Edito
09H43 - jeudi 4 février 2021

Macron reprend la main : coup de com’ ou tournant de la stratégie Covid ? L’édito de Michel Taube

 

Hier seules 65.000 personnes en France avaient bénéficié de deux injections du vaccin Pfizer ou Moderna. Un triste « record » parmi les grands pays européens. Loin, très loin de l’engagement pris par le président de la République que tous les adultes qui le souhaitent seront vaccinés d’ici le 22 septembre 2021 et la fin de l’été…

Pour l’heure, le gouvernement est mis sous pression par l’Elysée : Jean Castex sera-t-il en phase avec les sorties récentes du Président de la République lors de sa conférence de presse prévue ce soir avec Olivier Véran ? C’est une éternelle question dans une Vème République où l’exécutif à deux têtes ne facilite pas la gouvernance et encore moins la grande intendance du pays…

Il faut dire que ces derniers jours le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a marqué des points décisifs en convainquant manifestement l’Elysée de changer (ou du moins d’amortir) ses choix stratégiques dans le duel de tous les instants entre chiffres hospitaliers et approche globale de la crise.

Coup de com’ ou reprise en main du politique (et du président de la République) ? Toujours est-il que l’annonce surprise vendredi soir dernier d’un non-confinement par un Jean Castex qui semblait avaler son chapeau, puis la prise de parole encore plus inattendue d’Emmanuel Macron au 20 h de TF1 le 2 février, ont donné le sentiment d’une amorce de tournant dans la gestion de la crise sanitaire. La « dictature sanitaire », plus exactement celle des mandarins hospitaliers, aurait-elle vécu ?

Le pari présidentiel est risqué, car la contagiosité des variants du coronavirus et le véritable carnage que subit le Royaume-Uni (plus de 1000 morts par jour) laissent craindre une prochaine saturation de nos services de réanimation, suivie d’un nouveau confinement. D’autant que les clusters du virus se multiplient dans les hôpitaux français.

On a le sentiment que les tenants du tout sanitaire, les yeux rivés sur le taux d’occupation des lits de réanimation, non seulement ignorent les incidences économiques et sociales de l’épidémie et des mesures de restriction, mais considèrent que la Covid doit éclipser toutes les autres préoccupations sanitaires. Heureusement Emmanuel Macron présentera-t-il aujourd’hui le plan décennal anti-cancer, cause nationale à laquelle nous avions consacré un dossier en décembre dernier.

Outre les dépressions nerveuses, combien de malades et de morts une telle crise économique et sociale peut-être engendrer ? Davantage qu’une vague de Covid ? À long terme, la réponse risque fort d’être positive, et plusieurs pays, comme l’Espagne et l’Italie, où la situation sanitaire n’est pas plus mauvaise que la nôtre, en ont pris acte en décidant de ne pas fermer ou de rouvrir les restaurants, bars et lieux de spectacle. Que serait notre monde sans eux ? Qu’est-il, d’ailleurs ? Ces choix sont également influencés, voire dictés par des considérations budgétaires. En France, Emmanuel Macron persiste à marteler son « quoi qu’il en coûte », sans jamais préciser qui, au final, paiera la note. En 2020, le PIB a chuté de 6,8 % dans la zone euro, et de 8,3 % en France, malgré les aides publiques massives. C’est est de mauvais augure.

En France, environ 500 personnes décèdent chaque jour de la Covid, un plateau macabre qui risque de voler en éclats. Certains jours, on en dénombre plus de trois fois plus outre-Manche. À ce rythme, plus d’un demi-million de Britanniques succomberaient à la Covid en un an. Plus que les projections les plus pessimistes en début de pandémie.

D’ici un mois, les 80 % des pensionnaires des Ehpad qui le souhaitent seront vaccinés, a promis le président de la République. Quid des autres ? Faudra-t-il les confiner contre leur gré ? Et d’ici la fin de l’été, tous les Français pourront être vaccinés, dixit Emmanuel Macron. Si ces promesses sont tenues et que l’on ne laisse pas les antivax ruiner l’effort collectif au nom d’une liberté individuelle dénaturée, l’espoir renaîtra. En attendant, il va falloir vivre avec le virus, comme l’avait dit notre président, et sauf nécessité absolue d’un confinement radical, rouvrir tout ce qui peut l’être en respectant des protocoles sanitaires adaptés (comme dans les restaurants collectifs) et en imposant véritablement le télétravail là où cela est possible. Ce sont les bureaux qu’il fallait en quelques sortes fermer, plus que les cinémas et les restaurants ! Mais le président (du conseil scientifique) Jean-François Delfraissy en aurait avalé non pas son chapeau, mais des couleuvres. 

Même si tout peut être remis en cause dans les prochains jours, il faut saluer la décision d’Emmanuel Macron de résister au diktat sanitaire. 

Revenons à Bercy… Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a-t-il introduit dans l’équation son maintien au gouvernement ? Lui aussi en a mangé, des chapeaux et des couleuvres, depuis que l’impression dominante est que le pays était dirigé par les blouses blanches auxquelles ne cesse de se référer le ministre de la Santé pour justifier les choix gouvernementaux.

Certains crient à une atteinte à la démocratie après cette manifestation d’autorité du président de la République. Mais contrairement au conseil de défense, il a toute la légitimité pour trancher. Sur le moyen et le long termes, c’est le Parlement qui devrait reprendre la main. D’ailleurs, un débat suivi d’un vote devrait précéder un éventuel nouveau confinement, a annoncé le Premier ministre. Cette réactivation parlementaire fait-elle vraiment sens ? Si reconfinement il devait y avoir, nul doute que la décision serait urgente à prendre. Pas de temps pour des palabres. En outre, il en résulterait nécessairement un vote en faveur du gouvernement. Notre Vème république n’a engendré que des députés godillots. Ce n’est pas propre à la macronie. 

Mais en attendant une modernisation des institutions, dans un sens plus démocratique, mais sans sacrifier à l’efficacité (le mirage du scrutin proportionnel), formons le vœu que désormais les pouvoirs soient exercés par les institutions désignées dans la Constitution, et non pas par des comités Théodule créés au gré des circonstances. 

Reste la Justice qui peine encore à admettre qu’elle est une autorité et non un pouvoir. Mais c’est une autre histoire…

 

Michel Taube

 

Directeur de la publication