Marine Le Pen s’appelle Le Pen et si d’aventure elle arrivait demain au pouvoir, comme le laisse entendre comme plausible le dernier sondage Harris Interactive pour L’Opinion et CommStrat réalisé le 21 janvier dernier, alors Le Pen prendrait largement le dessus sur Marine. Ne serait-ce que parce que la patronne du Rassemblement National aurait besoin de recruter des milliers de décideurs en capacité de gouverner et qu’elle se tournerait notamment vers la fachosphère !
Mais sur le fond, le programme Le Pen conduirait à la catastrophe.
Ne prenons que deux exemples…
La ruine économique, morale et sociale.
La tromperie sur l’islam n’en est qu’une parmi d’autres. La préférence nationale dont elle se réclame (également pour la vaccination anti Covid ?) deviendrait une préférence ethnique et raciale pour tous ces petits soldats détenteurs d’une bribe de pouvoir : les cadres et managers, les recruteurs, les bailleurs, les gardiens d’immeuble et ceux de prison, et bien entendu toute cette armée de chefaillons dans les administrations, qui sans même qu’on ait besoin de leur donner un quelconque ordre, appliqueraient à leur manière la préférence nationale : français, mais aussi blancs et chrétiens. Ce sont eux, et seulement eux, les « nous » du « on est chez nous » qu’ils entonnent à tue-tête dans les meetings du Rassemblement national.
Sur le front économique, on ne sort pas du système capitaliste mondialisé par déclamation, quand on est un pays représentant moins de 1 % de la population de la planète et moins de 5 % du PIB mondial. Et on ne sort pas davantage de l’UE, ce qui entraînerait la fin de l’Euro et une dévalorisation instantanée d’une telle ampleur que la valeur du patrimoine des Français fondrait au moins du tiers, si ce n’est de la moitié. Donald Trump avait les moyens de faire du « America first », comme le fait d’ailleurs déjà aujourd’hui son successeur.
Économiquement, Marine Le Pen ne pourra que faire du Macron, comme les autres, si elle ne veut pas précipiter la France dans l’abîme économique. Mais son incompétence et celle de ses lieutenants, l’effondrement moral et les tensions sociales, peut-être jusqu’à la guerre civile, que l’avènement de l’extrême droite risque fort de susciter, suffisent déjà à tirer la sonnette d’alarme.
L’extrême-droite et l’Islam politique : des liaisons dangereuses…
Marine Le Pen et le Rassemblement national se présentent comme les grands défenseurs de la France laïque et chrétienne (on peut y voir une contradiction) face à « l’invasion islamique ».
Mais à y regarder de plus près, on peut sérieusement douter qu’arrivée au pouvoir, l’extrême droite s’érige en ennemi frontal de l’islam radical. Ce doute trouve sa source dans le passé, mais est confirmé par l’analyse de la situation actuelle de la France. Marine Le Pen dirige un parti qui, malgré plusieurs ravalements de façade et changements de dénomination, est issu de la France collaborationniste et du régime de Vichy. Sur le fond, elle n’a condamné les dérapages antisémites de son père que du bout des lèvres. À ses yeux, ils étaient surtout inopportuns, car gênants pour sa carrière. Marine Le Pen a été élevée dans un environnement profondément raciste et antisémite. Autour du RN, une nébuleuse d’extrême droite, parfois appelée fachosphère, partage avec l’islam politique le dégoût d’un Occident capitaliste, consumériste et décadent, dont les Juifs et les francs-maçons seraient l’incarnation la plus abjecte. Mais au hit-parade de la détestation, les autres ne sont pas loin !
Que l’islam radical pactise avec le nationalisme, ce n’est pas nouveau. On le voit en Turquie et en France avec les « Loups gris » d’Erdogan. Quels que soient les sentiments profonds de Marine Le Pen, elle ne pourrait reconquérir les territoires perdus de la République ni expurger rapidement les fondamentalistes infiltrés dans les institutions publiques et privées sans provoquer une véritable guerre civile, avec son cortège de meurtres, d’attentats, de destructions… Il est fort probable que pour éviter la confrontation, l’extrême droite au pouvoir, dans sa « bonne » et ancienne tradition de coopération avec l’islam radical, passe un marché occulte avec les salafistes et les fréristes : en échange de la paix dans les banlieues, ils auraient carte blanche pour imposer leur islam dans leurs fiefs. Sauf que l’islam politique a une vocation universaliste, et qu’il ne s’arrêtera pas aux portes des cités qu’il a déjà conquises.
Ceux qui pensent voter pour Marine Le Pen pour contrecarrer l’islam radical risquent de déchanter. L’Histoire et la géographie devraient leur donner à réfléchir. Le fait que la plupart des électeurs de Jean-Luc Mélenchon voteraient pour Marine Le Pen au second tour de la prochaine présidentielle est un autre indice inquiétant. Islam politique, extrême droite, extrême gauche : tout cela se ressemble, tout cela peut s’associer, s’assembler, cohabiter, pactiser. Le diable n’est pas toujours où on l’attend. Le rédempteur non plus.
Oui, il faut contrôler l’immigration et peut-être même la suspendre. Mais il faut aussi régulariser ces dizaines de milliers de sans-papiers qui font le boulot que les Français ne veulent plus faire, comme le réclament de nombreux patrons ! Oui, il faut lutter contre le fondamentalisme islamique avec bien plus de vigueur, de courage et de détermination que le fait Emmanuel Macron. Oui, il faut rétablir l’autorité de l’Etat pour que la peur change de camp. Mais pas au prix d’une aventure mortifère dans laquelle nous entraînerait l’extrême droite, peut-être associée à l’extrême gauche.
Si Emmanuel Macron continue à cristalliser toutes les colères, l’espoir d’éviter l’élection de Marine Le Pen tiendrait dans cette partie de la droite républicaine qui saurait défendre la République et ses valeurs sans jamais se fourvoyer avec cette extrême droite, tout en proposant un dessein d’autorité et de réponse sociale aux Français.
Michel Taube
Dimanche 7 février 2021 : Pourquoi la digue Macron est en train de sauter.
Le jour d’après Lisez le dernier chapitre « Le jour d’après » du livre de Michel Taube « Pourquoi, malgré tout, il ne faut pas voter Le Pen » (Ed. Les manifestes de l’opinion internationale, 2017) :