Lauréat de l’Académie française, Christophe Ferré est romancier et auteur dramatique. Il a écrit plusieurs thrillers à succès, lancés pour la plupart en exclusivité par le Club France Loisirs, diffuseur historique et populaire dans le paysage des livres en France : La Révélation de Chartres, Mortelle Tentation, La Petite Fille du phare (ce dernier est d’ailleurs en cours d’adaptation à la télévision). Les livres de Ferré sont inspirés de faits divers qui ont défrayé la chronique. Le succès de ses livres témoigne de la passion des Français pour ces faits parfois si signifiants, au point où même le très sérieux Figaro vient de créer une équipe de journalistes « faits divers ».   

Soleils de Sang

Une fête de famille tourne au massacre.

Trois morts, une disparue.

Une survivante… amnésique.

La mère reste introuvable. Pour quelle étrange raison ?

Sur une plage de la Côte d’Azur, une jeune femme se réveille. L’esprit embrumé, Juliette ne sait pas comment elle est arrivée là. Petit à petit ses souvenirs refont surface : la veille, sa mère Flavia fêtait ses quarante-cinq ans, entourée de son mari et de ses enfants. Puis c’est le bruit des balles qui lui revient. Que s’est-il passé ? La police lui annonce l’implacable vérité : son père, son frère et sa sœur ont été abattus. Personne ne sait pourquoi Juliette a survécu, ni ce qu’elle faisait sur cette plage à quelques kilomètres de la scène de crime. Tout accuse Flavia, disparue sans laisser de traces. Mais quel mobile pousserait une mère de famille sans histoires à commettre un tel carnage ? Juliette le sait : la vérité sur cette affaire s’annonce cruelle et dérangeante. Le voile des apparences se déchire pour révéler les plus sombres secrets d’une famille en apparence presque parfaite…

Ce livre est inspiré de l’affaire Dupont de Ligonnès. Le point de départ de Christophe Ferré est toujours un fait divers. Il s’intéresse de près à l’enquête policière, puis il construit son propre récit, avec d’autres personnages.

Entretien avec l’auteur.

Opinion Internationale : où puisez-vous l’inspiration de pour  écrire vos romans ?

Christophe Ferré : Tous mes thrillers s’inspirent de faits divers connus du grand public. C’est mon point de départ, je suis le seul auteur français à le faire de manière systématique, sans pour autant raconter le fait divers dans sa totalité. Il s’agit d’une source d’inspiration. Exemple : La Petite Fille du Phare fait penser à l’affaire Grégory (complot de famille, mère accusée), l’affaire Maddie (parents suspectés de la disparition de leur fille à cause de leur attitude étrange). Je m’aide en consultant la presse, en regardant des documentaires (Faites entrer l’accusé et Non élucidé sont des modèles du genre), en lisant foule de livres consacrés à des affaires qui ont défrayé la chronique.

Que pourraient apporter des auteurs/scénaristes, aux enquêtes judiciaires en France ? Quelles différences de méthodes constatez-vous dans l’approche d’investigation française de la police, et ailleurs dans le monde ?

La police judiciaire française, en dépit de ses hommes aux qualités exceptionnelles, est très bureaucratique et applique des procédures tatillonnes qui font perdre énormément de temps, je pourrais donner des dizaines d’exemples. Or, pour résoudre certains cas, il faut imaginer très vite des scénarios auxquels personne n’a pensé. Pour cela, on pourrait faire appel à des scénaristes ou des auteurs de polars. En France, on ne recourt pas à des personnes étrangères à la fonction publique, contrairement à d’autres pays. Derrière mon bureau, j’ai résolu des affaires bien avant la police. 

Selon vous, qu’est-ce qui explique la fascination du grand public pour les faits divers ? Comme pour l’affaire Dupont de Ligonnès, Alexia Daval dont le verdict est tombé récemment, ou l’affaire Grégory qui semble être relancée ? 

Dans des affaires comme celles que vous citez, chacun se reconnaît dans certains protagonistes, qu’ils soient coupables, victimes ou famille de victimes. C’est terrible à dire, mais le fait divers est le révélateur de pulsions enfouies en chacun d’entre nous, bonnes ou mauvaises. Voilà pourquoi certains faits divers nous fascinent autant. 

L’affaire Alexia Daval, c’est le couple parfait, dans un village de carte postale (Gray), un gendre parfait adoré par tous. Sauf que ce dernier était un menteur pervers et manipulateur, et finalement un tueur d’une immense cruauté, en dépit de son visage poupin et de ses larmes de crocodile. Alexia a été étranglée avant de recevoir des dizaines de coups de poing dans le visage puis Jonathan a mis le feu à son corps au fond d’une forêt. On s’identifie alors à la famille éplorée qui vit un cauchemar que chacun pourrait vivre. Le conte de fées s’est transformé en film d’horreur. Cette affaire a quelque chose d’horrible et de fascinant au cœur d’une France rurale apparemment normale.

L’affaire Grégory est un complot de famille dans la France périphérique, une campagne oubliée par la mondialisation, en voie d’extinction économique. Une grande partie des Français s’est reconnue dans tous ces gens qui souffrent et se haïssent, d’autant que l’affaire est un feuilleton à rebondissements qui dure depuis des décennies.

L’affaire Dupont de Ligonnès met en scène la mise à mort de la famille française traditionnelle, celle qui a servi de modèle à la bourgeoisie depuis des siècles. Le Nantais ou le Versaillais pilier de paroisse est parfois un tueur méthodique, froid et manipulateur, mais aussi l’auteur d’un scénario digne des plus grands romanciers. Les groupes « Xavier Dupont de Ligonnès » sur Facebook réunissent des dizaines de milliers d’abonnés, davantage que la plupart des hommes politiques !

Les confinements ont mis en exergue et aggravé l’importance des violences intrafamiliales, que pouvez-vous en dire ?

Lors de ces périodes, on a constaté une explosion inouïe des violences intrafamiliales. Des femmes ont été maltraitées, rouées de coups, violées, assassinées par leur conjoint. On a connu une affaire effroyable à Ambert où trois gendarmes ont été abattus par un homme qui voulait tuer sa femme réfugiée sur un toit. Les autorités n’ont sans doute pas mesuré les effets délétères de confinements décidés dans la précipitation. La crise de la covid-19 a provoqué la plus grande catastrophe sanitaire depuis 1945, elle n’est pas seulement due à la maladie, mais à ses conséquences psychologiques, notamment parmi les dizaines de milliers de femmes violentées.

Propos recueillis par Michel Taube