne ou contre la surveillance des islamistes à la sortie de prison, toujours au nom de beaux principes qui, en situation « normale », sont notre fierté, mais qui en situation de guerre, contre l’islam radical ou contre la Covid, nous condamnent à la défaite. 

Il est urgent que le président de la République assume ses prérogatives de chef de l’État, la justice étant une institution dudit État. Les juges se fourvoieraient en confondant indépendance de la justice et séparation des pouvoirs. La justice n’est pas un pouvoir, mais une autorité. Il lui arrive d’empiéter sur le pouvoir politique, parfois jusqu’à influer sur l’élection présidentielle. 

Si les hautes juridictions (Cour de cassation, Conseil d’État et Conseil constitutionnel) entravent l’action politique légitime, et même vitale en situation extrême, il faudra adapter la Constitution, le cas échéant par voie référendaire. Sans quoi il ne resterait, pour nous protéger, que de recourir aux mesures d’exception prévues par ladite Constitution : État d’urgence (nous y sommes partiellement), état de siège ou pleins pouvoirs au Président. Ces mesures ne répondent pas aux véritables nécessités et conduiraient à ce terrible paradoxe : au nom de l’État de droit, des libertés et de l’égalité, les juges obligeraient le politique à confisquer les trois, pour éviter le désastre sanitaire, économique et social.

Enfin, il est peu probable que les juridictions européennes (Cour de justice de l’Union européenne et Cour européenne des droits de l’homme) s’amusent à défier la France, si elle leur fait comprendre qu’elle n’accepterait pas qu’elles l’empêchent de lutter contre les fléaux qui la menacent. Ces juridictions n’existeraient plus sans la France. L’Europe politique et juridique n’existerait pas sans la France.

La liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres. Chacun le sait. La liberté absolue conduit à l’anarchie qui elle-même dégénère en dictature. L’égalité absolue n’a jamais été qu’une fiction. Puisse la justice agir dans la réalité, faite de challenges immenses qu’elle doit contribuer à relever. 

 

Raymond Taube

Directeur de l’IDP-Institut de Droit Pratique et Rédacteur en chef d’Opinion Internationale

 

 

 

 

 

 

Directeur de l'IDP - Institut de Droit Pratique

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