L'humeur de Catherine
06H57 - samedi 6 février 2021

Le phénomène « En thérapie » sur ARTE : la France en thérapie, ce sera pour une autre fois

 

©Arte

Avec ce focus, critique mais bienveillant, sur le phénomène culturel et sociétale de la semaine en France, « En thérapie » du duo Éric Toledano et Olivier Nakache, qui explose les audiences de la belle ARTE, Opinion Internationale inaugure une édition LifeStyle Week-End qui, le samedi et le dimanche, visera, modestement, par petites touches et gros plans, à donner du sens à la culture, à la société, aux évolutions de notre vie quotidienne.

Les 7 millions de visionnage des premiers épisodes d’« En thérapie » sur Arte.tv et le succès hebdomadaire qu’aura tous les jeudis la série sur la même chaîne de la TNT sont à la fois une bonne nouvelle et une source d’inquiétude : le sujet méritait une telle attention et il faut saluer la sensibilité qu’y manifestent les Français aux deux réalisateurs qui transforment en succès populaire les sujets les plus graves (bravo les artistes !) : ainsi, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, un psychanalyste reçoit cinq patients. À travers leurs séances, la série sonde les failles d’une société en état de choc. Portée par des interprètes au sommet, “En thérapie” est l’adaptation par  de la série israélienne “BeTipul”.

Mais ce succès foudroyant pose une question… Cette mise en thérapie collective, cette quasi psychanalyse nationale dont atteste le succès foudroyant de cette série ne seraient-elles pas le reflet de ce profond malaise français, mis en lumière par la crise du coronavirus et les effets désastreux de l’isolement consécutif au triste record que détient la France en Europe : la (trop longue) durée de fermetures des restaurants, lieux de tourisme, de culture et autres couvre-feux. La France est malade d’elle-même, elle se cherche, se retourne sur elle-même. Ce succès n’est donc pas étonnant. Il est temps, une fois le week-end passé et l’édition LifeStyle Week-End d’Opinion Internationale refermée, que la France et surtout les Français se remettent debout car souvent, la meilleure thérapie, c’est l’action !

Michel Taube

Déçue. Je suis déçue. Je vais vous expliquer pourquoi.

Dès le premier épisode de la nouvelle série française qui cartonne dans l’Hexagone, du duo toujours gagnant Nakache-Tolédano, ceux qui ont vu Betipoul, la version originale made in Israël en 2005, ou In Treatment, l’américaine, sans doute la plus connue, de trois ans sa cadette, reconnaissent les personnages, les situations, les dialogues.

Dans les trois versions en question, on commence sur une femme en larmes – Je n’ai pas vu les autres : il y a eu jusqu’ici dans le monde 13 adaptations de cette série devenue culte –, une histoire de transfert, de couple qui s’effiloche, de petit coup à la va-vite, glauque à vomir sur le tapis. Et si on prend le temps de faire attention aux détails, on retrouve même certaines répliques. Ce n’est pas un reproche, juste une constatation. Il n’y a pas vraiment tromperie sur la marchandise : on nous a vendu la série comme un remake, elle n’est rien d’autre. Ce que je déplore en revanche, c’est l’opportunité manquée, la promesse non tenue.

Car la version française, en plaçant son premier épisode trois jours après les attentats du 13 novembre 2015, promettait de surpasser les versions qui l’ont précédée. En apprenant ce détail, souligné par tous les journaux, je m’étais déjà fait mon film. En psychanalyse, plutôt que de traitement, on parle de travail, celui de l’analysé. J’imaginais qu’En thérapie offrirait aux Français l’occasion d’un travail collectif de compréhension et d’assimilation de ces événements tragiques, un travail de résilience dont tous nous avons besoin. Je ne suis pas la seule, je crois, à m’être « fait ce film-là ». Et c’est sans doute pourquoi depuis qu’elle est disponible, seulement quelques jours, et avant même son lancement officiel sur Arte, près de six millions de personnes l’avaient déjà visionnée.

Aucun autre format ne pouvait mieux se prêter à ce genre de travail. En psychanalyse, on avance session après session, chacune se terminant à un moment choisi par le maître de séance, laissant une pensée en suspens. Pour donner à l’esprit le temps de poursuivre son chemin. Or les séries aussi, souvent, s’arrêtent au milieu d’une tension.

Mais revenons à notre mouton.

Au commencement, on y croit. On entre immédiatement dedans. Ariane, chirurgienne de son état, sort de quarante-huit heures de travail en continu à l’hôpital Saint-Antoine, à réparer des blessés et à ne pas compter les morts. Nous sommes aussitôt projetés dans le souvenir de cette nuit, de ce silence de stupeur et d’incrédulité, dans la douleur aussi et cette certitude que la vie de demain ne ressemblera pas à celle de ce matin. Dans cette époque de division, nous nous rassemblons aussitôt autour de notre traumatisme commun. Tandis qu’elle parle d’amour, de sexe, comme pour faire taire la mort, pour occulter le drame, les sirènes qui discrètement résonnent en arrière-plan nous le rappellent sans cesse. Le deuxième épisode continue sur cette lancée avec Adel Chibane, officier de la BRI, Brigade de recherche et intervention, intervenu justement au Bataclan le soir du drame. Le jeu de Reda Kateb nous rend l’horreur vivide.

Puis petit à petit, la date tragique du 13 novembre n’est plus que vaguement évoquée, retour à la normale. Aux conflits, aux angoisses, aux dilemmes du quotidien. Bref, la vie continue. C’est ce qui me dérange. Pourquoi alors avoir choisi cette période précisément ? Était-ce seulement un coup de pub, réussi, qui plus est ? Ou assistons-nous ici au premier raté du duo Nakache Tolédano ? 

Attention, un raté, certainement pas un échec. Servie par une équipe technique et des comédiens remarquables, En thérapie se tient. Mais c’est tout malheureusement. N’en attendez rien de nouveau. A moins d’une surprise dans les prochains épisodes…

 

Catherine Fuhg

 

 

 

 

 

 

 

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