Dix ans seulement après le lancement de réformes et d’un semblant de démocratie, le Myanmar (ancienne Birmanie) renoue avec le totalitarisme, récurrent dans le pays depuis son indépendance en 1948. Ce matin, l’armée y a arrêté Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et cheffe du gouvernement, ainsi que des hauts responsables, nommé un général président par intérim et dans la foulée décrété l’état d’urgence pour une période d’un an. Selon l’annonce diffusée par la télévision militaire, le motif de ce coup d’État était d’en préserver la stabilité justement… Actuellement, les communications téléphoniques avec la capitale et l’accès à Internet sont fortement perturbés.
Depuis les élections législatives de novembre, massivement remportées par le parti de Aung San Suu Kyi, l’armée en contestait les résultats, dénonçant « d’énormes irrégularités » dans la tenue du scrutin. Selon l’armée, profitant de la crise de la Covid 19, le parti au pouvoir depuis 2015 s’était, pour y demeurer, rendu coupable de « millions de fraudes » électorales. Or, le parlement issu de ce scrutin devait siéger aujourd’hui pour la première fois.
Pour les représentations diplomatiques dans le pays, ce coup ne vient pas par surprise. En effet, le chef de l’armée avait il y a peu lâché un indice alarmant en évoquant publiquement une possible révocation de la constitution, une constitution qui pourtant réservait aux militaires 25 % des sièges à l’Assemblée nationale ainsi que les ministères de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires frontalières.
Les États-Unis ont immédiatement exprimé leur « opposition » à l’intervention militaire dans le processus démocratique, menaçant de représailles si les dirigeants arrêtés n’étaient pas libérés. L’intérêt particulier des Américains pour le Myanmar s’explique par sa proximité géographique avec la Chine, qui partage avec lui 2 000 kilomètres de frontière, la forte présence, humaine et économique, du géant chinois sur place, mais aussi, certainement, par les richesses naturelles – pétrole, gaz, cuivre, bois, nickel – dont dispose le pays.
Catherine Fuhg