Son esprit pétillant, son goût et son élégance naturelle, remarqués par Jules Janin, dans la première préface de La Dame aux camélias, ne firent pas la fortune de Marie Duplessis, mais sa taille « souple et belle ; ce visage d’un bel ovale un peu pâle [qui] répondait à la grâce qu’elle répandait autour d’elle comme un indicible parfum ».
Les charmes de cette courtisane, comme on nommait autrefois, avec pudeur, les filles de joie – joie pour qui ?, là est la question –, lui gagnèrent train de vie et bijoux qu’elle devait rembourser en ébats dans son lit.
Marie Duplessis inspira une passion immense à Alexandre Dumas fils ainsi que le personnage de Marguerite Gautier – celle qui n’apparaissait jamais sans un bouquet de camélias –, et à Giuseppe Verdi celui de Violetta, héroïne de La Traviata.
Le lit de cette prostituée, autant user d’un mot cru pour une crue réalité, jamais ne semble souillé. Sans doute parce que Marguerite, bien que le pied dansant et la jambe légère, avait su garder à l’abri de son corps à louer une âme et un cœur purs.
Notons d’ailleurs que ce n’est pas sur le lit de débauche que s’étend le roman de l’ancien amant éploré mais sur celui de l’agonie de celle qu’il a adorée. Ce lit qui voit le corps de la belle se faner, qui assiste impuissant à ses nuits d’insomnie, à sa bataille à mort contre la maladie. Le lit où elle réfléchit, alors que la vie l’abandonne, la laissant seule avec le temps, sur les desseins du Tout-Puissant ; où elle écrit à son amant, contre l’avis des médecins. D’où elle entend, à travers les brumes de la fièvre, l’huissier venu saisir ses biens. Ce lit enfin où elle se dresse deux ou trois fois « tout debout » avant de retomber, épuisée, et mourir.
Certains diront que les larmes versées par Marguerite ont lavé le lit du péché qu’elle y a invité ? Une pensée bien cruelle. Plus encore que la souffrance qu’il lui a fallu endurer.
Catherine Fuhg
Photo : La Dame aux Camélias. Ballet. Opéra Garnier. Aurélie Dupont.
Dans votre lit ou non, lisez « La Dame aux camélias » d’Alexandre Dumas, et écoutez la Traviata de Giuseppe Verdi.