Âmes sensibles d’abstenir !
Le lit, ça lui évoque cinq heures de gamberge en moyenne avant de s’endormir après qu’il s’est couché, vers quatre heures du matin, car il écrit la nuit. Le moteur du cerveau lancé à plein régime continue de tourner. Difficile de l’arrêter. Mais il sait attendre qu’il vienne ce sommeil qui se fait prier. Il ne mélange pas les genres, ne travaille pas au lit. Il n’y mange pas non plus d’ailleurs. « Je déteste les miettes. » Et la télé ? « Ça ne m’intéresse pas vraiment. » D’accord, mais en a-t-il une dans sa chambre ? « Oui, oui, je la regarde. De temps en temps, je l’allume, c’est moins bien. »
Ainsi, pour lui, le lit, c’est avant tout l’endroit où il espère dormir. Vu ses difficultés à trouver le repos, pour mettre les chances de son côté, il prête une attention particulière à sa literie, choisissant des matelas et sommier de qualité. Il veille aussi à instaurer le bon climat dans sa chambre, la température idéale : « S’il fait trop chaud, ou trop froid, c’est l’enfer. On ne dort pas. Tout est une question d’équilibre. Pareil pour une voiture d’ailleurs. Si elle est mal réglée, avec les pneus mal gonflés, c’est l’enfer… C’est ça, voilà. Le lit, ça m’évoque l’équilibre. Mais tout m’évoque l’équilibre. Donc tout est un enfer. » Parce que, en ce qui le concerne, le problème de réglage, c’est lui. Et ça ne changera plus. C’est trop tard pour y remédier.
Petit blanc au bout du fil, de mon côté évidemment, le temps de rebondir comme je peux sur cette chute, dramatiquement existentielle. J’ose malgré tout lui demander s’il dort accompagné.
Ça lui arrive aussi. « On n’est jamais à l’abri ! » Sentant le territoire miné, enfin prudente, je me tourne vers l’accessoire. J’apprends ainsi qu’il emporte son oreiller en tournée – « Avec un oreiller nul, tu peux avoir le meilleur lit de la planète, c’est l’insomnie » – quand la distance l’oblige à passer la nuit sur place.
De plus, sous aucun prétexte, il ne dormira sous une couette. Seulement avec un drap et une couverture. Et bien bordé, s’il vous plaît. À l’ancienne, quoi ? « Exactement. Je suis resté un peu bloqué en 72, comme Alain Delon, je crois. »
Les hôtels sont prévenus de ses exigences litières : « J’ai mon cahier des charges ». Mais de manière générale, lorsque cela est possible, il préfère rentrer chez lui, même tard, après son spectacle. Quitte à parcourir parfois des centaines de kilomètres. Ces jours-là, épuisé, il se jette content sur son lit, Ces jours-là, exceptionnellement, ce n’est plus tout à fait l’enfer.
Catherine Fuhg